Le dimanche 14 janvier s’est clôturé à Louvain, le « Festival Dieric Bouts / New Horizons ». Les trois expositions principales de ce festival ont rencontré un franc succès puisque, ensemble, les trois expositions (Dieric Bouts. Créateur d’images » au Musée M, « Bouts and beyond » dans le cadre historique de l’hôtel de ville, et « Savoir enchaîné » à la Bibliothèque universitaire) qui se déroulaient au Musée M et à la Collégiale Saint-Pierre ont attiré 134.000 visiteurs.

Avec le festival urbain qui les accompagnait, et qui proposaient plus de 80 activités, ces manifestations ont éveillé l’intérêt de près de 225.000 personnes, dépassant ainsi largement les objectifs. L’Atelier Bouts vous enchantera encore du 16 février au 28 avril 2024.

Taux de fréquentation et de satisfaction exceptionnel pour un peintre majeur

94% des visiteurs se sont déclaré « satisfaits » à « très satisfaits » de l’événement, prouvant l’excellence de l’organisation de KU[N]ST Leuven, trait d’union entre la ville de Leuven, la KU Leuven et le musée M Leuven.

Inspiré par Dieric Bouts © M Louvain

Pour rappel, l’ASBL KU[N]ST Leuven est née en 2011, à l’initiative de la ville de Leuven et de la KU Leuven. Sa mission est d’organiser des initiatives culturelles de grande envergure en collaboration avec le musée M, de nombreuses autres organisations louvanistes et l’université de Leuven. Ces festivals s’étendant à toute la ville font connaître Leuven en tant que centre culturel et pôle scientifique et d’innovation, tant en Belgique qu’ailleurs. Avec d’autres organisations, leur but est de faire connaître Leuven en tant que centre culturel et pôle scientifique et d’innovation, tant en Belgique qu’ailleurs. Ces festivals associent de façon captivante le patrimoine, la science et l’innovation.

Le point culminant de chaque festival urbain est une exposition au musée M, comprenant des prêts internationaux. Un programme culturel plus vaste de théâtre, danse, concerts, expositions, art dans l’espace public, ateliers, conférences, parcours urbains, visites guidées et événements divers aborde la thématique choisie sous différents angles et à partir de diverses disciplines.

Triptyque de la Dernière Cène, Dieric Bouts, 1464-1468 © M Louvain, Eglise Saint-Pierre, photo artinflanders.be, Dominique Provost

Le programme est élaboré en collaboration avec des partenaires louvanistes de l’univers de la culture et du patrimoine, ainsi que du monde scientifique et du secteur touristique. KU[N]ST Leuven en assure la coordination générale et la communication. Ces festivals, présentant des activités extrêmement variées sont destinés à un très large public.

Pourquoi Dieric Bouts ?

Il est l’un des maîtres incontestés du courant artistique des « primitifs flamands ». Installé à Louvain, il a été à la tête d’un atelier prospère et son art a été novateur, annonçant la Renaissance.

Exposition Dieric Bouts © Musée M, Louvain

Qui était Dieric Bouts ?

D’après Carel van Mander (peintre mais surtout écrivain à qui l’on doit « het Schilder Boeck », un précieux recueil de biographies des peintres des anciens Pays-Bas et du Saint-empire romain germanique, publié en 1604), Dieric Bouts serait né à Haarlem dans les années 1410, bien qu’aucune archive ne l’atteste. Sa date de naissance approximative a été extrapolée en se basant sur les événements de sa vie, tels ses mariages et sa nomination en tant que peintre municipal à Louvain.

On ne sait pas non plus qui fut son maître, mais plusieurs historiens d’art ont fourni l’hypothèse qu’il aurait fait un séjour dans l’atelier de Rogier van der Weyden, tant l’influence de ce dernier se ressent dans l’œuvre de Bouts. D’autres spécialistes reconnaissent dans les peintures de Bouts, l’influence du maître brugeois, Peter Christus.

Collégiale Saint Pierre de Louvain © DR

Par contre, on possède plusieurs documents qui indiquent que Dieric Bouts s’est fixé à Louvain après un séjour à Haarlem. Quoiqu’il en soit, il est resté longtemps en contact avec le nord des Pays-Bas. Il s’est probablement installé à Louvain, car à l’époque, la ville était en plein essor tant économique que culturel. Il y avait de réelles opportunités d’y gagner sa vie. L’université venait d’être fondée, première pierre de l’hôtel de ville est posée et l’église Saint-Pierre est à moitié achevée. Pour un jeune peintre ambitieux, une ville prospère et dynamique est un endroit idéal pour trouver des clients potentiels.

