Léopold Sédar Senghor…Intellectuel, militant, écrivain, l’homme d’Etat revêt de nombreux titres et celui de passionné d’art demeure incontestable. C’est à cet homme que le musée du Quai Branly à Paris rend hommage, à l’homme sensible au talent sous toutes ses formes.

Né en 1906 à Joal près de Dakar, Léopold Sédar Senghor s’éteint en 2001 dans le Calvados. Figure emblématique de son pays natal le Sénégal mais aussi de la France où il occupe le siège de ministre puis d’académicien à l’Académie Française en 1983, Léopold Sédar Senghor devient le premier président de la République du Sénégal de 1960 à 1980. Fervent auteur et défenseur de la Négritude, le président-poète, comme il se fait appeler, place la culture au centre de sa politique : “ (…) une communauté sans culture est un peuple sans êtres humains ».

Il partage aussi l’avis de son ami et confrère Aimé Césaire qui dit : “La culture est au début et à la fin du développement”.

C’est parce que la culture raconte l’histoire de l’humanité qu’elle doit être représentée, échangée et dialoguée. Il est question de brassage et de métissage des cultures comme l’explique Mamadou Diouf, co-commissaire de l’exposition et professeur d’études africaines et d’histoire à l’université de Columbia à New York :

« Les interventions de Senghor sont des interventions qui se préoccupent de ce qu’il appelle la condition humaine, la nécessité de réinventer un humanisme, un humanisme plus moderne, qui met l’ensemble des contributions humaines ensemble, ce que son ami Césaire appelait le rendez-vous du donner et du recevoir. Ce moment qui permet à l’humanité de dépasser l’ethnicité. Senghor et ses amis étaient contre la théorie du sang et la théorie du sol, au profit d’une théorie de l’homme”.

Dans cette perspective, Senghor évoque l’universalité et place l’Afrique au cœur de cette réflexion.

L’Afrique sur la scène du monde ?

L’exposition Senghor et les arts – Réinventer l’universel est une invitation au voyage sur des terres lointaines, des terres africaines, des terres sénégalaises. Ce parcours, en plus de présenter l’art sous différents angles à travers des poèmes, des discours et des peintures provenant de plusieurs pays du continent africain, met en évidence la pensée senghorienne.

Et l’Afrique sur la scène mondiale est l’un des fondements de cette pensée. Il n’est pas sans rappeler le premier festival mondial des arts nègres de 1966 à Dakar, organisé à l’initiative de l’écrivain qui consistait à :

« (…) parvenir à une meilleure compréhension internationale et interraciale, d’affirmer la contribution des artistes et écrivains noirs aux grands courants universels de pensée et de permettre aux artistes noirs de tous les horizons de confronter les résultats de leurs recherches ».

Affiche du Premier Festival Mondial des Arts Nègres, 1966©Artetcommunicationsblog

Le but de l’événement est de reconnaître l’implication des arts noirs et particulièrement africains dans le développement et le progrès de la civilisation, de l’humanité. Cette manifestation sans précédent de portée internationale fait se déplacer des personnages importants tels que les écrivains André Malraux et Aimé Césaire ou encore Joséphine Baker et Aminata Sow Fall. Les participants assistent à des représentations artistiques plurielles avec de la musique, des arts-plastiques, de la littérature et de la danse. C’est le musée Dynamique construit et inauguré pour l’occasion qui les accueille. Le festival qui a pour thème “ Art nègre : Sources, Évolutions, Expansion” rejoint le Grand Palais à Paris la même année avec 50 000 visiteurs.

Mise en lumière des arts africains anciens et contemporains

Au fil de l’exposition, le spectateur retrouve des artistes qui avaient déjà participé au festival des arts nègres. Ibou Diouf repéré par Senghor y est à nouveau présenté. Il est d’ailleurs le dessinateur de l’affiche du festival. Son talent l’a amené à décorer le Théâtre national Daniel Sorano et l’a élevé au rang de directeur adjoint de la Manufacture nationale de tapisserie de Thiès, deux monuments initiés par Senghor. 

On comprend au regard des créations la volonté de montrer les arts africains anciens et contemporains et que cette volonté germait depuis longtemps dans l’esprit d’artistes et d’écrivains noirs. L’exposition montre les prémices du mouvement engagé dès 1930 et poursuivit à Paris en 1956 avec le premier congrès international des artistes et écrivains noirs

L’exposition se divise en six parties qui retracent des périodes charnières de cette mise en lumière par Senghor et les personnes qui l’accompagnaient dans ses idées et la réalisation de ses projets. 

Sarah Ligner, l’une des commissaires de l’exposition et conservatrice du patrimoine au musée du Quai Branly précise qu’ :

« Il ne s’agit pas d’une exposition biographique, nous avons voulu donner à voir combien la place de la culture et des arts était essentielle dans le cheminement intellectuel de la politique de Senghor ».

Bien que Senghor ait eu des détracteurs au lendemain de l’Indépendance sénégalaise, son idéologie semble mieux comprise aujourd’hui.