Elles sont jeunes, très jeunes, trop jeunes. Trop jeunes pour être mère, trop jeunes même pour être adultes. Leur âme de petites filles n’en a pas fini de grandir. « Jeunes Mères », des frères Dardenne, est un film dramatique du quotidien.

Elles cinq, Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma, ont entre quinze et dix-huit ans, et elles sont déjà mamans. Toutes, elles vivent provisoirement au sein d’une « Maison maternelle », institution dans laquelle éducatrices, soignantes et puéricultrices s’ingénient à les aider à vivre leur maternité plus sereinement ou bien à faire adopter leurs bébés.

Et ces « bébés mamans » ont une maladresse touchante dans les gestes les plus simples du quotidien : changer un bébé, s’occuper de lui, lui nettoyer le nombril, attacher la ceinture du siège auto…

« Jeunes Mères » des frères Dardenne © Les Films du Fleuve / Cinéart

Elles sont les filles de mères qui les ont abandonnées, ou placées, ou battues, ou terrorisées, et de pères qui n’existent pas ou n’ont jamais existé, ou si peu. Mères démissionnaires et pères absents.

Jessica a juste besoin qu’on la prenne dans les bras, qu’une mère s’occupe d’elle faute de quoi elle ne peut pas être mère à son tour. Perla a besoin d’un homme près d’elle, de Romain, le père de son enfant, pour pouvoir, elle aussi, comme sa grande sœur, construire une famille, une vraie famille, un foyer, un vrai foyer. Julie n’arrive pas à sortir de la drogue. Ariane ne peut pas faire autrement que faire adopter sa petite Lili pour que, plus tard, bien plus tard, en 2042, la gosse sache qu’elle fait ça pour son bien, pour la faire échapper à la fatalité sociale, à la misère, à la boisson, à l’enfer du quotidien.

« Jeunes Mères » des frères Dardenne © Les Films du Fleuve / Cinéart

Elles sont les enfants d’avance défuntes d’un siècle qui n’assume pas l’enfance. Elles vivent dans un univers traumatisé par le manque d’argent, le chômage, l’alcool, la drogue et surtout, surtout, le manque d’amour. Le film est clair sur ce constat incontournable et terrifiant : quand on n’a pas été aimé, on ne peut pas aimer à son tour.

Le monde de ces cinq-là, c’est le nôtre : un monde dans lequel la contraception et l’avortement, même admis, même légalisés, même répandus, ne résolvent pas le problème crucial du choix. Un monde dans lequel l’engrenage social broie les avancées de la société et le progrès des technologies.

« Jeunes Mères » des frères Dardenne © Les Films du Fleuve / Cinéart

Comment pourraient-elle, ces cinq-là, ces « encore » petites filles, porter sur leurs épaules le poids de l’avenir, et puis de quel avenir ? Quels bébés promis à quel avenir sous le ciel bas et lourd d’une Belgique traumatisante et mortifère?

Heureusement qu’une ex-enseignante, profondément généreuse et optimiste (ce devrait être un pléonasme !), va jouer au piano La Marche turque de Mozart pour arracher un sourire à la petite Mia, la fille de Julie. Et ce menuet ridicule et joué mécaniquement libère comme le feraient des larmes.

Bande-annonce en FR :


« Leurs enfants après eux » de Ludovic et Zoran Boukherma