Enfin un historique crédible et précis, loin des sentiers battus, sur les jeunes années de Johnny Hallyday, par Eddy Przybylski.

Alors que la star disparaissait, Johnny D’où Viens-Tu Vraiment reste un livre non opportuniste mais résultant d’années de recherches et d’interviews.

Un jalon d’envergure dans une bibliographie Hallyday (trop !) pléthorique.

Journaliste à La Dernière Heure depuis 1973, Eddy Przybylski, également chanteur à ses heures sous le nom d’Eddy Barsky, est un professionnel reconnu et respecté.
Grand amateur de rock, il est un spécialiste de Brel et auteur de deux ouvrages sur lui. Johnny Hallyday est un autre sujet de prédilection pour Przybylski .


Des biographies de bas étage, bâclées par des écrivassiers opportunistes qui se contentent de piller le travail de leurs prédécesseurs, pullulent comme têtards dans un marigot .

Ici on vole bien plus haut et on trouve le résultat d’années de recherches et d’investigations.

Une première version de son travail parut en 2010 aux éditions de l’Arbre : Hallyday Les Derniers Secrets aux éditions de l’Arbre.

Le thème étant les jeunes années du futur Johnny, et même ses racines familiales lointaines. Ainsi que les premiers temps de sa fulgurante carrière, jusqu’au mariage avec Sylvie le 12 avril 1965.

Mais cet ouvrage-ci est nettement plus complet, avec notamment la découverte par l’auteur d’un cousin wallon du rocker !

Ce qui avait échappé à tous les biographes français, même les meilleurs.

Souvenirs, souvenirs…

Certes cet ouvrage en est émaillé. Mais ce titre de Johnny, historique car il fut le vrai succès qui le lança à l’été 1960, doit quelque chose à la Belgique…

Le directeur de Vogue Belgique à l’époque était le Français Guy Khavessian.

Il découvrit un titre intitulé simplement Souvenirs par la chanteuse américaine Barbara Evans (1959), qui obtint un petit succès en Belgique mais nulle part ailleurs, en 1960 !

Mais on peut ajouter qu’une version…allemande par Bill Ramsey, intitulée simplement Souvenirs, cartonna en Allemagne en 1959, mais sans rapport avec l’adaptation française.

Et par l’entremise de l’auteur de chansons connu Fernand Bonifay, réquisitionné, l’adaptation devenue Souvenirs, Souvenirs -a fait partir la carrière de Johnny en flèche !

Mais jamais Khavessian ne s’est manifesté pour revendiquer son rôle pourtant essentiel dans le lancement de cette prodigieuse carrière.

Il en existe d’autres versions dont celle de la chanteuse et actrice Rita Cadillac, une pin- up affriolante qui apparaît avec Johnny dans le film

Dossier 1413 (1961), devenu Les Ballets roses en Belgique !

Avant cela, on note que le premier disque de Johnny, paru en avril 1960, comporte notamment T’Aimer Follement.

C’est l’adaptation de Makin’ Love, un titre à succès enregistré à Nashville pour RCA par Floyd Robinson.

L’année suivante, le tout premier disque de Sylvie Vartan (avec Frankie Jordan) est Panne D’Essence, adaptation de Out Of Gas…du même Floyd Robinson, un artiste pourtant resté totalement inconnu chez nous !

Je mentionne ce qui précède car Sylvie Vartan a un jour déclaré dans une interview à Libération qu’elle croyait aux signes.

C’est à se demander si elle n’a pas raison.

Le premier titre des deux futures vedettes, tellement liées par la suite et unies par les liens du mariage : deux adaptations françaises du même chanteur américain inconnu en France…

Un signe ? On y croit ou non…

Cela avant même que les deux artistes se rencontrent en décembre 1961, pour le premier Olympia de Sylvie en ouverture pour le grand rock and roller Vince Taylor (et Henri Tisot)…

Vince Taylor qu’Eddie Barclay tentait alors d’opposer à Johnny.

Barclay qui faillit engager Hallyday mais Philips rafla la mise après une compétition épique entre les deux firmes de disques !

