Bozar vous invite à retourner à Florence au XVIIe siècle, à l’apogée du baroque du 26 Avril au 21 juillet 2023. Plus de 40 œuvres exposées pour la toute première fois en Belgique : de l’influent Jacopo da Empoli aux portraits poétiques et hauts en couleurs de Cesare Dandini, en passant par les relations intimes entre la poésie et la peinture de Francesco Furini.

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Clinquant pourtant raffiné, le Barocco affole nos imaginaires de brocarts chatoyants, de longs drapés indisciplinés et surtout de couleur rouge (couleur qui rappelle la renaissance et le règne des Médicis), de teintes chaudes et enjouées, de l’or, de l’or et encore des cadres qui se l’or joue. Parfois perçu comme une poésie des affects, le style grandiloquent émerge en Italie au XVIIème siècle, et si il est encouragé par l’église pour enjôler les fidèles, il fait aussi la fierté des collectionneurs qui se gargarisent de présenter des œuvres qui exacerbent l’intimité des passions humaines.

Souvent décrit comme l’abandon d’une certaine rigueur classique au profit d’un mouvement plus évanescent, d’une action saisit en plein vol, au dénouement insaisissable, les lignes de force de la toile baroque courbent l’espace (peut être pas autant que la ligne serpentine maniériste, certes) dans une traversée oblique du temps, dans un univers qui se révèle bel et bien héliocentrique.

Le baroque à Florence Vincenzo Dandini, Juno, 17e siècle, huile sur toile ©Collection de la famille Haukohl.

Si on vous parle de peinture baroque, peut-être penserez-vous d’abord à Rubens, Vélasquez, Le Caravage, Van Dyck et bien d’autres. Comment d’ailleurs ne pas évoquer l’affection pour notre putto national, le peintre flamand Pierre Paul Rubens, qui pendant longtemps travailla dans un atelier à Anvers pour nous laisser des merveilles telles que L’Assomption De La Vierge (1626 – Anvers – Cathédrale Notre-Dame) ou les magnifiques huiles sur bois, visibles aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique comme La Chute d’Icare (1640) et Junon Allaitant Hercule (1640). (Le musée compte une soixantaine d’œuvres délicieuses de l’artiste.)

Si on vous parle de Florence, peut-être penseriez-vous à la famille Médicis, ces banquiers
florentins devenus mécènes et protecteurs d’artistes, d’intellectuels, soutenant et participant à la diffusion des arts, de la médecine et de la science.

Soyons honnête, comme titre d’exposition, Le baroque à Florence, c’est très engageant, très séduisant. Immédiatement, on se projette en Toscane, déambulant dans Le jardin des tarots de l’artiste contemporaine Niki de Saint Phalle, à Calpabio, ou à Sienne pour le Palio, une course de chevaux très réputée qui se déroule chaque année, dont l’origine remonte au XIIIème siècle et qui prend racine dans une certaine régulation maitrisée des conflits de quartier, (ce qui n’est pas dénué d’un certain esprit baroque) ou à Pise pour se courber les yeux devant sa tour, à Viareggio pour le côté tapageur du mauvais goût des
stations balnéaires, mais surtout à Florence au Musée Des Offices, à la Galerie De
L’Académie, pour voir et revoir les œuvres majeures de la Renaissance italienne et la
statue du David de Michel-Ange, nous incitant à regarder loin, toujours plus loin, ou peut-être à détourner le regard, qui sait ?

On s’imagine tout de suite dans la région italienne, frappé par le syndrome de Stendhal,
ou en parfaite harmonie avec une nature généreuse et exubérante qui nous lancerait un
clin d’œil perpétuel.

Onorio Marinari (1617-1717) Apollo avec une lyre, huile sur toile ©Collection de la famille Haukohl

Des œuvres de cabinet

La famille Haukohl, établie aux États-Unis mais d’origine allemande, collectionne l’art et la
littérature depuis plusieurs générations. Sir Mark Haukohl (1951-) a passé 35 ans à se concentrer sur l’art baroque florentin et à réunir peintures, sculptures et tapisseries. Bozar présente une sélection de ce qui est probablement la plus importante collection privée en dehors de l’Italie, une collection de niche, complétées par une sélection de création du MNAHA (Luxembourg).

Les tableaux aux formats modestes, qualifiés d’œuvres de cabinet, qui étaient destinés aux intérieurs des grandes familles florentines, accentuent une atmosphère intimiste et tranchent avec le baroque Romain plus tonitruant. Florence développe une approche plus poétique et méditative, se traduisant parfois dans l’élégance des portraits ou la grâce des allégories, motifs religieux et scènes de genre.

Ce qui est intrigant, c’est la continuité agglutinante des différents styles (classique, réaliste, maniériste, baroque…) qui viennent se contredire ou se soutenir à la manière d’un contrapposto, pour mieux s’unir, et ajouter de la force aux phénomènes picturaux, pour mieux saisir le bouleversement d’une époque encore fortement soumise au diktat de l’Église et qui pourtant amorce une émancipation avec à la clé, une compréhension plus scientifique du monde, (tiens, cela ne vous évoque-t-il pas la crise climatique actuelle par hasard ?) et peut-être une volonté de sortir du cadre. N’oublions pas que Galilée (soutenu par les Médicis encore et toujours) est condamnée vers 1630 pour hérésie pour avoir défendu sa théorie sur l’héliocentrisme, avec cette idée sous-jacente que ce n’est plus dieu qui prédomine mais bien l’homme.

L’importance des cadres

Et si il y a bien quelque chose qui sort du cadre, ce sont les cadres eux-mêmes, dont certains sont d’époque mais pas tous. Ils peuvent être admirés au moins autant que les peintures ! Imposants et massifs, un tantinet kitch, on y retrouve les armes de la famille Médicis, mais aussi des putti, des cornes d’abondances, des feuilles d’acanthes, des motifs extrêmement travaillés et également un cadre exceptionnel en lapis-lazuli qui sublime l’Allégorie de la poésie de Felice Ficherelli. Ces cadres témoignent d’une certaine luxure matérielle propre à l’époque, mais aussi intellectuelle, affichant un certain intérêt pour la science, la poésie et la peinture basée sur le disegno.

L’exposition Le baroque à Florence est organisée en trois parties thématiques et chronologiques qui nous invitent à plonger dans la Florence du XVIIème siècle sous le patronage des Médicis. Dans la première section, on peut encore observer l’héritage de la Renaissance et l’influence probante de l’Église avec notamment La Vierge Immaculée Apparaissant À Sainte Hyacinthe, de Jacopo Da Empoli.

La deuxième section présente des œuvres de la famille Dandini (trois générations de peintres) aux influences vénitiennes, mais aussi des peintures avec le souci du détail des étoffes précieuses qui nous donne l’occasion de voir de près le raffinement des textiles issus des manufactures florentines.

La troisième section expose l’un des tableaux les plus connus de Giovanni Domenico Ferretti (1692-1768) Arlequin et Colombine, certainement inspiré par le séjour à Florence du dramaturge Carlo Goldoni (1707-1793) qui illustre deux personnages dans une marche équilibriste galvanisante, symbole d’un nouveau style (Le Rococo ?) et d’un nouveau monde à venir.

Informations pratiques

Le baroque à Florence, la collection de la famille Haukohl – Du 26 Avril au 21 juillet 2023.
Bozar – Palais des Beaux-Arts, rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Ouvert : mardi > dimanche 10 h > 18 h
Nocturnes : chaque dernier jeudi du mois
Fermé : lundi