Fabergé au Palais Amalienborg, Copenhague se souvient de l’Impératrice Maria Feodorovna
La princesse Dagmar de Danemark est une enfant du pays. Née à Copenhague, elle a épousé le futur tsar Alexandre III sous le nom de Maria Feodorovna, puis est revenue mourir dans sa ville natale après la révolution de 1917. Le palais royal d’Amalienborg expose une magnifique collection de bijoux de Fabergé de l’époque du règne de l’Impératrice, dont beaucoup lui appartenaient.
La famille Fabergé
Les Fabergé sont une famille huguenote du nord de la France, de Picardie, émigrée en Allemagne à la Révocation de l’Édit de Nantes (1685) lorsque le culte protestant fut interdit en France. Installés en Livonie, alors dans l’Empire Russe, ils déménagent en 1830 à Saint-Pétersbourg où Gustave Fabergé ouvrira une première boutique de joaillerie. Mais c’est son fils Pierre-Karl, qu’il a eu de son mariage avec une Danoise, qui accèdera à la gloire internationale.
Pierre-Karl Fabergé s’est formé à l’École des Arts et Métiers de Dresde puis est revenu en Russie où il excelle grâce à sa grande créativité. Son talent attire l’Empereur Alexandre III qui lui passe une première commande, des boutons de manchettes en forme de cigales. En 1884 il devient fournisseur de la Cour Impériale de Russie. Il le restera jusqu’à la fin de l’Empire en 1917. Fabergé sera aussi fournisseur des cours du Royaume-Uni, de Suède, de Norvège et de Thaïlande. La révolution de 1917 les obligera à fuir pour sauver leur vie, et Pierre-Karl Fabergé s’éteindra en 1920 à Pully en Suisse, ruiné. Sa descendance poursuivra la joaillerie en émigration malgré tout.
Les merveilleux bijoux de Fabergé
Fabergé est d’abord connu pour ses fameux œufs impériaux à secrets et à surprises. Un œuf était offert chaque année à Pâques par Alexandre III à son épouse Maria Feodorovna. À la mort du tsar, son fils Nicolas II continue la tradition et offre deux œufs chaque année, un à sa mère et l’autre à sa femme. Des œuvres d’art uniques qui font la fierté des musées. Ils valent des millions d’euros et sont très rares, on en dénombre seulement cinquante-deux dont sept sont pour le moment portés disparus. L’Oeuf Rothschild, qui est une commande privée de cette famille en 1902, a été vendu aux enchères en 2007 par Christie’s pour 12,5 millions d’euros.
Mais Fabergé réalisait également toutes sortes d’objets précieux et plus accessibles au grand public, comme des petits œufs pendentifs, des fleurs, bijoux, figurines, animaux, cadres photo, pendules, boîtes guillochées. La firme fabriquait 100 000 objets en 1914. Aujourd’hui les collectionneurs se les arrachent, et il existe deux musées entièrement consacrés aux créations de Fabergé, l’un à Baden-Baden et l’autre à Saint-Pétersbourg.
La princesse Dagmar
La première récipiendaire des somptueux œufs impériaux fut la femme de l’Empereur Alexandre III de Russie. Elle était une princesse danoise prénommée Dagmar (1847-1928), fille du roi Christian IX de Danemark. Ce roi a eu plusieurs autres enfants qui tous ont fait de beaux mariages, pour cette raison il fut surnommé « Le Beau-Père de l’Europe ». Rapide tour de sa descendance : Frédéric a épousé la princesse Louise de Suède et est devenu roi du Danemark à la suite de son père. Alexandra a épousé le futur Edouard VII et est devenue reine d’Angleterre. Thyra a épousé le prince-héritier de Hanovre. Guillaume a épousé la grande-duchesse Olga de Russie. Il a été élu roi des Hellènes à l’âge de 17 ans et est devenu roi de Grèce sous le nom de Georges Ier. Valdemar le petit dernier a épousé une princesse d’Orléans mais préférait la relation homosexuelle qu’il entretenait avec son neveu le prince Georges de Grèce.
Le petite Dagmar, surnommée Minnie, a toujours été très proche de sa sœur aînée Alexandra, elles étaient inséparables. Elles ont été éduquées simplement car leur père n’était pas encore roi du Danemark et vivait alors modestement avec pour seul revenu sa solde d’officier. Cette éducation bourgeoise a permis à tous leurs enfants de rester simples tout au long de leur vie. Ils étaient connus pour leur capacité à interagir avec les gens, leur sens du devoir et leur capacité à représenter leur position avec bienveillance. Ce qui ne les a pas empêchées d’apprendre le français, l’anglais, l’allemand, la peinture, le dessin, toutes disciplines habituelles des familles royales. Par contre ce qui était plus original pour des princesses à l’époque fut que leur père tenait à ce qu’elles soient aussi bonnes en gymnastique et en sport, notamment la natation. Un très beau portrait des deux sœurs par Elisabeth Jerichau-Baumann se trouve à l’entrée de la Chambre Fabergé.
