On l’attendait depuis longtemps, ce musée entièrement dédié à la Diva et dont la vie fut intensément riche en émotions les plus capricieuses et diverses. Ouvert en Octobre à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Maria Callas, et en présence des plus importantes personnalités du pays, il est le premier au monde à lui rendre hommage.

Une collection émouvante

Pour ceux qui admirent et aiment Maria Callas, visiter ce musée laisse rêveur et profondément nostalgique. C’est en effet le premier musée au monde laissant les visiteurs approcher son univers et son monde intime. Objets, reliques en tous genres, vêtements de collection, ce sont environ 1000 pièces, ayant appartenu à la Soprano, que l’on peut admirer au fil des salles et en toute quiétude. Certains aficionados plus connaisseurs encore, peuvent redécouvrir les rôles emblématiques de la Diva, et également ceux moins connus. Grâce à des vidéos, une fois de plus très émouvantes, à travers des textes et des passages audio phoniques, la vie de Maria Callas défile doucement sous nos yeux.

Musée Maria Callas, Athènes © Vangelis Patsialos

Comme l’écrit si bien André Tubeuf dans le livre Maria Callas (Actes Sud, 2023) dont il est à l’origine : « Le choc Callas, d’abord, ça a été la voix. Elle était pleine, colorée, véhémente, sans limite apparente ni en extension, ni en projection, ni même en agilité ». Ces quelques phrases donnent le ton de l’entier musée consacré à l’adorée soprano grecque qui a défini l’opéra du XXe siècle et donné une nouvelle dimension au chant lyrique. Le désir du musée est aussi de mettre en lumière des aspects plus secrets et méconnus de Maria Callas, de sa carrière et de son intense vie.

Une voix, un visage  un mythe

En 2007, André Tubeuf avait esquissé un portrait de toute beauté édité dans l’Offrande musicale (Robert Laffont, collection Bouquins). Epuisé aujourd’hui, il m’a semblé donc essentiel de retranscrire certains fragments de celui-ci : « Ce qui saisit Elvira de Hidalgo dans la scène d’Oberon que lui chanta l’étudiante, c’est la violence du torrent sonore, qui allait par saccades. « Une voix importante »-adjectif sans équivalent dans notre vocabulaire lyrique ; c’est ce qui Franco Siciliani notera en entendant à la radio son Isolde de Venise. Importante était la taille de la jeune Callas : taille épaisse, verres plus épais encore sur sa myopie, boutonnée dans un vêtement sans grâce et semblant s’en ficher »…« Qui sen préoccupait de l’apparence des chanteurs alors ? Mais la voix ! Les couleurs du grave éclipsaient en richesse celles de Cloe Elmo, premier contralto d’alors.. »…

La Callas dans l’opéra La Vestale de Gaspare Spontini, 1954 © Domaine public

« Ces voix importantes vont tout droit aux rôles, si difficiles à distribuer, qui seuls portent au public le choc élémentaire, le thrill  du grand son vivant, vibrant, qui balaye tout devant soi »…« Nous n’avons pas fini d’écouter Lucia rendue à sa vraie nuit, avec Karajan ; la Somnambule avec Bernstein, ses maniérismes bouleversants, victoire de l’esprit sur la matière, comme est la danse, telle que Bellini a pu rêver pour une Taglioni, autour de qui le chant ténu et frêle de Callas fait flotter les brises d’impalpables Nocturnes…« Callas n’a pas seulement rendu la vie à des héroïnes qui après tout auraient pu rester ensevelies. Nous n’en serions pas morts. Mais nous aussi, elle nous a éveillés, recréés par l’oreille, incités à une écoute plus exigeante et plus profonde.

La Callas au Concertgebauw d’Amsterdam, 1959 © Domaine public

Parce que c’est l’imagination musicale en elle qui était géniale, c’est notre oreille qu’elle sollicitait, même au théâtre. Mais le théâtre, avec ses trop ostensibles apparences, et ses bruits de coulisses aussi, distrait de ce que le chant suffit à montrer. Callas a quitté le théâtre. C’est pour mieux habiter la magie du disque aveugle, où est toujours tout son théâtre, que notre oreille suffit pour voir, si elle réécoute, et gagne Callas comme celle-ci d’abord a fait-sur ses défauts mêmes. Magicienne ! Ouvreuse d’oreilles !Enchanteresse, très au-delà du chant !

A lire : Maria Callas, Jean-Jacques Groleau. Ed Actes Sud, 2023 ; Maria Callas, Vissi d’arte, vissi d’amore. David Lelait-Helo. Lindau Ed. 2009.

Musée Maria Callas. Mitropoleos 44, 10563 Athènes. Tel : 0030.210.4404.204


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