Deux mondes s’affrontent à la Friche Belle de mai . Celui des machines qui continuent de s’activer après les nuits festives avec « After Party » au 4ème étage, et autre univers au 3ème étage avec l’exposition de N+n Corsino, inspirée par le même intitulé de la « Biennale des imaginaires numériques » qui se clôt également le 22 janvier. Deux mondes comme une discorde…

I – Déploiement d’un malaise droit dans les yeux

On s’est rendu à deux reprises à la Friche pour comprendre « After Party » : on voulait du beau, on a vu surtout du trash. Pas un trash gore, un trash tragique dont l’esthétique fraie avec le cynisme. Au début c’est clinquant « Puff out » de Mentalik, 2022, juchée sur la plateforme panoramique de la Friche. On observe une piste de danse jonchée de paillettes rose fuchsia. Des intrus noirs mouvants, de loin on croirait les pions d’une partie de dames, pions qui ne sont autres que des aspirateurs dotés d’intelligence artificielle. Aspirateurs qui aspirent les paillettes puis les expirent. Disparus les humains ; déchus de leur usage original, les machines ont pris place et dessinent sans modèles des formes d’arabesques. C’est beau, ça gêne.

On ne s’arrêtera pas sur toutes les installations de l’exposition tant il y aurait de choses à dire, explorer, confronter. Toutes pourtant et progressivement mènent à un cynisme de plus en plus envahissant. Même 2 contrepoints cependant, anodins, dérisoires, à peine visibles,  un instant réconfortant nous ramènent à la machine qui, épuisante, nous empêche de lire, ou avec laquelle on dort sur l’oreiller.

Lumière nocturne/Diurne et propos écologique

État de veille- Œuvre collective 2021

« État de Veille » conçue en 2021, cette installation issue d’un travail d’artistes d’horizons et de nationalités diverses (ce qui rend leur œuvre d’autant plus riche) est politique très certainement. Machines lumineuses qui éclairent le ciel ? Pourquoi faire quand le genre humain a les paupières closes.

Question qui se pose de nouveau devant cette installation qui reflète par l’intermédiaire de projecteurs de diapositives (lesquels pompent elles aussi une grande quantité d’énergie) multitudes d’étoiles, clin d’œil métaphorique et physique à Hollywood et Los Angeles. Villes de fêtes, de lumières, d’apparats nocturnes qui font chavirer les yeux, mais à quel prix !

O.T Ulrich Vogl 2010

« PLEASE LOVE PARTY » De Pierre Pauze (12,40’) – 2019

On est resté longtemps devant la vidéo de Pierre Pauze – une chorégraphie naturelle de corps qui s’animent, s’amusent. Par intermittence pourtant comme des images subliminales, il s’agit d’une expérience.

Très controversée l’œuvre de Pierre Pauze, nous a annoncé le descriptif qui présente le travail de l’artiste. L’embarra est d’autant plus palpable que les plans pour la plupart sont empreints de beauté : la fête nocturne bat son plein, les corps fusionnent.

Plan digne d’une photo d’un Martin Parr, par la dérision et le dérisoire que génère cette image, quand l’After Partie est terminée. Sans fard, sans filtre. Certains plans rappellent les photographies de Nan Goldin, par son indécence et son génie de la mise à nue, parfois violente mais toujours poétique.

On quitte le 4ème aussi vidée que cette fête abandonnée de toute trace bienveillante et humaine.

II. De l’incommode à la magnificence

Épuisée, on voulait du plein repos et en même temps que la vie étincelle. Sortir de cet univers où l’Intelligence artificielle, honnie par beaucoup, n’est curieusement qu’à peine effleurée. Avant l’I.A, c’est la machine qui est mise en avant quelle que soit son époque. Même le collectif auquel appartient notamment Yutang Wang (cf. Etat de veille) rend consciemment ou inconsciemment hommage à Germinal, à L’Assommoir. Le travail qui obscurcit. Et l’after party n’est qu’un moment de transition encore lumineux avant le retour à la vie quotidienne parfois avilissante.

En quittant cette exposition, on est presque gelés ; la froideur esthétique a réussi à nous atteindre. Mission artistique accomplie. 

Alors quoi faire pour y remédier ? Sans trop savoir ce qui nous attend, on descend un étage et nous voici chez N + n  Corsino  et la chaleur peu à peu nous gagne ; couleurs, chorégraphie sur écran servies avec talent et humour par la réalité augmentée ; diptyque aux toiles animées qui se répondent ; triptyque narrant des histoires poétiques, jeux typographiques…

Le travail de N + n CORSINO, largement inspiré de ce qu’on peut trouver de finesse en Asie, est mouvement où tout vibre de beauté, vibre entre nous et les œuvres. Inutile de chercher à comprendre contrairement à « After Party ». Ici, on se laisse vivre, le sourire aux lèvres.. Quelques clichés en guise d’amuse-gueule…

L’exposition, tout comme « After party », s’achève dimanche 22 janvier à 19h. On vous invite à vivre cette discorde et ses émotions contradictoires qui vous bouleverseront.