Avec « La Vie Heureuse », David Foenkinos nous parle aussi de la mort, et revient sur certains de ses sujets de prédilection.

« Sympathique David Foenkinos

A l’œuvre prolifique

Qu’au ciné les adaptations on ose

Histoires en tout magiques

Par leur humanisme

Teinté de résilience

Et ses sourires séismes

L’humour pour alliance »

Traits communs

C’est en ces quelques vers que l’on pourrait traduire les principales caractéristiques du travail de cet auteur dont l’âge frôle la cinquantaine.

Précisons ces leitmotivs que l’on retrouve dans ses romans :

La plongée dans les abysses sentimentales et/ou professionnelles suivi d’un choc, d’une rencontre ;

Parfois, une soirée éméchée qui met les compteurs à zéro comme si l’éthanol qui désinhibe offrait une forme de clairvoyance ;

De temps à autres encore, un banc symbolique du temps, d’où l’on constate contemplatif sa propre vie ;

La loufoquerie que prend le nouveau tournant d’une vie ;

La présence de loin d’un écrivain, ou au centre de la narration comme par exemple dans « Le Mystère Henri Pick » ;

La même pâte légère comme un impromptu teinté d’humour dans ces petites phrases ou fragments de phrases : « Même au restaurant d’entreprise, où il se rendait régulièrement, la moindre décision lui demandait un effort abyssal. On l’avait parfois vu figé pendant quelques secondes devant le buffet des entrées, happé par la vision des œufs mayonnaise. » (La Vie Heureuse, p.21)

David Foenkinos en 2022 © SYSPEO/SIPA

Je n’ai pu m’empêcher de penser en lisant “La Vie Heureuse” – dans toutes les librairies depuis le mois dernier-, à Bernard de “La Tête de l’Emploi” publié en 2013. Cet homme sans flamboyance qui suite à la rencontre d’une femme, elle-même sans attrait évident, (avec notamment ce même déclic narratif sur un banc après une nuit doucement arrosée) va voir sa vie prendre un tournant inattendu : faire d’une quincaillerie un sex-shop. La fin de “La Tête de l’Emploi” est certes en demi-teinte avec une idylle inachevée. “La Vie Heureuse” serait peut-être à mon sens l’aboutissement moins désinvolte de “La Tête de l’Emploi”…

Un point qui mérite d’ailleurs d’être souligné en termes chronologiques : l’œuvre dont le protagoniste principal porte un prénom, dont David Foenkinos souligne la « singularité », a donc été publié en 2013 quand «Charlotte » a été publié en 2014 : roman retraçant entre autres la vie de l’artiste Charlotte Salomon. Or il se trouve que l’épigraphie de « La Vie Heureuse » rend hommage à cette dernière : « On devait même, pour aimer plus encore la vie, être mort une fois ». Y aurait-il continuité consciente ou inconsciente entre ces 3 ouvrages surtout lorsque l’on sait que « Charlotte » a fait l’objet d’une adaptation pour la Seine Musicale avec Audrey Tautou entre le 19 et le 25 janvier dernier ?

© Gallimard

Un avant-gout narratif du livre et un peu plus que ça…

Éric Kerson, la quarantaine, directeur commercial chez Décathlon, un peu blasé, beaucoup célibataire, accepte la proposition d’une connaissance de lycée, Amélie : rejoindre l’équipe du cabinet du commerce extérieur qu’elle dirige. Serait-ce ça « la vie heureuse » ?

Et bien non, pas encore, il faudra attendre un voyage décisif en Corée. Décisif pour une alliance entre Samsung et notre cher plancher des vaches, décisif pour notre protagoniste Éric. LA VIE où devrait-on plutôt dire LA MORT ? Parce que c’est à l’occasion d’un rite qui fait fureur en Corée du Sud – et ce n’est pas spoiler le récit que de l’évoquer ici puisque Mister Foenkinos en parle sur tous les plateaux TV où il a été invité en janvier dernier (La Grande Librairie ou Quotidien par exemple) – que Mister Kerson fait l’expérience de son enterrement, enfermé dans un cercueil après avoir rédigé sa propre épitaphe, chez « Happy Life ».

Le cercueil, un lieu propice à la réflexion. Ici le réalisateur Adrien Beau décompresse © Adrien Beau

Le cinéma coréen est connu pour son humour noir. Un paradoxe poussé à son paroxysme que David Foenkinos prend étonnamment au sérieux. Confronté lui-même à l’expérience de la mort à l’âge de 16 ans, il renaît alors au travers des livres dont il souligne certaines phrases sensibles avant tout au style des auteurs. La carrière du jeune David trouve probablement là ses racines.

Moi, j’aimerais bien…

Petite demande à David Foenkinos : et si son prochain roman pouvait être consacré à ce « désensorcelleur excentrique », Robert Brault.


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