Impossible me direz-vous… et vous aurez raison puisque l’épave du Titanic git à 3800 mètres de fond à plus de 600 km de la côte de Saint-Jean de Terre-Neuve, au Canada. Et pourtant, j’ai embarqué sur le Titanic il y a quelques jours sous l’identité de Mrs Hélène de Lanaudière Chaput, épouse Baxter accompagnée de Mme Frederick Douglas et Quigg E Baxter, ses enfants. C’est le début d’une immersion passionnante dans l’aventure du paquebot transatlantique qui a fait naufrage dans l’océan Atlantique Nord après une collision avec un iceberg dans la nuit du 14 au 15 avril 1912.

Pour monter à bord à votre tour, il vous suffira de vous rendre sur le site de Tour et Taxi à Bruxelles où se tient une superbe exposition consacrée à l’histoire du Titanic avec la reconstitution de salles du navire, la présentation de dizaines d’objets récupérés sur l’épave et de nombreuses photographies d’époque. Vous saurez tout sur la construction du navire, sur son dernier voyage et sur les expéditions qui ont permis de retracer les derniers moments de ses passagers et de recueillir les reliques exposées sous vos yeux.

Je vous invite donc à vivre une expérience originale et particulièrement émouvante. Prenez votre ticket et larguons les amarres !

« Je n’envisageais absolument pas qu’une catastrophe aussi importante puisse arriver à ce vaisseau; la construction navale moderne a dépassé cela. » Capitaine Edward J.Smith

Un navire « pratiquement insubmersible »

Au début du XXème siècle, les armateurs, emportés par le tourbillon du progrès et de la technique se livrent une bataille à celui qui créera le paquebot le plus gros, le plus rapide, le plus luxueux. Le Titanic est imaginé par J.Bruce Ismay, président de la compagnie White Star et Lord William J. Pirrie, partenaire de la société de construction navale de Belfast, Harland & Wolf pour régner sur le transport des passagers dans l’Atlantique Nord. Thomas Andrew Jr., Directeur général de la société supervisa le travail de dizaine de dessinateurs, chargés de créer la star de l’Atlantique.

Le design novateur du bateau et les techniques modernes comme le rivetage hydraulique, adoptés par les milliers d’hommes qui participèrent à sa construction sur le chantier naval de Queens Island devaient en faire un navire « pratiquement insubmersible ». L’adverbe utilisé provoque aujourd’hui des frissons ! Le Titanic est mis à l’eau le 31 mai 1911, reste à l’équiper, à le meubler et à le décorer pour en faire le paquebot le plus somptueux qui soit.

Le mercredi 10 avril 1912, l’équipage du Titanic s’installe à bord avec Edward J. Smith, le doyen des capitaines de la compagnie aux commandes. Ce capitaine charismatique avait renoncé à partir à la retraite l’année précédente pour réaliser le voyage inaugural du Titanic. Nombre de clients de la White Star Line ne naviguaient que sur les navires qu’il commandait et il les accueillit avec la sympathie qui lui était coutumière sans doute ému à l’idée que c’était la dernière fois avant un repos bien mérité.

Ingénieurs au travail, réalisation des plans © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

Les sirènes annoncèrent le départ à midi et on largua les amarres devant une foule émerveillée et enthousiaste sur les quais de Southampton, direction New-York. Les acclamations accompagnèrent les premières manœuvres de ce géant des mers qui faisait déjà les gros titres de tous les journaux.

Quatre jours plus tard, au large de Terre-Neuve, le Titanic heurte un iceberg sur tribord en pleine nuit. La mer était calme, il faisait très froid et le quartier-maître avait noté vers vingt-deux heures la température de l’eau : -0,5 sur le journal de bord. Les vigies ont vu l’iceberg au dernier moment et si le bateau a pu éviter la partie émergée du bloc de glace, un éperon sous–marin entaille la coque à six endroits différents rendant le naufrage inévitable. Les passagers mirent un certain temps à se décider à investir les vingt canots de sauvetage qui pour la plupart ne furent pas complètement remplis. Ils étaient convaincus de la fiabilité du vaisseau et ne réalisèrent pas immédiatement la gravité de la situation. On leur avait d’ailleurs présenté l’évacuation comme un exercice.

