Présents depuis les temps les plus reculés dans les sociétés humaines, les animaux fantastiques peuplent l’imaginaire des hommes, et font de fréquentes incursions dans la vie quotidienne des populations au travers toutes les époques.

Mais qu’est-ce qu’un animal fantastique ?

Les animaux fantastiques partagent avec la faune, un réel pouvoir de fascination sur les êtres humains. Proches de la nature, vivant aux marches du monde réel, ils portent en eux une sauvagerie mêlée de sagesse. Ils sont cependant différents des animaux côtoyés chaque jour. Ils se démarquent par leur apparence. Ils sont souvent d’une taille gigantesque, démesurée. Il s’agit également d’êtres à la morphologie complexe, rassemblant en un seul corps, les caractéristiques physiques de plusieurs animaux.

Walter Andrae, Dragon-serpent de la porte d’Ishtar, 1902, Aquarelle sur carton © DR

Corps de cheval, ailes d’oiseau, voire de chauve-souris, dents de fauve, tête de lion, queue serpentiforme, ils combinent une infinité d’anatomies reflétant leurs pouvoirs surnaturels. Ils incarnent les forces élémentaires de cette nature que les hommes craignent tout en désirant la dominer plus que tout.

Ces créatures ont une charge symbolique énorme : eaux paisibles ou tumultueuses, vents puissants dont le chant rend fou … Ils vivent dans les montagnes, domaine des dieux, ou sous terre. Ils sont violents, puissants, sauvages, éclatants, d’autant plus inquiétants qu’ils sont d’une beauté ou d’une laideur fascinante.

Les Animaux Fantastiques © DR

Une exposition riche de près de 250 œuvres

Le Louvre-Lens regroupe dans ses murs plus de 250 œuvres, sculptures, peintures, objets d’art, costumes ou décors de cinéma, dont certaines sont célébrissimes comme « la tentation de Saint Antoine » de Salvador Dali (1904-1989), « Saint Georges combattant le dragon » de Paolo Uccello (1397-1475) ou encore une figurine de bronze représentant le démon mésopotamien Pazuzu (entre 940 et 610 avant J.-C).

Les Animaux Fantastiques © DR
Salvador Dali (1904-1989), la tentation de Saint Antoine © Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Un parcours thématique remarquablement agencé

L’exposition explore les différentes facettes de nos rapports aux créatures fantastiques. Elle débute donc par un retour aux origines de ces êtres qui émergent de la préhistoire, où elles incarnaient les terreurs humaines face aux imprévisibilités des phénomènes naturels.

Dès l’antiquité, ils sont associés aux mythes et combats fondateurs qui peuvent se résumer en simplifiant à l’extrême, aux oppositions entre le bien et le mal.

Paolo Uccello (1397-1475) – Saint Georges combattant le dragon (v. 1465) – tempera sur bois © Institut de France, Musée Jacquemart-André

En plus d’incarner cette dualité, leur principale caractéristique est d’être des créatures magiques protégeant les peuples, et veillant aux frontières des mondes des vivants et des morts.

Le dragon : une place de choix dans le bestiaire fantastique

Si l’on demande à quiconque quelle est la première créature fantastique qui vient à l’esprit, il y a fort à parier que ce sera le dragon. Venant du fond des âges, son apparence et sa portée symbolique varient au fil du temps, avant qu’elles ne soient codifiées dans l’art européen, et dans les arts visuels de la culture populaire.

Terreurs sacrées

Il a fallu attendre la fin du néolithique pour voir apparaître les premières créatures fantastiques : dragons et griffons.

Sceau-cylindre figurant des lions et un aigle léontocéphale – 3300-3000 avant j.-C – Mésopotamie – Irak © DR

Au 4ème millénaire avant notre ère, ils sont représentés sur des objets de prestige, comme des sceaux royaux, en tant que protecteurs des cités-états d’Iran et de Mésopotamie, pour ensuite prendre leurs quartiers en Egypte. Ces animaux hybrides s’approprient la force, le courage, d’animaux comme l’aigle, le lion, le taureau, le scorpion, ou le renouveau du serpent.

Créés au Proche-Orient, ils transitent donc par le pays des pharaons pour investir la mythologie de la Grèce antique, et enfin arriver jusqu’à nous en passant par Rome.

Les Animaux Fantastiques © DR

Les légendes et les traditions façonnent notre imaginaire

Les Grecs se sont inspirés des mythes mésopotamiens et levantins pour ensuite inspirer les auteurs latins, retrouvés à la Renaissance par les artistes occidentaux.

Ainsi, Zeus combat Typhon, une créature hybride aux têtes de « dragons terribles », Hercule ou Jason se sont aussi mesurés à ces terribles sauriens.