En 1448, Dieric Bouts a épousé Catherina van der Brugghe, qui appartenait à une riche famille louvaniste, son sobriquet était « Mette Gelde », c’est-à-dire avec de l’argent. Elle lui donnera 4 enfants. Deux garçons, qui deviendront peintres comme leur père. Et deux filles qui deviendront religieuses. C’est grâce à sa femme que Bouts a pu nouer des relations avec l’élite sociale de la ville ; c’étaient les seuls qui pouvaient se permettre l’achat des œuvres du maître.

La Justice de l’empereur Otton, Dirk Bouts © Musée M Louvain

Parmi ces « notables », il y avait la « Confrérie du saint Sacrement » pour laquelle il a peint « La Cène » et « Le martyre de Saint Erasme ».

Il a également peint deux gigantesques scènes de justice. A la tête de son atelier, il vendait aussi des pièces aux riches particuliers, dont des œuvres de contemplation et de prière, particulièrement demandées à cette époque. Il s’agissait de tableaux religieux de dimensions modestes devant lesquelles on pouvait prier et méditer. Parmi elles, « l’homme de douleur » qui est présent dans les collections de « M ».

Les équipes en charges des oeuvres © Lionel Dutrieux

En 1468, ou tout au début de 1469, Bouts est nommé peintre municipal de la ville de Louvain. Cette fonction consiste à veiller à l’entretien et la réparation des chars d’apparat servant au cortège de l’Ommegang. (Un ommegang est une procession religieuse signifiant « aller autour » en vieux flamand. Lors de cette procession, les reliques de Saints et statues étaient sorties et portées autour du bâtiment de culte).

La renommée de Bouts était telle qu’il ne devait pas s’occuper personnellement de ce travail, mais bien le superviser.

A Louvain, l’artiste dirigeait un atelier relativement important. Pour bon nombre d’œuvres, il réalisait simplement le dessin formant le fond et la structure du tableau, qui était ensuite terminé par ses compagnons ou apprentis.

Triptyque du Martyre du Saint Erasme, Dieric Bouts, ca. 1460-1464 © Musée M Louvain, photo artinflanders.be, Dominique Provost

Après le décès de sa première épouse, Bouts s’est remarié en 1573 avec la veuve d’un bourgmestre de la ville, Elisabeth van Voshem, mais il ne profita pas longtemps de ce nouveau mariage, puisqu’il est mort à peine un an après, en 1575.

Le style Bouts et son importance dans l’histoire de l’art

A cheval entre l’extrême fin du Moyen-âge et la Renaissance flamande, Bouts compte parmi les plus grands artistes du 15ème siècle. Bien qu’on n’ait aucune œuvre réellement signée de sa main, plusieurs d’entre elles sont attestées par des documents d’archive, comme « Le retable du Saint sacrement » qui se trouve toujours sur son lieu d’origine, dans la collégiale Saint Pierre de Louvain, et « La justice d’Othon », deux panneaux qui se trouvaient à l’hôtel de ville jusqu’en 1827 et sont maintenant conservés aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles.

Dierik Bouts et la perspective géométrique avec point de fuite © Musée M

Le « triptyque du martyre de Saint Erasme » se trouve toujours, lui aussi, dans la collégiale saint Pierre.

Dans sa peinture, Bouts essaie de faire la synthèse des styles de Jan Van Eyck et de Rogier van der Weyden, qui ont été les deux premiers peintres à appliquer leurs connaissances de la perspective à la représentation d’intérieurs. Cette démarche va culminer dans « La dernière Cène », de Bouts, qui est le panneau central du « triptyque du Saint Sacrement ». Cette peinture est la première œuvre flamande connue composée à partir de l’application rigoureuse des lois de la perspective géométrique.

En fait, en même temps que Peter Christus, il est le premier peintre de nos régions à avoir recours à la perspective à « point de fuite ». Autrement dit, toutes les lignes visuelles d’un tableau  convergent vers un seul et même point. Avant cela, les peintres maniaient une perspective plus instinctive et pas complètement exacte. La perspective à point de fuite est venue d’Italie, et bien que Bouts n’a jamais fait « le voyage d’Italie », il a sans doute pu consulter des traités de peinture italiens que l’on pouvait trouver dans la bibliothèque humaniste de l’Abbaye du Parc. Cette technique ne se généralisera qu’un demi-siècle plus tard.

Les équipes en charges des oeuvres © Lionel Dutrieux

On voit clairement l’influence de van der Weyden, dans les encadrements d’architecture peints en grisaille du « Retable de la Vierge », dans lesquels apparaissent des petits groupes sculptés représentant des épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Parfois même, Bouts prend carrément des œuvres du maître bruxellois comme modèles (« la mise au tombeau », la « déploration » ou « la résurrection »).

Dirk Bouts est un cas un peu à part dans le mouvement des Primitifs flamands étant donné qu’il évitait de mettre une dimension dramatique dans ses travaux. Dans son œuvre « Le martyre de Saint Erasme », on a l’impression que celui-ci reste indifférent aux tortures qu’il endure. Ce style caractéristique a valu à Dirk Bouts le surnom de peintre du silence.”

