La Tombe de Ligeia, un classique du film d’horreur gothique, comme on les aime
C’est un plaisir de fin gourmet de visionner ce film du réalisateur américain Roger Corman, un classique du film d’horreur gothique. Il est librement inspiré du livre d’Edgar Allan Poe « Ligeia ».
Amoureux du fantôme de sa défunte femme, Ligeia
Le film débute ainsi : plusieurs années après avoir enterré sa femme Ligeia, Verden Fell qui vit dans une ancienne abbaye, rencontre et épouse Lady Rowena. Malgré ce mariage, il reste obsédé par sa première femme et attend son retour prochain. La vie avec sa nouvelle épouse démarre sous les meilleurs auspices jusqu’à leur retour à l’abbaye où Verden retombe dans ses sombres habitudes. Verden continue à vivre reclus dans une aile de son abbaye en ruine avec son serviteur Kenrick comme seul autre occupant. Le souvenir de Ligeia le hante toujours, de même que sa promesse qu’elle ne mourrait jamais. Mais est-elle vraiment morte ?
Lady Rowena se demande dans quelle abbaye hantée elle est encore tombée. Durant sa nuit de noce, elle doit partager son époux avec la chose qui repose dans la tombe du chat © American International Pictures
Pourquoi tous les Anglais habitent-ils dans de vieilles abbayes ?
Bon, d’accord, peut-être que tous les Anglais n’habitent pas dans d’antiques abbayes, mais il faut quand même avouer qu’ils sont nombreux à le faire. On n’a pas attendu Downton Abbey pour appeler un château du nom d’abbaye. La raison est que ce beau pays d’Angleterre a été longtemps catholique, avant que le roi Henri VIII ne décide la dissolution des monastères en 1534. Ce bon roi Henri qui veut dissoudre le mariage d’avec sa femme Catherine d’Aragon pour mieux convoler avec Anne Boleyn se voit refuser ce plaisir par le pape. Il se venge en s’emparant de toutes les terres des monastères catholiques (20% des terres du royaume quand même) à son profit et à celui de ses fidèles soutiens Anglicans.
Le héros s’empresse d’enlever le soulier de la jolie blonde dans une ambiance délicieusement gothique. Les deux ont de très belles voix profondes © American International Pictures
On appelle ce moment de l’histoire d’Angleterre La Dissolution des Monastères : « tu ne veux pas dissoudre mon mariage, je dissous tes abbayes ». Le pape excommuniera le roi, mais cette incroyable razzia sur d’immenses richesses consolera le souverain anglais. Les abbayes deviennent des propriétés privées entre les mains des puissants du royaume, voilà pourquoi tant de châteaux anglais sont en fait d’anciennes abbayes et en portent encore le nom.
Elizabeth Shepherd interprète les rôles de la blonde et de la brune, de la vivante et de la morte © American International Pictures
Une passion pour Edgar Allan Poe
Le réalisateur américain Roger Corman (1926-2024) est un fan de l’œuvre d’Edgar Allan Poe. Entre 1961 et 1965 il a adapté huit de ses histoires en huit films ! C’est fou. Ces films sont :La Chute de la maison Usher ; La Chambre des tortures ; L’Enterré vivant ; L’Empire de la terreur ; Le Corbeau ; La Malédiction d’Arkham ; La Masque de la mort rouge ; La Tombe de Ligeia.
Le charme des vieux tapis rouges dans les antiques abbayes anglaises © American International Pictures
Ce dernier, daté de fin 1964, est de l’aveu même du réalisateur le plus réussi de la série. Un conte sombre, horrifique et gothique, où se mêlent horreur et romantisme, crime et mystère. Avec un Vincent Price qui campe un personnage dont la hantise maladive sombre dans un délire sans fond. Toujours protégé du soleil par d’épaisses lunettes noires. Mais qui est le vampire? Je ne me suis jamais ennuyé dans cette belle atmosphère anglaise du début du XIXe siècle, où tout semble bizarre et décalé. Avec une superbe Elizabeth Shepherd (88 ans cette année) qui joue à la fois le rôle de la blonde et radieuse Lady Rowena, et celle de la défunte Ligeia, superbe brune ténébreuse.
Un classique des films gothiques. Ne manquez pas le cercueil et le chat noir, indispensables © American International Pictures
Le grand Roger Corman, à découvrir et redécouvrir
Le cinéaste Roger Corman nous a quittés en mai dernier à l’âge de 98 ans, comme quoi les histoires de vampires et de fantômes conservent. Réalisateur de 50 films et producteur de 400 ( ! ) il est connu pour être un spécialiste des films de série B. Et pourtant… C’est lui qui a eu le nez suffisamment creux pour dénicher les talents suivants et les aider à réaliser leurs premiers films: Martin Scorcese, Francis Ford Coppola, Ron Howard, Joe Dante, James Cameron… C’est encore Roger Corman qui lance la carrière de Jack Nicholson. Il a aussi eu une influence capitale sur Tim Burton. Autant dire que sans Roger Corman le cinéma aurait eu un visage différent. Un grand Monsieur du Grand Écran à qui Quentin Tarantino a rendu un vibrant hommage au Festival de Cannes de l’an dernier. Roger Corman avait fait le déplacement, à 97 ans, devant un Palais des Festival debout qui applaudissait à tout rompre. Les cinéphiles savent reconnaître le talent.
Bande-annonce de 1964 (ANGL) :
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