Ce que j’ai aimé dans le « Napoléon » de Ridley Scott
L’unanimité des critiques contre le film « Napoléon » de Ridley Scott m’a donné envie de le voir. Quand les loups se déchaînent contre une brebis isolée, c’est qu’il y a peut-être quelque chose d’intéressant qui se passe de ce côté-là.
Je n’ai pas été déçu du voyage. D’abord je dois avouer ne pas avoir vu le temps passer. Les 2h40 du film se sont écoulées sans que je m’en aperçoive. C’est seulement parce que je connais la vie de Napoléon dans les grandes lignes que je savais à quel moment de l’histoire je me trouvais, sinon le spectacle fut brillant et mené tambour battant, si j’ose dire.
Un grand journal français, que je ne nommerai pas par pitié pour lui, a titré avant-hier : « Honte à Ridley Scott : « La vie de Napoléon a duré près de cinquante-deux ans, pas 2 heures 38 ! » Titre d’une mauvaise foi crasse. A ce compte on ne raconterait jamais la vie de personne, ni au cinéma, ni au théâtre, ni dans un livre. Mais il a fallu en effet du courage au réalisateur pour s’attaquer à Napoléon. Le sujet est tellement vaste que, depuis deux cents ans que Bonaparte est mort à Sainte-Hélène, il sort en moyenne dans le Monde, toutes langues confondues, un nouveau livre par jour sur lui !
Comment donc traiter de manière équitable et sérieuse un sujet tellement immense ? La réponse est simple : ce n’est pas possible. Il faut donc prendre un parti, un angle d’attaque, une vision, une approche personnelle. Pour moi Ridley Scott a attaqué son Napoléon sur deux flancs.
D’un côté il a voulu brosser les grandes lignes de sa vie publique, dans son ensemble. Pour un sujet aussi complexe il a dû évidemment ne s’attarder que sur quelques événements. On passe d’une année à l’autre, on survole, on ne peut pas tout raconter. Mais il nous donne à voir quelques moments importants de la vie de l’Empereur : Toulon, Austerlitz, la Campagne de Russie, Waterloo, par exemple. Les historiens et les passionnés de Napoléon sont frustrés, à n’en pas douter. Mais à quoi s’attendent-ils ? Faut-il venir au cinéma avec son sac de couchage et y passer la semaine pour voir un film plus complet ?
De l’autre côté, Ridley Scott développe plus en détails l’histoire d’amour entre Napoléon et Joséphine de Beauharnais. Une véritable histoire d’amour, avec ses hauts et ses bas, dans laquelle nous découvrons un Napoléon plus humain, une fragilité dans la cuirasse du conquérant. J’ai trouvé cet aspect de sa vie très bien abordé. Car oui, ce fut une véritable histoire d’amour, et cela se voit à l’écran, avec une Vanessa Kirby très convaincante en Joséphine. Quant à Joaquin Phoenix dans le rôle de Napoléon, certes il ne lui ressemble pas vraiment physiquement, mais il l’incarne bien à mon goût.
Les spectateurs sont habitués à voir dans les grandes productions hollywoodiennes des acteurs se transformer de manière inouïe dans les personnages qu’ils jouent, mais ici nous sommes plus dans un état d’esprit, et ce n’est pas mal je trouve. Par exemple le jeune tsar Alexandre Ier est très bien incarné par Édouard Philipponnat, dans son attitude amicale mais changeante, et son désir de plaire aux femmes.
Ridley Scott reste un réalisateur hollywoodien, et le film est un grand spectacle. Une de ses forces réside dans les scènes de bataille. On peut aussi en discuter longuement, mais est-ce vraiment le but d’un film à grand spectacle ? Je suis allé au cinéma avec des dames et je leur ai demandé leur avis à la fin de la séance. « Je n’ai pas aimé les scènes de batailles » m’ont-elles chacune répondu. Cela voulait bien sûr dire que c’était trop violent. Et moi d’en rajouter : « Oui, je comprends ta déception, elles sont édulcorées, mais tu te rends bien compte qu’on ne peut pas vraiment montrer toute l’horreur de ces batailles dans un film grand public. »
Car oui, les scènes de guerre sont admirablement tournées, mais comment bien rendre à l’écran les centaines de milliers d’hommes qui se sont affrontés à Waterloo, même avec les moyens visuels actuels issus des jeux vidéo ? Le film reste quand même impressionnant aussi sur ce point. L’Histoire avec une grande H est souvent tordue par le réalisateur, pour mieux entrer dans son scénario. C’est ce que font les artistes, ils s’approprient un sujet, car ce n’est pas ici un film fidèle à l’Histoire, mais un film en costumes qui se passe à une certaine époque.
Mon bémol : j’ai vu le film en Belgique où il passe en version originale sous-titrée en français. J’ai été très agacé d’entendre Napoléon, et tous les Français, parler anglais pendant deux heures et demie. C’est tellement absurde que cela crée une distance par rapport aux personnages. D’autant plus qu’à l’époque le français était la langue internationale, et les rencontres entre les empereurs de Russie et de France se déroulaient dans cette langue. Si vous pouvez le voir en version doublée c’est probablement mieux.
Certes, le film débute par l’exécution de la Reine Marie-Antoinette, et on sait que Napoléon n’a pas pu y assister, contrairement à ce que l’on voit dans le film. Mais cela permet de rappeler un contexte primordial pour la suite du film et de la vie de Bonaparte. Cela permet aussi de rappeler l’ignominie des excès de la révolution, les procès truqués, les massacres affreux, les crimes épouvantables basés uniquement sur la naissance. Il ne faisait pas bon être noble. La bande-son est d’ailleurs édifiante à ce sujet. Tout au long du film je l’ai trouvée excellente.
Au générique de fin Ridley Scott rappelle les trois millions de morts des guerres napoléoniennes. Vaste débat encore que celui-là. Napoléon a-t-il seulement couru après sa gloire au mépris de la vie de millions de gens ? La France, qui était devenue l’ennemi de l’Europe suite à la révolution, pouvait-elle s’épargner ces guerres, alors que l’Europe coalisée voulait l’envahir et l’écraser ?
Je me souviens d’une conversation, il y a trente ans, entre un de mes amis issu d’une des plus grandes familles de la noblesse d’Empire, et sa grand-mère. Il arguait que Napoléon avait été un grand criminel contre l’Humanité. A quoi sa grand-mère lui répondait : « Oui, c’est vrai, mais n’oublie pas que sans lui nous ne serions pas à la place que nous occupons aujourd’hui. » Il en va de même pour un bonne partie de l’Europe qu’il a façonnée. Personnage très complexe, la preuve de son importance nous est donnée encore aujourd’hui par tous les débats que suscite ce film de sir Ridley Scott. Le mieux pour se faire une idée est d’aller le voir vous-même.
A l’époque napoléonienne se développe la Franc-Maçonnerie de Rite Egyptien. Envie d’en savoir plus sur Culturius?
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