Le célèbre auteur Philippe Boxho, le médecin légiste qui fait parler les morts, revient dans son dernier livre qui vient de sortir, La Mort en Face, sur les mystères qui entourent la mort de Napoléon.

Illustration: Philippe Boxho sur la couverture de son dernier livre « La Mort en Face » © Éditions Kennes

Si vous ne connaissez pas encore le Docteur Philippe Boxho, voici comment son éditeur Kennes les 3 As, qui ne peut que se réjouir de ses succès à répétitions, le présente : « Médecin légiste et professeur en criminologie depuis plus de trente ans, Philippe Boxho est l’auteur de livres qui ont permis à un très large public de découvrir le monde fascinant de la médecine légale dans sa réalité la plus crue, bien loin de l’image véhiculée par la fiction. 

Le médecin légiste Philippe Boxho décortique les cadavres à livre ouvert © Mathieu Golinvaux

Il nous revient avec un troisième ouvrage dans lequel il n’hésite plus à se livrer en nous contant des histoires vécues, des histoires émouvantes, étonnantes, interpellantes. Son regard acéré sur notre société nous ouvre les yeux sur certains de ses travers et nous invite à la réflexion. Par le biais de ces histoire sur la mort, c’est la vie qui nous apparaît dans toute sa beauté, mais aussi l’humain dans ce qu’il a de plus inquiétant. Du mystère entourant la mort de Napoléon à la fermière noyée par son mari dans une cuve à lait en passant par les dangers du haschich et de l’alcool, il nous immerge plus profondément que jamais dans les coulisses des enquêtes sur les morts accidentelles, les suicides et les meurtres, des plus célèbres aux plus confidentiels. »

Ses deux premiers ouvrages, de grands succès de libraire © Éditions Kennes

Ses livres cartonnent et sont des best-sellers, ses interviews en vidéo font des ravages sur les réseaux sociaux, mais comment cet homme à l’apparence discrète s’est-il lancé dans ce métier particulier qui consiste à faire parler les cadavres ? Il le dit lui-même : « Le hasard. J’avais 18 ans, l’âge où tout est possible, et la prêtrise me tentait beaucoup, j’adorais étudier les évangiles, rencontrer les gens, aider ceux qui en avaient besoin, et je me sentais prêt à m’y engager. Mais j’ai choisi de faire des études de médecine et au terme de ma première année, j’ai croisé l’évêque de Liège, que je connaissais, et lui ai confié que j’avais abandonné l’idée de la prêtrise. Il n’était guère surpris, car, selon lui, ce n’était pas la foi qui m’animait, mais une grande soif intellectuelle. »

Philippe Boxho fait ses analyses à froid © EdA LABEYE Philippe

Napoléon est mort à Sainte-Hélène

Après sa dernière bataille à Waterloo, Napoléon a abdiqué dans le fameux Salon d’Argent du Palais de l’Élysée, le même salon où est mort le 16 février 1899 le président français Félix Faure, dans des circonstance qui ont fait la joie des chansonniers. On se souvient qu’il fut répondu au prêtre appelé en urgence au chevet du président, et qui demandait « Le président a-t-il encore sa connaissance ? », « Non mon père, on vient de la faire sortir par la porte de derrière ». Philippe Boxho rappelle d’ailleurs à juste titre que la Bataille de Waterloo n’a pas eu lieu dans cette commune mais sur le territoire de trois autres communes : Lasne, Braine l’Alleud et Genappe. Mais avouons tout de même que Bataille de Waterloo sonne mieux que Bataille de Lasne.

« C’est le diable qui a chié cette île en passant d’un monde à l’autre. » L’épouse du général Bertrand, au sujet de l’île de Sainte-Hélène

« La mort de Napoléon », tableau de 1828 par Charles de Steuben (1788-1856), collection Arenenberg © Wikipedia Commons

Napoléon était revenu avec audace et éclat de l’île d’Elbe, qui est entre la Corse et l’Italie. Pour qu’il ne revienne plus de son nouvel exil, on l’envoya à l’île de Sainte-Hélène, un rocher au milieu de l’Atlantique Sud, loin, très loin. Et pour être sûr qu’il ne revienne jamais, un décès rapide aurait arrangé pas mal de monde. Alors, Napoléon a-t-il été empoisonné, ou pas ? Philippe Boxho analyse les éléments en sa possession. Rappelons d’abord qu’à son arrivée, Napoléon n’avait même pas de médecin personnel, mais était soigné par le médecin du lieu, le Docteur Barry Edward O’Meara. Comme ce dernier était trop proche du prisonnier, il fut renvoyé par le gouverneur de l’île, Hudson Lowe. Ce n’est qu’en 1819 qu’arriva un médecin envoyé par Madame Mère, Letizia Bonaparte, le Docteur Francisco Antommarchi, un Corse d’origine, a priori de confiance. Il y avait juste un bémol : ce docteur n’avait pas l’expérience de soigner les gens, mais plutôt de les autopsier. Ce que l’on appelle un anatomiste, comme le Docteur Boxho. S’il ne pouvait pas faire grand’chose pour aider son patient, au moins aurait-on droit à une belle autopsie…

