On a souvent attribué un caractère romantique au roman de Charlotte Brontë. Bien que l’amour soit au cœur de l’intrigue, il n’est pas l’enjeu ultime. Une part importante est laissée au surnaturel. Et c’est cet angle que nous redécouvrons aujourd’hui dans ce classique de la littérature anglaise du XIXème siècle.

Née en 1816 Charlotte Brontë a su s’imposer parmi les grands écrivains du XIXème siècle. Nombreux sommes-nous à connaître l’engagement de la narratrice pour la cause féminine. Nombreux sommes-nous aussi à connaître la femme de lettres romantique. Mais combien sommes-nous à connaître l’écrivaine spirituelle ? Car la foi chrétienne joue un rôle essentiel dans la vie de la romancière. 

Fille d’un pasteur, Charlotte entre très tôt au contact de la Bible. Cette éducation façonne sa personnalité et sa vision de la vie. La journaliste Gladys Marivat dira dans un article du magazine Lire Magazine Littéraire : « Charlotte est aussi habitée par un amour profond pour l’Eglise d’Angleterre et la Bible”.

Cet amour profond se retrouve dans Jane Eyre, publié en 1847. Le roman est constamment parsemé d’allusions et de références bibliques en plus de mettre en scène des personnages du monde ecclésiastique.

La foi chrétienne comme déclencheur du surnaturel

L’intervention du surnaturel est très présente dans l’œuvre. L’un des temps les plus marquants de cette manifestation est peut-être le moment où Jane, l’héroïne du roman, entend M. Rochester l’appeler dans la nuit alors qu’elle est séparée de lui.

“Je n’avais rien vu, mais j’avais entendu une voix me crier : “Jane ! Jane ! Jane !” et rien de plus”. M. Rochester dira par la suite qu’il avait prié Dieu avant de crier son nom. 

“Je demandai à Dieu (…) si je ne pourrais pas une fois encore goûter au bonheur et à la paix. (…). Malgré moi, mes lèvres exprimèrent les désirs de mon cœur, et je m’écriai : “Jane ! Jane ! Jane !”

La prière est décrite comme l’outil qui crée et provoque l’inintelligible. Bien que les personnages partagent un amour indestructible, le recours à Dieu paraît l’unique solution pour les réunir. Cela dépasse l’entendement et invite subtilement le spirituel à entrer dans le naturel, dans la réalité.

Cette pensée est accentuée par une illustration d’Edmund Henry Garrett présente dans la collection de la maison d’édition Hauteville, peignant une Jane à genoux devant son lit, les mains jointes, la tête baissée en prière. La Bible, élément incontournable, est posée sur sa table de chevet. 

Dieu, un protagoniste de l’histoire ?

Le fait que Dieu soit souvent mentionné donne l’impression qu’il fait partie intégrante de l’histoire. Celle-ci semble se façonner sous son inspiration. En effet, plusieurs coïncidences et situations impossibles se succèdent et s’imbriquent au fil du récit. Le récit se nourrit et se construit autour d’éléments mystérieux. Les personnages eux-mêmes reconnaissent leur impuissance face aux circonstances. M. Rochester, pour exemple, admet que sa première tentative de mariage avec Jane fut un échec parce que Dieu s’y opposa. Jane reçut d’ailleurs un songe l’avertissant de ne pas épouser M. Rochester, choix qui s’avéra le meilleur dans l’immédiat.

Une autre scène est quand Jane se trouve sans abris après avoir fui la demeure de M. Rochester. Elle finit sa course dans un village où après de nombreuses péripéties, elle se sent irrésistiblement attirée par une lumière qu’elle voit sur les hauteurs. Le lecteur découvrira par la suite que la lumière provient d’une maison appartenant à sa famille dont elle n’avait pas connaissance. Tout au long de son parcours, Jane est conduite par une main invisible. Cet être spirituel lui parle de plusieurs manières ; au travers de songes, d’intuitions et de sentiments. 

Un roman écrit sur des principes bibliques ?

Les divers rebondissements participent à l’évolution des personnages. Des situations naissent une transformation des caractères. Jane est une personne qui s’exprime et se conduit avec sagesse à cause des difficultés qu’elle a affrontées. Mr Rochester affirme avoir gagné en humilité depuis l’apparition de son infirmité.

Ces quelques exemples donnent à observer le roman de Charlotte Brontë d’un point de vue chrétien. Aussi, des thèmes y renvoient tels que le pardon, le partage, la vérité, le dévouement à Dieu perceptible à travers les personnages d’Hélène l’amie de Jane qui se réjouit à l’idée de rejoindre la demeure céleste ou encore Saint-John le cousin pasteur de Jane désireux d’être missionnaire aux Indes. 


Jane Eyre est un chef-d’œuvre inclassable par sa multiplicité de styles et de genres littéraires. Il se révèle aussi bien être un roman de l’apprentissage qu’une critique du monde. Il reste de nos jours encore un plaisir à lire.

Jane Eyre, Charlotte Brontë, Collection Hauteville Classiques, 672 pages