La Bibliothèque Perdue, Le Rêve de César, le nouveau roman à clefs de l’alchimiste Patrick Burensteinas
Quand un alchimiste publie un premier roman, il y a fort à parier que ce n’est pas que du divertissement. Comme le Petit Poucet, Patrick Burensteinas nous a habitué dans ses livres à semer des petits cailloux pour nous indiquer le chemin vers le caillou ultime : la Pierre Philosophale.
Il y a donc fort à parier que cet ouvrage ne fasse pas exception à la règle et qu’il s’y trouve des allusions et indices à décrypter, c’est-à-dire à sortir de la crypte dans laquelle ils ont été protégés. L’auteur annonce : « la fameuse bibliothèque d’Alexandrie n’a pas brûlé comme on le dit, elle existe toujours et je sais où elle se trouve ! » C’est à travers une quadrilogie qu’il nous invite à le suivre sur la piste de cette illustre disparue qui fait fantasmer depuis deux millénaires. Le premier tome, de la quadrilogie La Bibliothèque Perdue, Le Rêve de César, vient de paraître chez Robert Laffont.
Cette incroyable bibliothèque est un personnage en soi. Elle est fondée en 288 avant JC dans la ville d’Alexandrie en Egypte, fondée par Alexandre le Grand au bord de la Méditerranée. À la mort de celui-ci son empire est divisé et un de ses généraux, Ptolémée, devient satrape d’Égypte dont finalement il se proclame roi en 305 et fonde sa propre dynastie. Roi éclairé, il fait d’Alexandrie la capitale de l’Égypte et un des grands foyers de la culture hellénistique, une rivale d’Athènes. Il y crée le Muséon ou temple des muses, qui est une des premières universités du monde, ayant en son sein un gigantesque bibliothèque dont l’ambition est de rassembler toutes les connaissances possibles, depuis la propre Antiquité des Grecs jusqu’à leur époque. C’est la première grande bibliothèque publique et un phare de la pensée mondiale qui éclaire métaphoriquement l’Humanité tout comme le célèbre Phare d’Alexandrie éclaire les marins. Elle aurait compté jusqu’à 700 000 ouvrages, pas seulement des livres sur papyrus mais aussi des ouvrages sculptés, gravés sur bois, sur argile, sur métal et tous supports utiles.
Comme dit Patrick Burensteinas, c’est la bibliothèque où l’Autrefois rencontre le Maintenant, formant une Constellation, une vision du Monde.
Posséder un tel savoir c’est posséder le pouvoir. C’est évidemment une réalité qui n’échappe à personne, ni aujourd’hui ni dans le passé, et qui excitera la convoitise de l’illustre maître de Rome, Jules César.
Historiquement, on ne sait pas dans quelles conditions cette bibliothèque a disparu et il y a de nombreuses théories à ce sujet. Une de ces théories suppose que la bibliothèque aurait été incendiée lors d’un épisode de la guerre civile romaine qui opposait César à Pompée et à laquelle était mêlé Ptolémée XIII, frère de Cléopâtre. C’est à cette époque que se situe l’action du roman La Bibliothèque Perdue.
César, amant de Cléopâtre, la met sur le trône d’Egypte après avoir tué son frère, mais il exige d’emmener la bibliothèque en Europe pour prix de ce changement de régime. Il veut le pouvoir qui y est lié pour asseoir son autorité sur le Sénat de Rome. Mais pas question d’emmener les ouvrages à Rome où ils pourraient tomber dans les mains de ses ennemis. Il décide donc d’un endroit secret dans lequel il pourrait les entreposer, et fixe son choix sur la Colline des Corbeaux Blancs, sur les bords du Rhône. Une ville se développera bientôt autour de ce lieu qui s’appellera Lugdunum, connue aujourd’hui comme Lyon. L’étymologie de Lugdunum fait encore débat mais une des variantes est La Forteresse de Lumière, un nom qui correspond bien à sa destination de protectrice du savoir caché.
