Productions à gogo, styles très variés, accès facile…que de bonne nouvelles au très libéral rassemblement de tatoueurs organisé chez Blast !

Vous l’aurez compris, le thème de cette exposition, organisée le 22 octobre dernier, était la promotion et l’initiation au tatouage. Ayant déjà effectué une descente dans ce jeune atelier de sérigraphie géré par deux passionnés, Geov et Palindrome, je savais d’ores et déjà que je devais m’attendre à du surprenant.

En effet, Blast, comme beaucoup de collectifs d’artistes investis, aime à expérimenter sans contraintes ni attendus, et à provoquer les rencontres avec tous les artisans à qui nous devons le plaisir d’explorer nos rues.

Trois questions seulement figuraient à mon ordre du jour : comment se vit le métier de tatoueur, quel avis reçu par les visiteurs et jusqu’où cette étonnante discipline se porte-t-elle ?

À questions posées, réponses étonnantes. À ma grande surprise, ses praticiens (italiens, français et belges en l’occurrence) m’ont décrit le tatouage comme un art « populaire, accessible d’amis à amis ». Beaucoup d’entre eux (pour ne pas dire tous) ont en effet appris le métier via leurs proches. Selon leurs dires, ce copinage est nécessaire car le milieu est restreint. Recevoir l’enseignement ne se fait pas sur demande comme à l’école parce que la matière recherchée est trop rarement enseignée.

De même, le démarrage est difficile, se faire connaître implique d’être régulier comme une horloge, doué pour satisfaire le client et surtout savoir susciter l’intérêt.

Heureusement, de plus en plus de gens semblent rejoindre le mouvement, comme l’atteste la variété des styles présentés par les artistes : art libre, heavy métal, free style, symbolisme, animaux, inspirations personnelles, street art…Aucune contrainte ne semble freiner l’inspiration de ces graphistes à cet art si chirurgical. À part l’hygiène, bien sûr. Une formation de trois jours sur le sujet est obligatoire. Futurs tatoueurs, ne fuyez pas, il semble que cette dernière soit vite pliée et validée.

Au cours de mes recherches, il est apparu que la scène nationale n’intègre pas facilement ce domaine, incompatible avec le standing implicite à une mode en partie dominée par l’abstraction. Qu’à cela ne tienne; les tatoueurs se moquent d’être reconnus. L’avis des clients est prioritaire. Doublement, même. Rester « in touch » avec le public est vital car la peau sert de support, mais aussi parce que le contact humain est requis pour réellement « vivre » dans le milieu.

La créativité et les échanges sont liés, et les tatoueurs affirment trouver un enrichissement personnel et un renouvellement des idées et des défis à travers les clients et leurs desideratas.

Il me semble maintenant important de résumer les avis reçus avant d’entrer dans lʼexpo : les gens « aiment bien » le tatouage.

Développons, car le résumé est vague. Certains acceptent de se faire canvas sous la pointe des artistes avec un objectif précis en tête, tandis que d’autres y vont avec la même insouciance qui les mène chez le coiffeur. On ne peut donc pas parler d’effet de mode ou d’engouement massif, mais il est notable que le tatouage gagne en popularité, car le public gagne en diversité.

On parle en effet d’un renouvellement du public lié à une plus grande prise de liberté de mœurs et un mixage culturel de plus en plus fréquent. Après tout, comme le dit l’adage contemporain, « internet est ton ami ». Ainsi donc, de plus en plus de genres non-nommés se manifestent, chacun allant de sa touche perso pour créer des tatous innovants ou renouveler/perpétuer les grands classiques. Le tout se fait moins sur une initiative des tatoueurs que sur demande des clients. Ces derniers sont, comme expliqué plus tôt, à la fois les chefs de projet et les financiers de ces petites œuvres sérigraphiées sur notre épiderme.

Je veux pour exemple celui de deux amies que j’ai interrogées. Ces dernières, fort attachées l’une à l’autre, ont décidé de se faire poser un seul tatouage unifiant leurs deux poignets. Savante façon de valoriser un « check », n’est-il pas?

Une telle dévotion à travers un tatouage m’incite à développer sur l’emploi du tatou (mot de racine tahitienne, pour ceux qui se posent la question). Comme la plupart des arts, il s’agit dune discipline qui, jadis, était surtout enseignée à des élèves sélectionnés et avec une thématique et des valeurs propres à la culture ou au milieu de la personne tatouée ou du tatoueur.

Les exemples dune fonction attribuée au motif abondent; maoris, yakuzas, repris de justice, gangs de bikers, inuits, bornéens… Beaucoup de ces cultures mal connues ont pour point commun de « fixer » l’identité de la personne sur la peau. On peut alors parler de statut social, d’appartenance à un clan ou à un corps de métier (note : les artisans du Moyen-âge faisaient appel à cette technique à la fin de leur apprentissage).

Pour revenir à notre époque et pour raccrocher avec les faits énoncés plus haut, on parle autant, de nos jours, d’applications frivoles que de véritables investissements personnels. La popularisation et la propagation du tatouage via les réseaux, réels et sociaux, incite largement le tout un chacun à exercer son plus strict droit de disposer de son corps comme il l’entend. La prise de choix entre tatouages pour le fun ou tatouages pour une bonne raison est également plus étendue, bien quelle ait parfois une connotation négative dans certains
pays (en Asie notamment). Les tatoueurs interrogés par mes soins affirment, pour leur part, y voir surtout le moyen de faire connaître leurs œuvres et de débuter d’un rien.

Comme quoi Internet, bon gré mal gré, remplit sa fonction. Le partage et le contact à travers le globe. Les derniers avis pêchés durant mes pérégrinations tendent à dire que l’Art, avec un grand « A », transite des universités aux rues ; sculpture, comics, sérigraphie, dessin, musique…Autant de domaines mis en application in domus depuis quelques années. La nouveauté sera-t-elle dans le partage ? Hors des grandes institutions ?
À vous de voir, c’est vous qui tenez le téléphone.