Juste devant l’église de Redu, l’ancien presbytère a connu en 2018 une rénovation de grande ampleur, première étape « pratique » de la réalisation du rêve d’Eric Noulet. Collectionneur d’art éclairé, celui-ci rêvait d’un musée différent, d’un musée où chacun aurait sa place, où chacun trouverait de quoi s’amuser vraiment, et quoi de mieux qu’apprendre en jouant, en touchant, en écoutant, en regardant…

Installé dans un écrin de verdure au milieu de l’Ardenne belge, au centre du village du livre, le « Mudia » a trouvé une place unique entre bouquineries, artisans, restaurants et produits du terroir. Il peut être le but d’une excursion d’un jour, il peut être une sortie lors de vacances de plus longue durée, ou aussi être « la sortie » scolaire par excellence, car ce musée convient à tous, des plus petits aux plus grands. 

Le Mudia présente plus de 300 œuvres d’art originales appartenant à Éric Noulet et d’autres collectionneurs qui l’ont accompagné dans son projet, en prêtant à long terme, des œuvres de très grande qualité. Il présente également quelques fac-similés en haute résolution et diverses attractions interactives ludiques. Bien qu’appartenant à différents propriétaires, cette collection éclectique est présentée de façon remarquablement harmonieuse, en suivant un ordre chronologique.

Le comité « Mudia » a regroupé de plusieurs professionnels reconnus, historiens d’art, muséologue, scénographe, collectionneurs, ainsi que de nombreux bénévoles qui ont travaillé de longues années avant que le musée puisse accueillir ses premiers visiteurs. La cure a été rénové en tenant compte des conditions de conservation optimale des œuvres d’art. Outre les salles d’exposition, on peut se désaltérer à la cafétéria, et même y manger un repas léger, tout en bouquinant les livres d’art que le propriétaire des lieux a laissé à la curiosité du public.

Cafétéria où de nombreux livres d’art sont en libre consultation  – Photo Francine Charles

La visite s’organise par ordre chronologique, un audioguide vous accompagne tout au long de cette ligne du temps de 7 siècles, on peut entendre tous les textes qui accompagnent les œuvres, mais aussi les commentaires de la petite Mudia, posant ses questions à la guide Béatrice. 

La première salle commence avec la Renaissance italienne, où l’on peut admirer les fac-similés de La chapelle Brancacci située dans l’église Santa Maria del Carmine de Florence. Elle a été fondée en 1386 par le riche drapier Piero di Piuvichese Brancacci pour honorer l’apôtre Pierre, son saint patron.

Elle constitue l’un des plus beaux exemples de la peinture de la Renaissance (1424-1428) et elle est le fruit de la collaboration de deux des plus grands artistes de l’époque, Masaccio et Masolino da Panicale, auxquels il faut ajouter la main de Filippino Lippi, appelé pour achever l’œuvre une cinquantaine d’années plus tard.

Dans la même salle, une « Vierge à l’enfant » attribuée à Rogier Van der Weyden, ainsi que « l’adoration des mages » de Pieter Brueghel le Jeune représentant le mouvement des primitifs flamands.

Première salle, la renaissance italienne avec les fac-similés de la chapelle Brancacci, et les peintures de Masaccio – Photo Francine Charles

À la suite des primitifs flamands, et toujours parmi eux, probablement l’attraction ludique la plus réussie du musée. « La tentation de Saint-Antoine » de Jérôme Bosch, peintre flamand, né à Bois-le-Duc, il connut la célébrité de son vivant, il faut d’ailleurs plusieurs fois, copié. Les enfants peuvent à loisir, mettre leurs doigts sur certains personnages et découvrir les animations que ceux-ci enclenchent. La reproduction en haute définition est superbe et les animations énigmatiques, amusantes, poussent à la réflexion.

La tentation de Saint-Antoine de Jérôme Bosch – Photo du musée Mudia

On poursuit la visite avec le maniérisme, et les peintres dans le sillage du Caravage, peintre sombre, violent et scandaleux, il peint les laissés-pour-compte, brigands, pauvres et prostituées. Le Caravage réinvente la lumière et joue des Clairs-obscurs comme nul avant lui. Une peinture d’Artemisia Gentileschi « Marie-Madeleine pénitente » est en elle-même un trésor absolu. En effet, Artemisia a été une peintre reconnue, et même peintre de cour à une époque où pratiquement aucune femme ne pouvait espérer une carrière de dipintore (équivalant à maître artisan).

