Cette exposition se déroulant jusqu’au 30 octobre 2022 à Liège nous démontre tout le savoir-faire des anciens maîtres-artisans et permet l’accès aux différentes expositions du musée.

Étain et savoir-faire

« Numéro atomique 40, couleur argentée, grande malléabilité une fois fondu »
telles sont les caractéristiques de ce beau métal telles que citées sur Wikipédia. Le
célèbre moteur de recherche est sûrement l’une des premières tentatives effectuées
par les internautes pour s’informer sur un métal dont le nom résonne sans aucune
familiarité parmi ceux de notre quotidien.

Étrangeté et prix ; telles sont les raisons qui m’ont poussé à me rendre à cette
exposition. Parlons tout d’abord d’étrangeté ; que contient cet héritage passionné ?

Objets exposés en salle – ©Grand Curtius – Ville de Liège

La donation Lemaire, due à l’éponyme collectionneur qui fit don de ses biens au Grand Curtius le 15 novembre 2018, rassemble des accessoires en étain principalement issus du 18 e siècle, époque profuse en objets de luxe et matériaux scintillants. Pour couper court à la parenthèse histoire, il nous est bien démontré ici combien notre vieille Europe s’est faite prolifique en matière d’artisanat de luxe ; clystères (ancêtre de la la seringue rectale), pichets, cafetières, verres et autres objets communs réalisés avec soin, luisent de tout le talent de leurs créateurs, sur les présentoirs vitrés de la célèbre maison rouge.

Difficile de croire, mais amusant de constater que certains se faisaient faire des lavements à grand renfort d’accessoires en étain luisant, caricature des goûts de luxe et du savoir-faire élitiste auquel Liège à largement contribué.

Savoir-faire et public privilégié : parlons maintenant du prix. L’expo brille-t-elle de par son contenu ou les questions qu’il soulève ?

« Luxe », « riches », « élitiste », « 18 e», voilà une petite série de mots à laquelle « étain » s’intègre sans peine. Comme pour prolonger ce propos, l’expo de ces merveilles luisantes recense des dates auxquelles correspondent celles des plus beaux produits de l’énorme collection d’armes du musée ; 16 e siècle et 18 e siècle. On parle, entre autres, de carabines à rouet, fusils de chasse, tromblons et autres revolvers réalisés en masse ou pour des particuliers même avant l’expansion économique de la ville.

Ici aussi, les matériaux de luxe abondent ; or, argent, étain, ébène, cerisier, nickel….Surprenant étalage de richesse et de savoir-faire voué à la mort en poudre et au « sport » de la chasse.

Pour citer Mr. Loïc Servais, conservateur du musée ; « Si l’on passe outre l’aspect ô combien primaire de leur rôle, leur étude mène directement à la découverte de prouesses tant artistiques que technologiques. Les armes offrent également à l’historien et au citoyen averti une forme d’instantané d’une société à un moment donné, laissant entrevoir ses forces, ses faiblesses et dans une certaine mesure, ses valeurs.».

Soupière. Atelier de Nicolas Dechamps. Début du 19e s – ©Grand Curtius – Ville de Liège

Cette petite digression lève le voile sur le don de Mr. Lemaire ; il s’agit aussi d’un moyen pour attirer le curieux vers les entrailles du musée, ses trésors et les messages qu’ils renferment. L’observateur remarquera qu’un chemin a été préétabli à l’intérieur du Curtius. Préhistoire, Antiquité, Moyen-âge, 17 e siècle, révolution industrielle, guerres mondiales : toutes les époques-phares de l’histoire de notre savoir-faire humain sont présentes dans les différentes expos permanentes.

À titre personnel, cette suite d’expos m’a appris beaucoup sur l’implication passée de
cette grande ville qu’est Liège dans le monde de l’ingénierie et de l’artisanat d’art.
Un héritage puissant dont bénéficient désormais les étudiants de l’enseignement
technique supérieur de la plus grande ville sur la Meuse.

Objets exposés en salle – ©Grand Curtius – Ville de Liège

Le Curtius nous expose donc une savoureuse tranche d’histoire oscillant entre objets du quotidien et héritage culturel. Cette exposition d’objets clinquants remet sur la table un vieux refrain chanté entre anciennes et nouvelles générations : que nous léguez-vous, et qu’en faisons-nous ? Honorerons-nous votre savoir-faire pour sa valeur mercantile, ou pour le legs qu’il représente ? Choisissons-nous de laisser vos restes croupir ou nous servons-nous d’eux pour créer du neuf ?

Autant de problématiques auxquelles les artisans, ingénieurs et artistes modernes se devront de répondre.