Boichi, de son vrai nom Mujik Park, est un artiste prolifique qui partage dans ses œuvres son expérience et son savoir sur la société humaine. Les mangas Origin, Wallman, Dr Stone et quelques autres sont ses œuvres au contenu cru et riche, graphiquement et scénaristiquement.

De Séoul à Tokyo

©manga-news

Si de nos jours, le travail de Boichi est largement connu par les fans de mangas et les graphistes du monde de l’édition, son background l’est un peu moins. Natif de Séoul, l’auteur, alors un amateur parmi tant d’autres, a émigré avec très peu de moyen au Japon. Fauché, ne parlant pas la langue, ses premières années à Tokyo ont été des plus difficiles ; le futur mangaka vivait dans un goshiwon, mini studio meublé de 5 à 8m² qui contient le minimum vital, et a effectué ses premières percées dans l’univers de l’édition via le secteur du Hentai ( « pervers » en japonais, ou manga à caractère pornographique).

Cette époque de sa vie a profondément marqué l’artiste, qui y fait fréquemment référence dans ses histoires. Dans Sun-Ken-Rock, nous suivons l’évolution d’un jeune japonais immigré en Corée, dans le milieu de la mafia. Origin prend place dans un futur ultramoderne, avec comme personnage principal un androïde en recherche d’identité. Dans Dr Stone, un scientifique en herbe tente de ramener le progrès dans un monde renvoyé à l’âge de pierre par un cataclysme inconnu. Ces shonen ( mangas d’action axés autour de la croissance
d’un ou plusieurs individus ) rompent avec beaucoup de productions par leur
profondeur scénaristique, leur engagement et leur richesse culturelle.

Œuvres immersives

©Dr. Stone – Boichi

Les scénarios de Boichi, largement 18+, se distinguent de par leur réalisme cru et dur et leur force d’immersion. Sun-KenRock, par exemple, où il nous est donné de rencontrer l’univers impitoyable de la mafia, avec ses codes, ses gangs, ses trafics et ses guerres de territoires.
Dans Origin, le personnage principal entre -modestement- dans l’une des plus grosses firmes de production cybernétiques nippones et se retrouve, malgré ses nombreux problèmes financiers, a prendre part au monde moderne et à en découvrir les affres et les rouages. Axée sur la découverte de soi, cette production-ci donne un aperçu des possibilités que nous réserve l’avenir, et des éternelles difficultés rencontrées par les débutants de tout poil.

Boichi saupoudre ainsi chacune de ses productions avec un énorme bouillon culturel à base de philosophie, de cuisine, de tranche de vie et d’expériences personnelles. Difficile de ne pas comprendre les personnages principaux en les voyant démarrer dans la vie, avec peu de moyens sinon leur volonté et leurs ressources individuelles.

Après tout, même si chacun a une histoire, les obstacles ne peuvent-ils
être communs ?

Un graphisme hyperréaliste

©Sun Ken Rock – Boichi

Hyperréaliste, ultra-texturé, tout en noir et blanc contrastés et en faciès expressifs au-delà du possible. Ce graphisme, nourri par un vaste travail de recherche photo, dessert autant le burlesque que le sérieux, deux caractéristiques auxquelles il donne leur pleine mesure d’un chapitre à un autre.

L’humour et la difficulté ne sont d’ailleurs pas ici deux outils visant seulement à amuser le public et faire passer de bonnes valeurs, mais aussi deux moyens de mettre tous les protagonistes sur un pied d’égalité en-dehors de leur hiérarchie.

Mais les histoires narrées seraient bien incomplètes sans le travail de recherche et l’engagement de Boichi. La documentation, vous l’aurez déjà compris, est un domaine auquel le mangaka s’adonne avec une dévotion monacale ; dossiers photos composés personnellement, expériences culinaires, voyages et croquis composent la très solide base sur laquelle l’auteur s’appuie pour meubler ses histoires, allant jusqu’à parfois y consacrer des chapitres entiers. Il est bien ici question d’ouverture culturelle ; l’histoire n’est pas fermée sur elle-même.

Histoire et culture vibrantes. Sujets d’actualité et ouverture sur le monde. Slice of life et fiction. Une vaste gamme d’éléments mis au service d’un travail de longue haleine mené en solo par un authentique mordu d’art et de culture.

Autant de raisons pour lesquelles je vous recommande de tenter ses lectures.