Au musée Juif de Belgique, le travail de l’artiste américain Sol LeWitt plaira aux amateurs d’art conceptuel et à ceux qui apprécient les œuvres en forme de devinettes. L’exposition dure jusqu’au 1er mai.

Le concept versus la réalisation

Vue de l’exposition Sol LeWitt ©Musée juif de Belgique. Photo Didi Fink

Le Wall Drawing #368 incarne la première énigme de l’exposition. Il s’agit de trois pans de mur couverts de rayures verticales, horizontales et diagonales. Elles sont noires, rouges, jaunes et bleues. Cette fresque a été réalisée par un groupe d’étudiants, issus d’écoles d’art bruxelloises, encadrés par un professionnel. Et Sol LeWitt dans tout ça ? Justement, les jeunes artistes ont travaillé à partir de ses plans et de ses indications, à la manière d’interprètes, qui déchiffreraient une partition. LeWitt est considéré comme un pionnier de l’art conceptuel. De son vivant, il accordait plus d’importance à l’idée et au concept derrière l’œuvre qu’à sa réalisation. C’étaient des assistants qui se chargeaient de l’exécution.

Au cours de sa carrière, Sol LeWitt a conçu les plans de plusieurs wall drawings. Le propre de ce type de dessin, c’est d’être réalisé dans un musée pour une durée déterminée. Il est adapté par les exécutants – interprètes à l’échelle et à l’architecture du musée. Une fois l’exposition terminée, il est effacé. Dit autrement, le destin d’un wall drawing, c’est la destruction. Original, non ?

Quand à la fin des années 1960, Sol LeWitt, originaire du Connecticut, introduisit aux États-Unis sa nouvelle vision de l’art, il surprit, ébranla les idées reçues. Affirmer que la valeur d’une œuvre reposait autant sur son concept que sur son résultat était révolutionnaire. Sol LeWitt était un brin visionnaire. Il nous a laissé une belle formule: « L’idée devient une machine qui fait l’art. »

Sol LeWitt, le cube dans tous ses états

Vue de l’exposition Sol LeWitt ©Musée juif de Belgique. Photo Didi Fink

Dans une autre salle, vous trouverez une belle collection de cubes, sculptés et dessinés. Ce ne sont pas n’importe quels cubes. Ils sont imparfaits: déformés ou incomplets. La sculpture en aluminium d’un cube géant blanc, auquel il manque une arête, s’appelle justement Incompleted Open Cube 8/10. Sol LeWitt s’amuse à inventer des variations autour d’une même forme.

Le spectateur est poussé à se poser des questions: combien existe-t-il de cubes incomplets ? quel rapport peuvent entretenir l’art et l’arithmétique ? d’un point de vue esthétique, pouvons-nous apprécier un cube imparfait ? Encore une fois, la démarche de Sol LeWitt, très intellectuelle, s’adresse à l’intelligence plus qu’aux sens.

Au cours de sa carrière, LeWitt s’est beaucoup intéressé aux formes géométriques simples. Le cube, tout particulièrement, est devenu iconique de son travail, presque comme une signature. Ce type de démarche lui a valu d’être considéré comme appartenant également au minimalisme.

La synagogue de Chester

Beth Shalom Synagogue, Chester, CT. Photo ©Robert Benson

Artiste prolifique et touche-à-tout (dessin, sculpture, peinture, photographie), Sol LeWitt a aussi conçu une synagogue à Chester dans son Connecticut natal. Fils d’immigrants juifs venus de Russie, l’artiste se serait identifié à la culture juive sans être croyant. LeWitt s’intéressait également à l’architecture. À ses débuts, dans les années 1950, il avait travaillé comme graphiste dans le cabinet de I.M. Pei.

Il a développé ce projet de synagogue, entre 1996 et 2001, avec l’architecte Stephen Lloyd. LeWitt désirait s’inspirer de très anciennes synagogues polonaises en bois. Pour ce faire, il a voyagé plusieurs fois en Europe sur les traces de ces bâtiments, dont un grand nombre avait été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans un documentaire de John Ostrow, que passe le musée, différents collaborateurs de LeWitt s’expriment. L’un deux explique que LeWitt a cherché à construire la synagogue d’une « manière shakespearienne. » Il aurait souhaité, qu’à l’instar du Globe Theatre, son bâtiment puisse accueillir, en fonction des occasions, des grands comme des petits groupes, et être, dans les deux cas, tout aussi adapté.

L’exposition présente à la fois des œuvres emblématiques et des travaux inconnus de LeWitt. Elle revient également sur les projets qu’il a réalisés en Belgique, notamment les dessins qu’il a faits pour le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Liège. Très riche, cette expo permet de découvrir et redécouvrir Sol LeWitt, un artiste pionnier à plus d’un égard.