Puisque femme, elle n’avait pas eu accès à l’académie de peinture, et son père lui offrit un précepteur, Tassi, qui la viola alors qu’elle avait 19 ans. Refusant de réparer sa faute, le père d’Artemisia lui fit un procès devant la cour pontificale. Artemisia dût subir un humiliant examen gynécologique et résister au supplice des sibilli, une torture pouvant briser les os de la main. Rien ne pouvait être pire pour une peintre. Malgré ces épreuves terribles, Artemisia fut redécouverte par quelques féministes et elle a aujourd’hui sa place dans de nombreux musées. Plusieurs peintures ayant d’abord été attribuées à son père ont aujourd’hui été authentifiées comme étant de sa main.

Artemisia Gentileschi 1952-1953 – Marie-Madeleine pénitente – Photo du catalogue du musée Mudia

Survolons la peinture de genre et les natures mortes pour nous arrêter un instant au Rococo qui naquit à la cour de Louis XV, car qui ne serait troublé par « La coquetterie » de Pietro Rotari, une jeune belle se dissimulant juste ce qu’il faut derrière son éventail.

Avec le néo-classicisme, l’art accompagne la mise en avant du patriotisme, des valeurs morales d’une société profondément bouleversée depuis la révolution française. 

Les artistes belges aussi auront leur rôle dans la glorification de leur toute jeune nation. Accompagnant plus ou moins le romantisme mais en prenant néanmoins le contrepied, le réalisme montre aux spectateurs ce que beaucoup ne veulent pas voir. Les modelages de Léopold Harzé ont montré tout au long de sa vie, l’existence pénibles des petits gens, vivant comme ils le pouvaient dans les rues de Liège.

Pour un détour par l’humour, profitons d’une grande vitrine réunissant un grand nombre parmi les plus belles caricatures d’Honoré Daumier, avec une animation expliquant qui est chaque personnage … et quel travers lui a valu de se faire tirer le portrait de la sorte. L’histoire ne dit pas s’ils ont apprécié … ou non.

Caricatures d’Honoré Daumier – Les célébrités du Juste milieu – Photo Francine Charles

L’impressionnisme est bien sûr représenté par quelques grands noms belges dont James Ensor et Evenepoel.  Les enfants pourront se poser un instant et jouer à colorier « un dimanche après-midi à la grande Jatte » avec un pistolet à peinture.

Nous continuons ainsi notre petit bonhomme de chemin avec Mudia et Béatrice, on en survole des dizaines d’années et de nombreux courants Fernand Khnopff et Félicien Rops qui évoluent vers le symbolisme de même que Léon Frédéric (L’aurore) et Léon Spilliaert dont on peut admirer le dessin si célèbre « Ostende ». 

On ne sait plus où poser les yeux, ils s’arrêtent sur les bronzes d’élèves de Rodin, sur des toiles postimpressionnistes, nous voilà parmi les fauvistes. L’art nouveau est également représenté par un impressionnant et magnifique vitrail de Henri-Privat-Livemont. En levant les yeux, on reste béats d’admiration devant ces arabesques magnifiques ; dans lesquelles se font une sirène aux longs cheveux. La lumière traversant cette verrière baigne la pièce dans une atmosphère onirique qu’on ne voudrait jamais quitter.

Magritte, représentant du surréalisme, est également présent avec sa toile « La fissure ». Les mouvements contemporains, qui furent nombreux au lendemain des deux guerres. Les artistes, traumatisés par des conflits sanglants, spectateurs et acteurs d’une société qui devait se reconstruire, en ont profité pour faire exploser les règles académiques et explorer tous les chemins que peut emprunter l’art. Certains le payèrent chers dans le Reich allemand. 

Le milieu et la fin du XXème siècle sont représentés par le pop’art, l’hyperréalisme, et l’arrivée de la bande dessinée et de la photo dans la cour des Grands. Hergé, Franquin, Franz, Manara, et bien sûr, Roland Topor et le chat de Geluck, si drôlement absurde, ou absurdement drôle …

La fin de la visite se passe dans une salle de cinéma où on peut profiter d’un film animé, où Mudia, capturée par deux personnages de Jérôme Bosch, suit le long fleuve de l’histoire de l’art de la Renaissance jusqu’à nos jours. C’est clair, didactique, évident, un sans-faute pour fixer un maximum de connaissances dans la mémoire des plus jeunes, et réveiller les souvenirs des plus grands. 

Le catalogue du musée « Mudia, 7 siècles d’art, 300 chefs-d’œuvre ».

À noter que le musée est également accessible pour les personnes à mobilité réduite.

Des visites organisées peuvent être demandées.

Et les locaux et la cafétéria peuvent être réservés pour vos événements, avec visite du musée si vous le désirez.