Qui n’a jamais rêvé d’Égypte ? Les pyramides dans le soleil couchant, le long ruban verdoyant du Nil qui coule immuablement au travers des paysages de champs et de palmiers, les sarcophages et les momies, ces fresques aux couleurs chaudes et aux dessins si particuliers, ces statues qui ont traversé les millénaires ? 2022 a été importante pour l’histoire de l’égyptologie. D’abord pour le 200e anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion et ensuite pour le centième anniversaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon par Howard Carter. Ça a été le prétexte à l’organisation de nombreuses expositions un peu partout. Le Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles se devait d’également relever le défi.

Coup de maître pour un dépaysement total

Le plus difficile a donc été de traiter d’égyptologie de façon originale.

C’est pourtant ce qu’ont réussi les concepteurs de l’exposition « Expéditions d’Égypte ». Celle-ci raconte les deux cents ans d’histoire de découvertes archéologiques fascinantes au pays des pharaons, et la constitution de la formidable collection appartenant au MRAH de Bruxelles, le plaçant parmi les musées européens les plus riches en matière d’artefacts égyptiens.

Deux cents objets issus de ce fonds inestimable sont montrés ici au public, dont certains le sont pour la toute première fois. Parmi les « must » de l’exposition, on peut admirer les 10 cercueils de la « Cachette des prêtres de Deir el-Bahari », restaurés et entièrement analysés par les plus grands spécialistes depuis peu.

Il a fallu 9 longues années pour que ces cercueils soient étudiés et restaurés dans leur état d’origine. Ce travail délicat a permis de faire de nombreuses découvertes étudiées aujourd’hui par les plus grands spécialistes. Les dessins originaux ont refait surface, et des détails très émouvants, comme des empreintes digitales ont traversé les siècles pour s’offrir aux yeux des chercheurs.

Il y a également des vases canopes, une magnifique statue de femme datant de l’époque protodynastique (la Dame de Bruxelles), qui nous vient des tous premiers temps de l’histoire de l’Égypte, des papyrus… Le Palais-Royal a également prêté une magnifique statue de la déesse Sekhmet (Celle-ci étant représentée par une tête de lion, le futur Léopold II l’avait gardée avec sa « sœur » dans les jardins royaux, car elle lui faisait penser au lion belge).

L’exposition est divisée en 8 sections chronologiques, qui correspondent aux différentes étapes de la constitution des collections égyptiennes dans notre pays.

Tout débute dans les premières années du XIXe siècle, quand les milieux diplomatiques et industriels belges s’intéressent de plus en plus à un pays qui occupe alors une place prépondérante dans la politique internationale de l’époque. C’est de ces milieux que viennent les premiers dons privés à la collection, rejoignant les cadeaux diplomatiques.

Dons privés et collection de Léopold II

Si en 1854, le catalogue ne comporte qu’une dizaine d’objets, celui-ci va s’enrichir suite aux deux voyages officiels du duc de Brabant, futur Léopold II. En effet, celui-ci rapporte dans ses bagages, une série importante d’antiquités dont il fera don au musée, qui s’appelle alors le Musée Royal d’Antiquités, d’Armures et d’Artillerie. En 1914, la collection est transférée au Musée du Cinquantenaire, sauf deux statues de la déesse Sekhmet qui restent au Palais-Royal. Pour le roi, la tête de lionne de la déesse représentait la royauté belge.

En 1935, le roi Léopold III envoie, lui aussi, encore quelques pièces venant de la collection de son grand-oncle, dont la magnifique statuette de Khây, dans laquelle Jean Capart trouvera un demi-papyrus qu’il identifie génialement comme étant la deuxième partie d’un papyrus conservé à New-York. Le papyrus dit de Léopold II est un document extraordinaire, car il reprend les dépositions de voleurs impliqués dans le pillage de tombes royales de Thèbes sous le règne de Ramsès IX (- 1125 BC). Ce document incroyable donne la description de tombes complètement disparues à ce jour.

Les collections Hagemans (1861), Ravenstein (1874) et le don du Khedive (1891-1897)

En 1861, Gustave Hagemans vend au musée 1500 antiquités, dont plusieurs dizaines d’objets égyptiens. C’est lui qui a d’ailleurs offert « la dame de Bruxelles », une statue datant des toutes premières dynasties. Quant à Emile de Meester de Ravenstein, il offre toute sa collection d’antiquités à l’Etat. Parmi cette collection, 350 objets et groupes d’objets pour la section égyptienne.

En 1894, arrive un important lot d’objets venant de l’une des plus importantes découvertes archéologique du XIXe siècle : la « deuxième cachette » de Deir-el-Bahari. Bruxelles reçoit alors un lot d’une dizaine de cercueils des prêtres d’Amon, datant de la XXIe dynastie, trouvés près du temple d’Hatshepsout. Malheureusement, aucun plan de ces fouilles ne sera dressé, ce qui représente une vraie catastrophe pour les scientifiques.

Le gouvernement égyptien et le musée du Caire, dépassés par l’arrivage massif d’objets provenant de cette cachette, en feront cadeau à divers gouvernements, dont celui de la Belgique.

1900-1947 : l’action déterminante d’un visionnaire passionné, Jean Capart

En 1900, un jeune homme des plus enthousiaste parvient à mener de brillantes études de droit, tout en s’adonnant à une passion qui le tient depuis son enfance. Jean Capart n’est décidément pas fait pour le métier d’avocat, et avec une volonté et un talent peu commun, il se forme auprès des savants les plus réputés à une époque où chaque porte doit être enfoncée en égyptologie. Âgé d’à peine 23 ans, il devient conservateur adjoint du musée, puis conservateur à part entière et enfin directeur général. Son obstination, sa perspicacité, son charisme lui permettent de donner un essor incroyable à la collection égyptienne.