Pendant que femmes et enfants sont hissés dans les canots, l’orchestre se met à jouer à la demande du commandant qui espère éviter la panique chez les passagers. Plus de 1500 d’entre eux disparurent avec le bateau qui coula en quelques heures, les autres attendirent l’arrivée du Carpathia, le navire le plus proche quand les signaux d’alerte furent envoyés. Il sera secondé par le Californian pour récupérer les derniers survivants, on compte aujourd’hui 700 rescapés, essentiellement issus des première et deuxième classes. Les survivants ont assisté depuis leurs canots au désespoir des passagers pris au piège sur le navire qui finit par se briser en deux alors que les lumières s’éteignaient et que l’orchestre jouait les dernières mesures de « Nearer my god to thee». 

Je ne sais pas encore si celle à qui j’ai emprunté l’identité arrivera à New-York avec ses enfants, il me faut terminer l’exposition pour le découvrir …

« C’était une nuit sans lune et je n’avais jamais vu les étoiles briller avec autant d’intensité; elles semblaient sortir du ciel, et brillaient comme des diamants. C’était le genre de nuit où l’on est heureux de vivre. » Jack Thayer, passager de première classe

Une transat de rêve

En tant que passagère de première classe, je dispose d’une cabine très agréable et profite de la bibliothèque, de la salle de jeux, des salons, bars et restaurants luxueux. Je peux me détendre dans les bains turcs et la piscine après une partie de squash ou des exercices physiques dans la salle de sport. Les voyageurs de deuxième classe jouissent également de cabines et commodités plus cossues que celle de l’entrepont où les troisièmes classes logent dans des pièces simples mais beaucoup plus confortables que sur les autres navires.

Un couloir de première classe. Et la reconstitution du « Verandah Café » © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

J’apprécie particulièrement le Verandah Café où je retrouve mes compagnes de voyage pour boire le thé sous les palmiers face à l’océan bercée par la musique de notre orchestre. On se sent comme à la maison sur ce palace flottant dont la salle à manger est particulièrement accueillante et l’on attend avec impatience le son du clairon qui annonce l’heure du dîner car les cuisiniers nous réservent tous les jours de grands plaisirs culinaires.

Reconstitution d’une cabine de première classe © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

Les passagers de deuxième classe bénéficiaient d’un confort presque similaire à ceux de la première classe, leurs cabines comme la salle à manger étaient meublées avec soin et leurs repas, même s’ils étaient différents, étaient préparés dans la même cuisine. Il en allait différemment pour les voyageurs de troisième classe qui ne vivaient pas tout à fait la même traversée. Ils partageaient en effet leurs cabines à quatre où l’on ressentait les vibrations des machines. Ils devaient se partager deux salles de bain soit une baignoire pour 300 personnes…

Reconstitution d’une cabine de troisième classe © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

La plupart de ces passagers n’avaient pas ces commodités chez eux et se réjouissaient de dormir sur un matelas quand la plupart des compagnies n’offraient que de la paille aux occupants de l’entresol. La cuisine était simple mais abondante et satisfaisait une clientèle essentiellement composée de migrants qui s’adonnait aux jeux de ballons sur les ponts avant et arrière et dansait le soir au son de l’harmonica, du piano et des violons.

La salle à manger des passagers de troisième classe © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

On découvre au fil de l’exposition des portraits de passagers avec une courte biographie, certains ont survécu, d’autres pas. Toutes ces personnes connues ou non, qui voyageaient pour le plaisir, pour leurs affaires ou pour ouvrir un nouveau chapitre de leur vie nous rappellent que ce naufrage a été l’une des plus grandes catastrophes maritimes de tous les temps. Parmi elles, Dorothy Gibson, mannequin et actrice populaire du cinéma muet qui rentrait de vacances en Europe avec sa mère; le Père Thomas R Byles qui était en route vers l’Amérique pour officier au mariage de son frère installé à New-York.

Albert Preneel, Nestor Vandewalle et Camiel Wittevrongel, de Westrozebeke qui avaient acheté leurs billets à leur ancien maître Albert Preneel, soucieux d’aider des habitants de son village à trouver une vie meilleure outre-Atlantique. Je pourrais aussi citer le diamantaire anversois Jacob Birnbaum ou la chanteuse de cabaret bruxelloise Berthe de Villiers, tous sont répertoriés à la sortie de l’exposition où vous pourrez connaître leur destin et celui de la personne dont vous avez endossé l’identité pendant cet émouvant voyage.