Exposition Dieric Bouts © Musée M, Louvain

C’est un peintre de paysages, qui ne sont pas fidèles à la réalité, mais ils créent un espace et une atmosphère lumineuse dans laquelle il situe ses personnages et les épisodes de sa narration. Bouts représente les scènes religieuses dans un environnement réaliste et terrestre de façon à littéralement effacer les frontières qui séparent le ciel de la terre. Ce faisant, il constitue probablement le plus bel exemple d’un créateur qui, tout en se situant dans la tradition artistique du quinzième siècle, cherche à donner un nouveau contenu à la condition humaine. Bouts explora les possibilités du réalisme et de la représentation du monde tel qu’il est, de sorte que le spectateur puisse mieux s’imprégner du message émis par l’œuvre.

Bouts a également une maîtrise extraordinaire pour représenter les objets et les effets des différentes matières, qu’il rend avec une grande minutie et un sens développé des couleurs.

Atelier Dieric Bouts © Musée M, Louvain

Il a aussi été l’un des premiers à ajouter dans ses œuvres, une fenêtre s’ouvrant sur un paysage, il a renouvelé le thème des « Mater dolorosa » et « Mater mediatrix ». Il a renouvelé le thème de la dernière cène, en accentuant ses côtés sacrés et liturgique. On sait d’ailleurs que Bouts a reçu des directives des théologiens pour « Le retable du Saint Sacrement ».

La suite du ‘New Horizons | Dieric Bouts Festival » – « L’atelier Bouts »

« L’atelier Bouts » est une exposition organisée par M Leuven qui se concentre sur la recherche et la restauration des chefs d’œuvre de Dieric Bouts.

L’exposition présente 5 œuvres emblématiques de Bouts et explique les méthodes de recherche et de restauration utilisées pour les préserver.

Entrevoir l’atelier d’un ancien maître flamand ne peut être que passionnant.

L’atelier de Dieric Bouts permet de découvrir la pratique du maître flamand au travers de 6 œuvres emblématiques.

Grand béguinage © photo Johan Mares

Cette exposition apprendra de quelle manière ont été réalisées ces œuvres, de quelles couches elles se composent, si Bouts est le seul maître d’œuvre des tableaux que nous lui attribuons, de quelle façon restaure-t-on ces œuvres plus de 500 ans plus tard.

Bouts ne peut bien sûr plus nous renseigner lui-même sur ses œuvres, mais on peut élucider de nombreuses questions grâce à l’examen des œuvres elles-mêmes. « Le martyre de Saint Hippolyte » est toujours dans son cadre d’origine, étonnamment intact. Il s’agit de l’œuvre idoine pour illustrer le style de dessin et de peinture de Bouts.

Les équipes en charges des oeuvres © Lionel Dutrieux

Vous pouvez en apprendre davantage sur les techniques scientifiques avancées telles que la MA-XRF (technique d’analyse non invasive utilisée pour examiner la composition des matériaux, notamment dans le domaine de l’art. Elle permet de détecter et de cartographier la distribution d’éléments chimiques sur de grandes surfaces, comme les peintures et les manuscrits. Cette méthode est précieuse pour les restaurateurs et les historiens de l’art, car elle révèle des informations sur les techniques et matériaux utilisés par les artistes, ainsi que sur les modifications ou restaurations subies par une œuvre au fil du temps, sans endommager l’œuvre elle-même), la fluorescence en mode macro, la réflectographie infra-rouge et la dendrochronologie qui ont été utilisées pour étudier les peintures du 15ème siècle.

L’Atelier Bouts nous explique de quelle façon fonctionnent ces nouvelles technologies, comment les chercheurs les utilisent de nos jours et quelles découvertes parfois étranges, elles ont déjà permis de faire.

Exposition Dieric Bouts © Musée M, Louvain

Par exemple, saviez-vous que les couches de peinture de « La Cène » et du « Martyre de Saint Erasme » ont jadis été séparées de leur support en bois.

« Le Christ à la couronne d’épines » fut à un moment donné scié en octogone.

Le fait que tant de chefs d’œuvre internationaux soient rassemblés pour la première fois à Louvain permet de les examiner de plus près, voire de les restaurer.

Ainsi, le « triptyque de la descente de croix » habituellement accroché dans a Chapelle royale de Grenade, reste à Louvain le temps de l’exposition, et sera ensuite envoyé à l’IRPA (Institut royal du Patrimoine Artistique) pour y être restauré pendant deux ans.

Les équipes en charges des oeuvres © Lionel Dutrieux

Les visiteurs de « l’atelier Bouts » apprendront de quelle façon cette restauration se déroulera.

L’exposition « l’Atelier Bouts » sera ouverte du 16 février au 28 avril 2024, au M Leuven.

Pour plus d’informations cliquez ici.


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