Témoignages

Eddy Przybylski a rencontré la star à maintes reprises depuis mars 1973. Et des extraits de très nombreuses interviews de Johnny mais aussi d’autres vedettes émaillent cet ouvrage passionnant, qu’elles soient toutes récentes et spécifiques pour ce livre. Ou plus anciennes et effectuées dans le cadre de son travail quotidien. Eddy fait flèche de tout bon bois seulement. En refusant les approximations et le n’importe quoi.

On peut lire les témoignages d’Eddy Mitchell, Dick Rivers, Danyel Gérard, Richard Anthony, Line Renaud, Raymond Devos, Michel Mallory, etc. Sans oublier quatre des plus importants photographes qui l’ont suivi: Jean-Pierre Leloir, Jean-Marie Périer, le regretté Claude Schwartz et Jean-Louis Rancurel.

Ainsi que des témoins essentiels des années cinquante, du temps de l’enfance puis des tournées en Europe avec Lee et Desta. Dont Lee…Mais aussi Léon Smet, le père, rencontré plusieurs fois au début des années 80.

Les révélations inédites sont nombreuses. Les rumeurs de collaboration dont on a accablé Léon Smet à tort, et les méandres de sa vie, qui fut tout sauf stable et rangée.

Les nombreuses tournées des années cinquante en Europe, avec Lee et Desta Halliday -avec i ! – dont la Belgique !-, puis les temps difficiles à Paris. 

Où et dans quelles circonstances le crooner François Deguelt, a-t-il découvert le futur Johnny en 1959, face à un public restreint sur une certaine petite scène parisienne ?

La vérité sur son premier passage TV français, de la bouche de Claude Wolff, qui s’occupait de lui chez Vogue. Le premier disque qui n’a jamais été cassé par Lucien Morisse sur les ondes d’Europe Numéro Un.

C’est arrivé pour son troisième 45 tours dans l’émission oubliée Le Discobole du 9 octobre 1960 ! Sur Europe n°1. Dommage que ce grand moment semble avoir disparu des archives de la fameuse station !

L’histoire assez longue et douloureuse avec Patricia Viterbo, qui tint une grande place dans sa vie; même si on l’a oublié aujourd’hui. Et une foule d’autres histoires et anecdotes.
Loin des ragots et bobards que certains répètent paresseusement, du sérieux et du crédible !

Johnny en images et documents

Des photos rares illustrent Johnny D’Où Viens-Tu Vraiment, notamment celles du plus important témoin belge de l’époque: Jean-Marie Vangrudenberg, qui travailla chez Vogue Belgique depuis 1958. Ses souvenirs côtoient ses clichés. Y compris une belle photo de couverture : Blankenberghe avril 1960 -c’est chez nos amis flamands que Johnny fit ses débuts de chanteur pro en Belgique !

Des articles et des unes rares. Dont ce numéro historique de France Dimanche de 1965, avec les «retrouvailles» arrangées de Johnny bidasse avec son père, Léon Smet.

Une magouille de journalisme «people», même si le mot n’existe pas encore. Qui blessa Johnny durablement, s’il faut l’en croire. Des éléments généalogiques consistants sur la famille Smet, établis par l’auteur avec l’aide d’un féru de la chose. Une première, pour ce qui est de la profondeur de cette investigation généalogique au sujet de Johnny Hallyday : du très beau travail !

Une balade dans les lieux qui ont compté pour Johnny dans «son» arrondissement, le neuvième.
On peut donc retrouver ses endroits de vie et ses repères, ses points d’ancrage dans la Ville Lumière.

On l’aura compris: enfin un ouvrage sérieux et essentiel sur la superstar française.
Loin des hologrammes et des concerts symphoniques qui certes contribuent aujourd’hui à perpétuer sa mémoire toujours si vive et indestructible… Sans oublier les parutions soignées et de haute qualité qui continuent, et l’exhumation de temps à autres de morceaux que l’on croyait disparus…

Comme Le Spécialiste, tiré du même film (1969) du même nom avec Johnny en cow-boy version western italien !

Il est bon de retrouver le jeune Johnny Hallyday, rock and roller sincère, pourri de talent et doté d’un magnétisme ravageur. Un mythe du siècle passé mais qui vainc les outrages du temps. Les racines de ce mythe, les grandes années explosives.

Hautement recommandé.

Przybylski, E.(2017)Johnny, d’où viens-tu vraiment ? La Boîte à Pandore. 396 pages.