Car en effet la bibliothèque devra être cachée aux yeux des profanes, et César décide de l’enterrer dans un réseau de galeries souterraines qui seront construites par l’illustre architecte romain Vitruve. Patrick Burensteinas nous dit que ces galeries existent toujours et qu’elles sont connues de tous sous le nom d’Arêtes de Poisson. L’explication est plausible, même si de nos jours ces galeries sont envahies par l’humidité et que ce n’est pas là qu’un bibliothécaire précautionneux songerait à entreposer des ouvrages précieux.
Ces fameuses Arêtes de Poisson sont un ensemble de galeries très anciennes, probablement datant de l’époque romaine, déjà connues depuis des siècles mais redécouvertes à Lyon en 1959 à l’occasion d’un éboulement dans la Rue Des Fantasques, rue où habitait au XVIIIème siècle le célèbre franc-maçon des hauts grades Jean-Baptiste Willermoz qui voyait de nombreux liens entre alchimie et franc-maçonnerie. Peut-être n’avait-il pas choisi sa maison au hasard ?
La redécouverte de ces galeries antiques est recouverte aujourd’hui d’une chape de mystères car ce n’est qu’en 2013, soit plus de cinquante plus tard, que des recherches académiques s’en saisissent. Pourquoi ne pas vouloir les étudier avec attention, alors que ce sont des constructions uniques au monde et que certains veulent les voir inscrites au Patrimoine Mondial de l’Humanité ? Il existe comme une omerta autour de ces lieux que visitent plus ou moins clandestinement les amateurs d’urbex.
Dans le roman de Patrick Burensteinas des hommes mystérieux venus d’une instance gouvernementale supérieure viennent saisir les objets trouvés lors des fouilles, ce qui n’est pas sans rappeler les interventions des fameux « hommes en noir », les Men in Black, qui veillent au maintien des secrets inaccessibles au grand public.
Car ce livre s’articule sur deux périodes de temps, l’Antiquité et l’année 2015, faisant des sauts réguliers d’une époque à l’autre comme dans les bons romans de Dan Brown ou de Giacometti et Ravenne.
L’équipe de héros qui est notre contemporaine, est composée d’une jeune fille, Julie, archéologue en fin d’études, et son maître de stage, Silvio, qui avec ses doigts ornés de bagues, mal rasé, ses longs cheveux gris et son allure rock’n roll pas très académique n’est pas sans rappeler le célèbre professeur Raoult de Marseille.
Julie est a priori terre à terre mais elle est curieuse et ouverte, qualités indispensables pour progresser. Elle est touchante, quand ayant récupéré un texte ancien qui parle de magie, elle décide d’accomplir le rituel d’invocation d’un esprit élémentaire de l’eau, juste pour prouver que ça ne marche pas. Mais bien sûr que cela va marcher. Ce n’est pas sans rappeler l’histoire qu’aime remémorer souvent Patrick Burensteinas de ses propres débuts en alchimie. Ayant trouvé un vieux livre de 1893 de François Jollivet-Castelot, L’Âme et la Vie de la Matière, Patrick Burensteinas se prit à essayer les opérations concrètes décrites dans le bouquin, juste pour prouver que ce n’était qu’un fatras de superstitions. La suite on la connaît, la passion de l’alchimie ne l’a plus jamais quittée.
Les héros antiques, eux, forment un groupe composé de personnalités diverses qui reçoivent pour mission, s’il l’acceptent, de transporter la bibliothèque par voie de mer et de fleuve d’Alexandrie jusqu’aux Arêtes de Poisson. Vitruve leur dit qu’ils deviendront les inconnus les plus célèbres du monde, n’est-ce pas le sort des alchimistes qui gardent le secret sur leur réussites en raison du danger des ambitieux et des assoiffés d’or, et dont les réalisations formidables demeurent non dévoilées ?