La liste des passagers « Saved » et « Lost » © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

A ma grande satisfaction, Mrs Hélène de Lanaudière Chaput, épouse Baxter et ses enfants sont arrivés sains et saufs à destination à bord du Carpathia !

«L’épave est une capsule dans laquelle le temps s’est figé, et les objets en sont la mémoire historique» Paul-Henri Nargeolet

L’incroyable découverte

Pendant 73 ans, le Titanic reposera à plus de 3000 mètres sous la surface de l’Atlantique Nord sans que personne ne vienne troubler la paix de cette épave devenue sanctuaire. Robert Ballard, explorateur américain, fasciné par les abysses compte plus de 150 expéditions à son actif. Il est persuadé que le Titanic peut être retrouvé et s’associe en 1985 avec une équipe de recherche française dirigée par Jean-Louis Michel pour organiser une mission au large de Terre-Neuve.

Reconstitution de fragments de l’épave © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

C’est le robot télécommandé Argo qui leur permettra de repérer l’épave du transatlantique, le géant des mers brisé en deux sort enfin du néant le 1er septembre 1985. Sur le sol reposent des centaines d’objets, vestiges d’une traversée entreprise par des centaines de passagers convaincus de rallier bientôt l’Amérique. Robert Ballard visitera plusieurs fois l’épave mais il ne remontera aucun objet à la surface, soucieux de préserver ce cimetière marin.

L’expédition de 2010 © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

En août 2010, la société RMS Titanic Inc., propriétaire du site de l’épave réunit une équipe de scientifiques pour étudier les restes du bateau à l’aide des technologies les plus avancées. Le but est de mieux comprendre les circonstances du naufrage, d’évaluer la détérioration de l’épave et de ses effets sur son environnement, de filmer le site pour en garder le souvenir, de répertorier les objets en vue de leur récupération… Préserver les débris du Titanic permettra en effet de constituer un héritage pour les générations à venir qui continueront de célébrer la mémoire de tous les disparus.

C’est une entreprise titanesque qui s’est alors mise en place; chaque objet remonté à la surface devait être stabilisé pour éviter qu’il ne se détériore davantage et il est ensuite confié à des conservateurs spécialisés en fonction de sa matière. On procède aux opérations de désalinisation, séchage, protection et conservation quasiment au cas par cas et ce pour plus de 5500 objets !

Paire de bottes retrouvées dans la valise de William Henry Allen © photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

Et ce sont bien ces objets qui m’ont le plus émue dans l’exposition ! Les effets personnels : vêtements, bijoux, chaussures, bagages et les vestiges du bateau: éléments de décoration, vaisselle, débris de mobilier témoignent de la vie du navire et de ses occupants pendant la traversée. Des cartes à jouer évoquent les soirées de jeux animées, un piccolo et sa partition rappelle que la musique ponctuait la journée à bord et les cartes postales et autres souvenirs nous laissent imaginer la détresse de ceux qui ne les auront jamais reçus. Des valises fermées ont révélé l’identité des propriétaires des objets qu’elles contenaient et au fil des trouvailles c’est tout un monde de fantômes qui émerge des profondeurs.

© photo Frédérique Vanandrewelt / Expo Titanic

Pour trouver des billets d’embarquement pour l’exposition c’est ici.

On ne compte plus les parutions autour du Titanic, permettez-moi d’en citer quelques-unes :

– Au cinéma :

  • Dorothy Gibson, survivante de la tragédie joue dans le film Saved from the Titanic sorti en 1912
  • James Cameron marque les esprits en 1996 avec Titanic dont les rôles phares sont interprétés par Kate Winslet et Leonardo Dicaprio

– En librairie :

  • Dans les profondeurs du Titanic, Paul-Henri Nargeolet, Harper Collins
  • Le Titanic, vérités et légendes, Gérard Piouffre, Perrin
  • Les enfants du Titanic, Elisabeth Navratil, Le Livre de Poche Jeunesse