« Eh bien Docteur, que vous en semble ? Dois-je troubler encore longtemps la digestion des rois ? » Napoléon au docteur Antommarchi

Le docteur d’origine corse François Carlo Antommarchi (1780-1838) © Wikipedia Commons

Un empereur à la découpe

Napoléon est mort au bout d’une assez longue agonie, le 5 mai 1821. La première autopsie fut réalisée le lendemain par Antommarchi, devant seize personnes (!) au cours de laquelle il découvrira un ulcère qui avait perforé la paroi de l’intestin, mais qui curieusement ne provoqua pas la mort. C’est le foie, proche de la paroi de l’intestin, qui a rebouché le trou formé par l’ulcère, protégeant ainsi Napoléon de la mort. Un cas vraiment exceptionnellement rare ! Par contre Antommarchi ne fut pas autorisé à découper la boîte crânienne de l’Empereur, le général Bertrand s’y opposant formellement, par respect pour le défunt.

Un des nombreux masques mortuaires de Napoléon, celui-ci étant l’authentique réalisé par Antommarchi, exposé au château de Malmaison © Wikipedia Commons

Selon la mode du temps, tout le monde voulut emporter un morceau du cadavre, une relique en quelque sorte. Le cœur et l’estomac furent conservés dans une soupière en argent remplie d’esprit de vin. Des morceaux de côtes et d’intestin furent distribués, et on amputa même le sexe de l’Empereur qui fut offert à l’abbé Vignali ! Cet auguste morceau eut plusieurs propriétaires, le dernier en date étant un urologue américain qui l’acheta aux enchères chez Christie’s en 1972 ; il est aujourd’hui conservé dans un coffre au Columbian Presbyterian Hospital de New-York. Même le drap taché de sang qui servit à l’autopsie fut déchiré en de nombreux morceaux et distribués aux Anglais présents.

« Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire. » Napoléon, faisant allusion au rôle trouble d’Hudson Lowe, le gouverneur de l’île de Sainte-Hélène

Napoléon sur son lit de mort, par Horace Vernet (1789-1863), Musée de la Légion d’Honneur © Wikipedia Commons

Couper les cheveux en quatre

Déjà de son vivant Napoléon distribuait des touffes de cheveux en cadeau, et après sa mort on ne se gêna pas davantage, on se servit abondamment. Le prix de ces cheveux impériaux s’envole en salle de vente, et on va jusqu’à les voler, comme l’an dernier en Belgique. Ce qui est intéressant avec les cheveux, composés de keratine, c’est qu’il gardent les traces des produits toxiques ingérés, alcool et autres. Déjà en 1965 le stomatologue suédois Sten Forshufvud fit analyser des mèches de cheveux impériaux et y trouva « un taux d’arsenic 10 fois supérieur au taux considéré comme normal. , apportant ainsi l’explication au décès de Napoléon mais aussi à l’excellente conservation de son corps. »

La mèche de cheveux de Napoléon volée en 2023 en Belgique chez Madame Véronique Denis-Simon, toujours recherchée contre récompense © tvcom.be

Car oui, le corps s’est bien conservé. Dix-neuf ans après la mort, une expédition française menée par le prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe, est allée à Sainte-Hélène ramener le corps de l’Empereur en France. On déterra le cercueil, et on l’ouvrit pour s’assurer que c’était bien Napoléon. Le corps était très bien conservé, et des personnes de l’expédition qui avaient bien connu l’Empereur le reconnurent immédiatement. Or il est bien connu que l’arsenic favorise le parfait état de conservation des corps. Deux chercheurs, le médecin légiste Paul Fornès, et le professeur de toxicologie Pascal Kintz, ont publié avec deux autres spécialistes un livre intitulé Autour de l’Empoisonnement de Napoléon (Nouveau Monde Éditions, 2001). Pascal Kintz explique que Napoléon a été soumis à une exposition majeure à l’arsenic, une intoxication chronique.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Interview de Philippe Boxho sur Legend :


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