« Plumes de fiel, Images de haine. Esquisse d’une collection insolite.» Le Musée Piconrue à Bastogne, dans les Ardennes belges, expose l’incroyable collection d’Arthur Langerman sur l’antisémitisme. Une manière de dénoncer, et de se rappeler les dérives de la propagande antisémite, toujours d’actualité.

Des livres et des objets mis en cage

Bien sûr, c’est symbolique, mais c’est bien vu par Christian Ernst Israël, le concepteur et scénographe de l’exposition. Des cages en bois qui indiquent que le contenu est dangereux. L’antisémitisme a tué, et continue son œuvre mortifère de nos jours. Car comment traiter d’un sujet aussi difficile, c’est-à-dire exposer à la vue du public ce que l’on aimerait justement ne plus voir ?

Et pourtant c’est nécessaire. C’est didactique. A la base de l’exposition il y a l’incroyable collection d’Arthur Langerman, plus de 8000 objets antisémites. Il y a dans l’exposition une très intéressante vidéo de ce collectionneur qui expose sa démarche. Il explique que si ses parents avaient vu cette propagande antisémite, telle que lui a été capable de la réunir, ils auraient fuis la Belgique en 1940. Langerman pense que c’est parce que ses parents n’étaient pas au courent de la virulence de la haine à l’encontre des Juifs qu’ils sont restés, se sont mariés pendant la guerre, ont eu des enfants dans ce climat mortifère.

Une exposition itinérante

Un panneau explique à l’entrée de l’exposition « Elle a été réalisée à l’initiative du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) à Bruxelles. Elle est dédiée à Arthur Langerman, qui a eu le courage et la ténacité de réunir pendant 60 ans un matériel iconographique antisémite considérable. Citoyen belge d’origine anversoise, né de parents juifs en pleine Seconde Guerre mondiale, cet homme habité par un devoir de mémoire et de transmission s’est vu décerner par le CCLJ le titre de « Mensch de l’année 2020 » en septembre 2020.

Dans un esprit de volonté de faire circuler ce module à caractère pédagogique dans différentes villes d’Europe, deux panneaux sont entièrement consacrés aux heurs et malheurs de la vie juive en Pays arlonais, éclairant le visiteur sur une page d’histoire encore méconnue. »

Une mise en garde nécessaire

« Donner à voir des images dénigrantes ou caricaturales de la représentation du « Juif » au sein d’un lieu de passage et de rencontre peut heurter ou blesser un public jeune ou non averti, qui ne disposerait pas de connaissances suffisantes en matière d’histoire de l’antisémitisme.

Des pommeaux de canne en forme de caricature antisémite © photo Grégoire Tolstoï / Musée Piconrue

Cette iconographie, toute particulière, qui naît le plus souvent de frustrations, de jalousie ou de haine et qui fournit des réponses simples à des questions complexes, se reflète dans les médias et investit toutes les formes d’expression existantes. »

L’imagination maléfique au pouvoir

On verra dans cette exposition un peu de tout : des livres, des pommeaux de canne, des statuettes, des affiches, des dessins, des tableaux, des documents administratifs, tout est bon pour alimenter le moulin de l’antisémitisme. Et encore, seule une petite sélection de l’immense collection d’Arthur Langerman est exposée. Cela suffit amplement pour se faire une idée car si les supports sont nombreux, les concepts qui les animent ne brillent pas par leur diversité : le Juif avare, exploiteur, fauteur de guerres, aux traits physiques caricaturaux.

Bastogne est une jolie petite ville de 16 000 habitants, entourée des belles forêts de sapins des Ardennes. La visite vaut la peine, mais il faudrait qu’elle ait aussi lieu dans de plus grandes villes où un public plus vaste pourrait y accéder plus facilement, car il est important de se rendre compte de ce que certains ont pu véhiculer comme image des Juifs. Ces caricatures sont toujours d’actualité. Bien qu’elles datent des XIXe et XXe siècle, il ne fait pas de doute qu’elles ont encore une vie grouillante au XXIe. Malheureusement.


Pour en savoir plus sur la résilience après la Shoah, lisez notre article consacré à Boris Cyrulnik.

Le site du Musée Piconrue, Musée de la Grande Ardenne