Johann Heinrich Füssli, Thor combattant de serpent de Midgard, 1790 – huile sur toile © Royal Academy of Arts, London

D’autres mythes sont redécouverts à l’époque moderne, en Europe, comme Thor, dieu scandinave de la foudre, qui tente de pêcher Jörmungand, le « serpent-monde », représenté par le célèbre peintre romantique suisse, Johann Füssli (1741-1825).

Si dans l’antiquité, les créatures fantastiques sont surtout des animaux-attributs (représentant les pouvoirs de la divinité), le christianisme change la perspective du tout au tout. Le dragon devient le serpent de la Bible, et de nombreux récits chrétiens racontent les exploits de saints et saintes sauroctones (tueurs de dragons), symbolisant par là, le combat ultime entre le bien et le mal.

Mais les dragons peuvent aussi faire l’objet de cultes locaux, souvent très populaires, comme « La Grand’ Goule », un dragon populaire du Poitou dont on peut admirer une magnifique représentation en la sculpture de Jean Gargot (1677), ou le combat du « Lumeçon » à Mons, une procession de ducasse remontant au Moyen-Âge.

Jean Gargot, La Grand’Goule, 1677 – DRAC Nouvelle-Aquitaine © Musée de Poitiers/Christian Vignaud

La magie est intrinsèquement liée aux animaux fantastiques avec des variations au cours du temps ou des civilisations.

Ils sont également associés aux notions de guérison, de protection, de divination, et d’occultisme. Ils ont été très tôt liés à des pratiques rituelles et médicales pour éloigner la maladie et la mort. On les retrouve sur des amulettes, statuettes, masques, pierres, ivoires …

Figurine du démon Pazuzu – Mésopotamie, v. 934-610 avant J.-C, bronze © Musée du Louvre

Ces pouvoirs sont dits « apotropaïques », autrement dit, ils détournent le mauvais sort. Ainsi, le démon Pazuzu est souvent portés par des êtres fragiles ou fragilisés, tels les enfants, ou les femmes enceintes.

Quant aux sphynx et griffons, ils prennent leur place comme protecteurs des souverains dans l’antiquité proche-orientale, tandis que phénix et dragons endossent le même rôle en Extrême-Orient.

Le dragon est, comme déjà expliqué, l’animal fantastique par excellence dans l’imaginaire collectif.

Costume pour la « Flûte enchantée », le dragon, Roger Chapelain – Atelier karinska, opéra de Paris, 1954 © DR

Ces serpents géants peuplent les légendes des quatre coins du monde. Ils sont furieux ou apaisés, ils incarnent le pouvoir de l’élément aquatique, mais aussi la pluie du ciel, et ils ont également un lien étroit avec le monde souterrain. Leur puissance symbolique est immense, puisqu’ils regroupent en un même être, les 4 éléments fondamentaux (air, eau, terre, et feu).

Ré-enchanter le monde

Aujourd’hui, les animaux fantastiques sont devenus un maillon central de la pop culture. Ils ont pris pied dans la littérature « fantasy », dans le monde du spectacle, du cinéma, ou dans les jeux vidéo. Mozart, au 18ème siècle, a fait menacer le prince Tamino par un serpent géant.

Les Animaux Fantastiques © DR

Cela démontre, s’il le fallait encore, la puissance narrative, symbolique et intemporelle de ces êtres hybrides dont les silhouettes vagabondent dans notre univers onirique.

Dès le 19ème siècle, la science prend de plus en plus d’importance. Peu à peu, les animaux fantastiques sont relégués dans le monde de l’imaginaire. Néanmoins, ils restent des éléments de résistance face aux progrès de la science, qui explique le monde certes, mais le prive de sa magie.

Les Animaux Fantastiques © DR

Ils s’installent dans la littérature « fantasy », ce genre littéraire qui est né des désillusions de la modernité. La « fantasy » devient un phénomène d’opposition face à une société considérée comme trop matérialiste. Elle nous plonge souvent avec délice, dans un univers rempli de merveilleux, antique ou médiéval, et nous permet de retrouver le monde éthéré de l’enfance. Licornes, griffons, phénix, sphynx, tous trouvent leur place dans d’audacieux bestiaires.

La pérennité des animaux fantastiques dans nos vies est une preuve évidente du besoin d’enchantement que nous conservons tous au fond de notre âme.

Exposition « les animaux fantastiques »

Jusqu’au 15 janvier 2024 – Ouvert tous les jours de 10 à 18h00 sauf le mardi

Louvre-Lens – 99, rue Paul Bert – 62300 Lens


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