En plus de Vitruve on trouve le vieil historien Diodore de Sicile, Lulianos le jeune homme grec qui tombe évidemment amoureux de la belle Sophia, jeune Égyptienne dont le destin sera de veiller sur la nouvelle demeure de la bibliothèque en Gaule. Pour cela elle créera un ordre religieux féminin consacré à Sérapis, dieu syncrétique créé par Ptolémée, et devra s’adjoindre six acolytes, les jeunes femmes seront donc sept. Elle dit : « La bibliothèque m’appelle, je le sens jusque dans ma chair. »
Sophia c’est la sagesse évidemment, César lui confie un cep de vigne, symbole d’immortalité. Et Lulianos est aussi le nom d’un Juif de Grèce qui avait l’espoir de reconstruire le Temple de Salomon. Il y a beaucoup d’allusions et de sens plus ou moins cachés dans ce livre, et même si on est hermétique à l’alchimie on trouvera de nombreuses notes de bas de page qui nous permettront de nous coucher mieux instruits le soir.
Prenons par exemple le moment du départ de l’équipe d’aventuriers qui partent d’Alexandrie avec la première cargaison de livres. Ils montent tous dans un navire, un vaisseau, nom qui désigne en alchimie l’appareil qui permet des distillations. Ils montent dans un certain ordre, chaque personnage ayant son caractère propre. Ils interagissent de certaines manières les uns avec les autres. Ils sont en quantités variables, le silence est de plomb. Vingt archers montent d’abord, muets comme la matière, suivis ensuite de quarante marins, calmes comme une mer d’huile. César, l’imperator, est là aussi, distribuant des cadeaux en or. Et l’auteur d’ajouter : Y aurait-il logé une partie de son âme ? L’élément irascible ? Sur plusieurs pages se déroule un texte interpellant, seraient-ce des indications opératives du Grand Œuvre ?
Une fois en mer, le vaisseau est accompagné de dauphins, qui en alchimie représentent le mercure, dont l’action est de coaguler en présence du soufre, symbolisé par une ancre.
Or le symbole de la Bibliothèque d’Alexandrie est un dauphin s’enroulant autour d’un trident, image proche de l’ancre, le trident étant un attribut du Poséidon grec ou du Neptune romain. Il est aussi le symbole du bismuth, souvent utilisé comme un substitut du plomb. On peut longtemps s’amuser à chercher des clins d’œil alchimiques dans ce roman, je laisse le plaisir de la découverte aux lecteurs.
Plaisir qui, comme par la magie d’une poudre de projection, sera prochainement multiplié par quatre puisque nous sommes seulement en présence du premier des quatre tomes de cette formidable saga pleine de rebondissements.
Et voici, spécialement pour nos lecteurs, un scoop ! En grattant la peau de la bulle de mystère nous avons pu percevoir une brève illumination sur les aventures à venir, Lumière que Patrick Burensteinas a bien voulu partager avec nous:
Tome 2
Dans lequel nous verrons comment les Templiers retombent sur cette bibliothèque, ce que cela leur rapporte et ce que cela leur coûte. Les Templiers et les écuries du roi Salomon. Comment les Templiers découvrent l’Amérique. Quelle est la vraie raison du procès des Templiers ? Quel est leur légendaire trésor ? Pourquoi personne ne l’a trouvé et où est-il ?
Tome 3
Le véritable secret des sociétés secrètes. Pourquoi toutes les sociétés secrètes naissent à Lyon et que voulaient vraiment les fondateurs ? Comment Cagliostro, fondateur du Rite Egyptien, connait-il les noms des dieux et les rituels ? Le 29 mars 1779, à Mitau, en Courlande, Cagliostro fonda une loge mixte qui se consacrait à l’alchimie . Les travaux y furent ouverts au Rite Égyptien le 22 août 1813, alors que les hiéroglyphes ne commencèrent à être traduits qu’en 1822. Quelles sont ses sources ? Pourquoi Napoléon se lance-t-il dans la campagne d’Egypte ? Pourquoi tous les initiés d’Europe se retrouvent-ils tous au même moment et au même endroit ? Que se partagent-ils ?
Tome 4
Pourquoi Benjamin Franklin a-t-il reçu une aide de la France ? Pourquoi Lafayette va-t-il aider les Américains ? Pourquoi Bartholdi fait-il la Statue de la Liberté et pourquoi les Américains l’acceptent-ils ? La Bibliothèque enfin retrouvée. Où est-elle maintenant ?
Vivement la suite !