Jean Capart dans le désert entre les pyramides de Gizeh et d’Abousir (1907) – Projet Sura

Les fouilles britanniques

Dès 1900, Capart obtient des « Musées d’Art et d’Histoire » qu’ils souscrivent aux fouilles entreprises en Égypte par les archéologues anglais de l’Egypt Exploration Fund (actuellement Egypt Exploration Society). À cette époque, il est encore possible d’emporter une partie des objets trouvés lors de fouilles, après le droit de préemption de l’Égypte. Ces objets sont ensuite répartis entre les différents souscripteurs, au prorata de leur financement. Jusqu’à la fin des années 30, Jean Capart alimentera les collections des MRAH en prestigieux objets venant d’Abydos, Memphis, Gourob, Meidoum, Amarna (la capitale du roi Akhenaton), ainsi que divers sites de Nubie…. La grande majorité de ces objets viennent de fouilles effectuées scientifiquement et donc dûment inventoriés, ce qui en fait des sources d’un intérêt considérable.

Le travail acharné de Jean Capart fera dès lors de la Belgique et de Bruxelles de l’époque, la capitale mondiale de l’égyptologie.

De 1947 à nos jours

Aujourd’hui, la priorité n’est plus à l’accroissement des collections. Les différents objets des collections belges ayant été acquis de la façon la plus légale qui soit, celles-ci ne sont pas menacées par les demandes de l’Égypte de récupérer certains d’entre eux.

La collection du MRAH comprend environ 12.000 objets qui illustrent tous les aspects de la civilisation égyptienne, et les conservateurs se consacrent dorénavant à l’étude et la mise en valeur des trésors qui dorment encore dans les réserves. Ces recherches permettent d’accroître les connaissances sur ces objets et les sites archéologiques d’où ils proviennent.

Le musée applique une politique de recherches scientifiques qui associe des chercheurs dans différentes spécialités. Autre priorité du Musée, les ateliers de restauration, qui appliquent les techniques les plus récentes pour redonner vie aux trésors millénaires, et leur garantir une conservation optimale.

R.1477

Après plusieurs années de fermeture, le Cinquantenaire a aujourd’hui réouvert l’ancienne « salle des momies », où le monde funéraire, si important pour les Égyptiens antiques, est largement représenté. Des vases canopes, des chaouabtis, qui deviendront des ouchebtis à partir de -1000, (statuettes représentant les serviteurs funéraires qui devaient répondre à l’appel d’Osiris et remplacer le mort dans les travaux des champs de l’au-delà. Ces statuettes sont exécutées dans des matériaux différents selon le statut social du défunt, elles remplacent le sacrifice de serviteurs, qui s’appliquait dans les premiers temps égyptiens).

En plus de la « salle des momies », la copie de la tombe de Nakt au temple de Karnak et datant du 14e siècle avant notre ère, est de nouveau accessible, amenant les visiteurs à voyager dans le temps.

L’agencement des objets présentés est des plus heureux. Notre promenade au fil de l’exposition nous emmènera dans un immense voyage dans le temps, au pays des pharaons, mais aussi moins loin, lors des premiers temps du musée d’Art et d’Histoire, quand les collections étaient présentées dans de grandes vitrines avec des cadres de bois, et des bancs en chêne cirés, fleurant bon l’encaustique. Tout cela bien sûr dans une ambiance doucement feutrée.

Nous ne pouvons que vous inciter à visiter cette magnifique exposition.

Différentes activités sont également proposées autour d’elle :

Parcours famille et Expéditions d’Égypte : le jeu (un jeu familial pour les égyptologues en herbe et leurs parents est inclus dans le billet d’entrée).

Les dimanches égyptiens du Musée d’Art et d’Histoire en collaboration avec la Fondation Égyptologique Reine Elisabeth du 30.04.23 > 01.10.23, pour des expotalks – conférences – dédicaces.

Nocturne des Musées bruxellois le Jeudi 18.05.2023, de 17h00 à 22h00.

N’hésitez pas à flâner dans le bookshop où de nombreux ouvrages pourront compléter vos connaissances.

Informations pratiques

Expéditions d’Égypte du 31.03 > 01.10.2023

Dates et heures d’ouverture : Mardi – vendredi : 9h30 – 17h00, Samedi – dimanche : 10h00 – 17h00. Derniers tickets d’entrée à 16h00. Fermé le lundi, y compris le 1er mai.

Tarifs :

17€ : adultes (19-64 ans)

12€ : seniors (65+), carte Fed+, Riebedebie

6€ : étudiants (18+), les personnes handicapées et leurs accompagnateurs, les guides de la ville de Bruxelles, les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires du revenu d’intégration, le personnel enseignant belge.

Gratuit : 0 – 18 ans, Amis du KMKG, membres de l’ICOM (Vl., Belgique Wall-Bxl) sur présentation d’un certificat valide, collaborateurs du POD Wetenschapsbeleid (BELSPO) sur présentation d’un certificat valide, presse sur présentation d’une carte de presse valide, muséePassmusée

20€ : Ticket combiné (expo + collections permanentes)

Article 27 : 1,25€

Musée Art & Histoire

Parc du Cinquantenaire 10, 1000 Bruxelles, Belgique

+ 32 (0)2 741 73 31

info@mrah.be