L’Impératrice Maria Feodorovna
La jeune Dagmar se fiance à dix-sept ans en 1864 avec l’héritier du trône de Russie, le grand-duc Nicolas. Les deux familles soutiennent ce mariage et les deux fiancés sont très amoureux. Hélas, Nicolas meurt l’année suivante à vingt-et-un ans d’une méningite lors d’un voyage à Nice (la cathédrale orthodoxe de Nice est bâtie à l’endroit même de sa mort). Dagmar est effondrée mais les familles veulent toujours s’unir et proposent le nouvel héritier, Alexandre, comme nouveau fiancé. Alexandre est déjà amoureux d’une princesse russe, Marie Mestchersky. Il est prêt à renoncer au trône pour l’épouser mais il finit par se rendre à la volonté de ses parents et part au Danemark demander la main de Dagmar. Ce sera malgré tout un mariage très heureux. Dagmar se convertit à l’orthodoxie sous le nom de Marie et le patronyme de Feodorovna.
Après l’assassinat du tsar Alexandre II le 13 mars 1881 son mari devient Empereur le même jour. Elle sera toujours sous la menace d’attentats terroristes, son mari périra comme son propre père, des suites d’un attentat. Son fils Nicolas II ressemblait comme deux gouttes d’eau à son cousin germain, le roi Georges V d’Angleterre, fils de la sœur de Dagmar. Ils échangeaient parfois leurs uniformes pour s’amuser de la confusion que cela engendrait.
Devenue Impératrice douairière, elle soutiendra son fils Nicolas II et refusera de quitter la Russie à la révolution de 1917. Réfugiée en Crimée, c’est sur l’insistance de sa sœur la reine d’Angleterre qu’elle quittera son pays d’adoption en 1919 à bord d’un cuirassé anglais, le Marlborough. Mais elle ne restera pas longtemps à Londres et rejoindra rapidement sa ville de naissance, Copenhague.
La Chambre Fabergé
Il n’est donc pas étonnant que les liens de famille de Fabergé dont la mère était danoise, et de sa principale cliente, l’Impératrice de Russie qui était d’origine danoise, fassent que l’on retrouve une belle collection de bijoux Fabergé à Copenhague. Ces merveilleux objets sont réunis dans une petite salle du Palais Royal d’Amalienborg en plein centre de la capitale danoise. La Chambre Fabergé est peut-être petite par la taille mais impressionnante par la quantité de trésors qui y sont exposés. Ne soyez pas seulement hypnotisés par les mille feux des merveilleux bijoux, mais gardez un œil sur votre montre car à midi pile vous pourrez apercevoir par les fenêtres du palais la relève de la garde, spectacle étonnant qui rappelle celui de soldats de plomb alignés comme pour la parade. Et bien sûr, poursuivez la visite du Palais d’Amalienborg qui en vaut vraiment la peine.
Dans cette Chambre Fabergé vous verrez un de ces œufs à secrets dans lequel il y a une poule, une bague et une couronne royale. De gigantesque rafraîchissoirs en argent pour tenir le champagne au frais, avec des anses en forme d’éléphants, très populaires au Danemark où il existe un Ordre de l’Eléphant. Des plats immenses et merveilleusement travaillés, cadeaux de la ville de Saint-Pétersbourg. Un nécessaire de bureau d’Alexandre III, une couronne de dame en diamants, des boîtes émaillées, un bracelet en or avec des couronnes en diamants et des photos en médaillon des époux Romanoff, des plaques de l’Ordre de Sainte-Catherine, un immense éventail aux armoiries des filles du roi de Danemark, et tant d’autres choses.
La villa Hvidøre
Il y a au Nord de Copenhague, à Klampenborg, une très belle villa face à la mer qui s’appelle Hvidøre et qui fut la dernière demeure de l’impératrice Maria Feodorovna en exil. Cette résidence fut achetée ensemble en 1906 par les deux sœurs inséparables, la Russe et l’Anglaise. Dagmar et Alexandra avaient appris à nager et avaient aussi acquis la plage devant la villa. Comme la route côtière passe devant la villa, elles ont même fait creuser un tunnel pour accéder plus facilement à la plage. Dans les années qui suivirent elles passaient chaque année leurs vacances ensemble dans cette belle villégiature de septembre à novembre, et cela jusqu’en 1914. En 1930 les grandes-duchesses Xénia et Olga de Russie revendirent la villa de leur mère. C’est aujourd’hui la propriété de Novo Nordisk, le plus grand groupe pharmaceutique danois.
Le souvenir de cette princesse danoise qui a régné sur la Russie est encore vivace au Danemark. On trouve dans de nombreux musées et lieux publics des statues, tableaux et monuments qui rappellent la destinée incroyable de cette jeune fille du pays. Toute sa vie, la mère de Nicolas II a espéré que son fils, sa bru et ses petits-enfants n’avaient pas été exécutés par les bolchéviques. Elle a refusé de rencontrer les aventurières qui se faisaient passer pour sa petite-fille Anastasia. Son corps qui longtemps fut enterré dans la cathédrale de Roskilde, a été exhumé et enterré en grandes pompes à Saint-Pétersbourg en 2008, dans la basilique de la forteresse Saint-Pierre-et-Paul, dernière demeure des souverains russes, en compagnie des autres membres de sa famille.
Visite de la Chambre Fabergé au Palais d’Amalienborg à Copenhague.