La Maison Gainsbourg enfin ouverte
Enfin, ouverte, il faut le dire vite. Il faudra vous y prendre très tôt pour réserver vos places car toutes les visites à la Maison Gainsbourg sont déjà complètes jusqu’à l’année prochaine… En attendant, glissons-nous comme des petites souris pour jeter quand même un coup d’œil dans l’antre du magicien.
Une maison ? Non, un mythe !
Le 5 bis rue de Verneuil est une adresse mythique à Paris depuis 1969 lorsque Serge Gainsbourg y a emménagé avec sa famille. Il avait acheté ces anciennes écuries en 1967 et a rendu ces 130 mètres carrés habitables, les imprégnant de sa personnalité. Lorsqu’il a acheté cette maison il était en couple avec Brigitte Bardot, mais ce sera finalement Jane Birkin qui emménagera avec lui. C’est donc une maison petite par sa taille mais grande par l’histoire de la musique qui s’y est déroulée, jusqu’à la mort du chanteur et compositeur le 2 mars 1991. Depuis lors rien n’a bougé. Sa famille l’a transformée en mausolée, s’efforçant de garder même l’odeur des fameuses cigarettes de marque Gitanes que le maître des lieux affectionnait. Les mégots sont encore dans les cendriers. Mais même l’odeur part petit à petit, l’intime est en train de faire place au public.
La modestie des lieux impose un temps de visite limité à 30 minutes, mais c’est une demi-heure de qualité, rythmée par la douce voix de Charlotte Gainsbourg dans l’audioguide, qui raconte son père et la maison avec pudeur. Une expérience intimiste et rare. Pour dérouler la vie et l’œuvre de Gainsbourg un second espace est ouvert sur le trottoir d’en face, au numéro 14, c’est le Musée Gainsbourg. On y trouve aussi une librairie-boutique et le Gainsbarre, un café le jour qui se transforme, le soir, en piano-bar.
Fêtes non autorisées et objets disparus
Dans une interview du 18 septembre au journal Libération, Charlotte Gainsbourg déclare : « Il fallait agir car en mon absence, on m’envoyait des photos qui prouvent qu’elle était visitée, que des soirées y étaient organisées à mon insu. Des tas d’objets ont disparu. »
Qui donc avait accès à la maison ? Des fans très probablement. Comme souvent, quand une maison n’est pas habitée il y a des risques de déprédations. A force de ne toucher à rien pour protéger l’intérieur et l’atmosphère c’est l’effet inverse qui a été obtenu. Dans son interview du 21 septembre sur France Inter, Charlotte Gainsbourg dit : « Tout est sacré pour moi dans cette maison… C’est aussi un refus d’accepter sa mort. J’ai figé le temps. » Les fans ne peuvent que remercier la fille de Gainsbourg pour avoir su préserver ce patrimoine émouvant.
Mais la solution de l’ouverture officielle au public et de la transformation des lieux en musée s’est donc imposée comme la meilleure option pour la préservation. C’était le projet de la fille l’artiste depuis 2018, et malgré l’aide de 600 000 euros de la Région Ile-de-France, l’ouverture s’est fait attendre. Il faudra encore beaucoup de patience aux amoureux de Gainsbourg pour accéder à cette intimité puisque les places ont toutes été vendues bien avant l’ouverture officielle de ce 20 septembre. Il y a fort à parier que lors de la prochaine mise en vente elles partiront tout aussi vite, preuve de l’amour que le public voue encore à l’artiste.
Un cocon préservé
On trouvera la Maison Gainsbourg comme si Serge était parti la veille. Les fameuses Repetto blanches, le piano droit, et aussi un piano à queue Steinway que Charlotte explique n’avoir jamais osé touché, par respect. La sculpture de l’Homme à la Tête de Chou de Lalanne, la collection de poupées anciennes, ainsi que la marionnette des Guignols à l’effigie de Gainsbourg lui-même. Des disques d’or, des objets de collectionneur, un monde en soi qui se décline dans de belles tonalités noires.
Il y aussi la fameuse mallette Vuitton de Gainsbourg dans laquelle il transportait des billets de 500 francs et qui est maintenant chez Charlotte Gainsbourg. Le marchand d’art Jean-Michel Amor qui habite maintenant à Bruxelles se souvient avoir croisé le chanteur au restaurant La Tour d’Argent. Ce soir-là Gainsbourg invitait des amis, puisant dans cette mallette des billets. Sa générosité se marquait alors même avec le personnel, avec son approche bourrue bien à lui. Lorsque le serveur lui rapporta la monnaie, il lui dit : « Fais pas chier ! » Manière de laisser un pourboire princier en évitant de donner avec ostentation.
Aux armes et caetera !
Le manuscrit original de La Marseillaise qui est exposé dans la maison a une histoire elle aussi passionnante. Gainsbourg crée une version reggae de la Marseillaise en 1979 : c’est le scandale, on crie au manque de respect pour l’hymne national français. Les menaces pleuvent et, lorsque le chanteur se rend à Strasbourg pour un concert le 4 janvier 1980, ses musiciens jamaïcains le laissent tomber, effrayés par la tournure que prennent les choses. Car en effet dans la salle se trouvent des dizaines de soldats des régiments parachutistes venus mettre le dawa, et des alertes à la bombe dérangent les hôtels de la ville où le groupe de musiciens est supposée descendre. Gainsbourg ne se démonte pas, harangue les militaires, et quand l’ambiance est surchauffée il entonne La Marseillaise, les obligeant ainsi à se mettre au garde-à-vous. Il termine par un bras d’honneur à destination de ce public.
Après cette prestation il décide d’acheter le manuscrit du Chant de Guerre pour l’Armée du Rhin, titre original de l’œuvre, qui est mis en vente aux enchères en décembre 1981. Ce document est écrit en 1833 de la main même de Rouget de Lisle, l’auteur en 1792 de ce chant guerrier. Dans une lettre à Cherubini vendue dans le même lot, Rouget de Lisle la surnommait « une de mes vieilles sornettes ». Ayant remporté l’enchère, Gainsbourg déclare : « J’étais prêt à me ruiner. »
Pour les fans qui veulent visiter la Maison Gainsbourg, armez-vous de patience, et d’espoir, car on réserve seulement en ligne sur ce site : https://www.maisongainsbourg.fr
En 1973, Serge Gainsbourg faisait visiter sa maison: