Alors que le chat est l’animal-star du web et que nous fêterons l’an prochain les quarante ans du Chat de Geluck, voici un délicieux opuscule à succès de Stéphane Garnier. Un guide de développement personnel inspiré par nos félins inséparables de notre humanité.

« Il est chat, donc libre.»

Tout le propos de cet opuscule au succès absolument impressionnant- deux cent mille exemplaires vendus et déjà traduit en vingt-neuf langues- est de nous instruire un peu mieux sur les us et coutumes de nos matous apprivoisés et aimants mais jamais véritablement domestiqués, contrairement aux chiens. Et d’en tirer d’utiles considérations par rapport à nous, les humains !

On découvre leur ingéniosité, leur indépendance, leur courage, leur ténacité. Et leur besoin d’affection mais qui jamais ne déborde, ni ne les réduit en demande trop pressante, trop envahissante : le chat -et c’est sa noblesse -reste le maître (ou la maîtresse) en toutes circonstances. Une constatation : sauf déformation due à une blessure ou une maladie, tous les chats sont beaux ! L’auteur Stéphane Garnier s’est servi de longues observations souvent émerveillées de son propre matou Ziggy pour nous divulguer toutes ses réflexions.

Stéphane Garnier et son chat Ziggy

Au fil des courts chapitres d’une lecture fluide et agréable, nous découvrons tous les aspects de la personnalité remarquable des félins. Au passage, si les écrans vous ont éloignés des livres, voici une belle tentation pour redécouvrir les plaisirs raffinés et irremplaçables de la lecture sur papier !

Pages 36-37, l’auteur développe la propension de nos quadrupèdes aimés à se trouver au centre de toutes les attentions.

Pages 39-41, on se rend compte que ceux-ci sont hermétiques au jugement. Leur fine frimousse poilue éclairée d’un regard doux, intense et parfois énigmatique est le bel écrin d’un caractère indomptable !

Pour faire comprendre la structure de cet ouvrage, voici ce qu’on trouve dans ce chapitre. D’abord en introduction, une citation comme celle que voici, de Winifred Carrière.

«Les chats savent très bien qui les aime et qui ne les aime pas, mais s’en soucient trop peu pour y remédier.»

Et une envolée (très) forte de l’auteur, qui fait diablement réfléchir.

«Nous sommes trop souvent soumis à cette dictature sociale de ce qu’il faut «paraître» ou «avoir», quand le chat, lui, s’en moque comme de sa première souris ! Même lorsqu’il vit plus ou moins domestiqué ou à l’état sauvage, le chat n’adopte jamais l’attitude de l’un de ses congénères.

Il reste tel qu’il est, avec ses envies, son caractère, ses besoins, sans avoir la moindre pensée de devoir entrer dans un quelconque moule social, ou arborer et colporter une image, pour «s’intégrer» au diktat d’une majorité souvent en perte de repères.

Il est entier, avant tout fidèle à lui-même, et nous ferions bien socialement de nous en inspirer, ne serait-ce que pour ne pas vivre dans un grand lissage de pensées (uniques), de modes à l’emporte-pièce (stériles), de discours (convenus) et d’une morale (proprette) à géométrie variable.»

Et en fin de chapitre, p.41, cette objurgation en caractères gras :

Affranchissez-vous du regard des autres ! Restez vous-même !

Certes, il faut reconnaître que certains conseils appliqués à notre race humaine, inspirés de la conduite féline, enfoncent parfois des portes ouvertes. Mais il faut retirer de ce livre la substantifique moelle intéressante, parfois un peu diluée par l’auteur dans des évidences inutiles voire un…poil (!) niaises.

Les pages « La journée du chat », avec ces horaires de la vie du matou et, en regard, ces conseils que l’on est censé appliquer dans nos vies humaines, n’apportent pas grand-chose.

Citations et sentences

Des éléments qui font mouche sont toutes ces citations et sentences qui introduisent chaque chapitre. Les sources sont on ne peut plus diverses, de toutes époques.

Sans ordre d’apparition et en vrac : on y trouve Théophile Gautier, la grande Colette, Freud, René Char et Chateaubriand, Hemingway et Michel de Montaigne…

Mais aussi des gens d’aujourd’hui et de haute volée comme Tomi Ungerer, Frédéric Vitoux et Philippe Geluck. Peu de grandes plumes de la seconde moitié du siècle passé finalement : on épingle surtout Jacques Laurent -un peu oublié aujourd’hui -et celle qui a parfaitement passé la redoutable épreuve du temps : Françoise Giroud !

Florilège

Pour éveiller votre appétit intellectuel, voici quelques petites perles relevées pour vous parmi les citations d’introduction. Celle qui suit me paraît finement observée.

« La différence entre un chien et un chat. Le chien pense : ils me nourrissent, ils me protègent, ils doivent être des dieux. Le chat pense : ils me nourrissent, ils me protègent, je dois être Dieu.» (Ira Lewis)

Et une autre, amusante et bien connue.

«Si l’on pouvait croiser l’homme avec le chat, ça améliorerait l’homme mais ça dégraderait le chat.» (Mark Twain) 

Une fin à la belge

Geluck donc, direz-vous ! Eh bien non…

Le livre se termine avec de nombreuses questions sur notre caractère et nos habitudes, qui nous permettront d’évaluer notre quotient chat ! Une fin pratique en somme, qui concerne notre vie quotidienne, voire toute notre existence.

On terminera avec un très joli poème de celui qu’on étudiait encore lors des jours lointains de ma première scolarité, le Belge Maurice Carême. Cette conclusion me semble correspondre à l’esprit raffiné et lumineux de ce recueil, certes lesté de quelques longueurs voire platitudes, mais au total plein de charme et de réflexions qui portent.

« Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra.

Le chat ferma les yeux, le soleil y resta.

Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, 

j’aperçois dans le noir deux morceaux de soleil.»


Garnier, Stéphane (2021) Agir et Penser Comme Un
Chat Les Éditions de l’Opportun 158 pages.