Chaque édition du Wahff (Waterloo Historical Film Festival) est toujours un très grand moment dans la vie culturelle de Waterloo. Cette année encore, pour la douzième édition, le public a pu profiter d’une programmation de grande qualité, tant au niveau des films présentés, que des documentaires ou encore des nombreuses activités liées à la programmation. Et il ne s’est pas trompé en accordant son prix au film « Louise Violet » d’Éric Besnard. Une merveilleuse expérience ! Le film sortira le 6 novembre 2024 en salles.

L’histoire

En 1889, Louise Violet, est envoyée dans un village reculé du Puy-de-Dôme. Sa mission est d’installer une école, et de propager l’enseignement laïc, gratuit et obligatoire. Le moins que l’on puisse dire est que cela ne sera pas facile pour elle. Le maire du village ne voit pas l’intérêt d’apprendre aux enfants à lire, écrire et calculer. Joseph se montre méfiant, dans un premier temps tout comme le reste du village. Le village aussi se méfie de l’étrangère, et plus encore lorsqu’on apprend que celle-ci est une ancienne communarde. Néanmoins, elle se bat pour faire « venir les enfants à l’école », et leur transmettre une vraie envie d’apprendre, de s’instruire.

Alexandra Lamy, parfaite dans le rôle de Louise Violet © Cinéart

Un contexte particulier

L’histoire de « Louise Violet » se passe dans une période très particulière et qui fait partie de la mémoire collective française. En 1871, la Commune de Paris marque le soulèvement de la population qui rejette les conditions de la capitulation acceptées le 28 janvier par le Gouvernement d’Adolphe Thiers pour mettre fin à la guerre avec la Prusse et les États allemands (perte de l’Alsace et de la Moselle et versement d’une lourde indemnité), et craint le rétablissement de la Monarchie. Il s’agit d’un soulèvement essentiellement ouvrier.

Les campagnes françaises à la fin du XIXe siècle © Cinéart

Selon l’historien Alain Gouttman, les communards « n’en incarnent pas moins, dans la mémoire collective, une grande cause, la plus grande de toutes peut-être : celle d’une société jaillie du plus profond d’eux-mêmes, où la justice, l’égalité, la liberté n’auraient plus été des mots vides de sens. Une utopie ? En tout cas, une grande espérance qui les dépassait de beaucoup, et dont ils furent à la fois acteurs et martyrs ». Jamais un mouvement aussi bref dans le temps n’a pris autant de place dans l’imaginaire collectif. Les femmes ont payé de leur personne, et se sont politisées. D’ailleurs, on ne peut s’empêcher de retrouver certains traits de Louise Michel, dans le personnage « Louise Violet ».

Éric Besnard à la manœuvre, dans un champ situé entre Saint-André-de-Chalencon et Saint-Julien-d’Ance, en Haute-Loire © Photo Progres Remy Perrin / Cinéart

Les communards sont amnistiés en 1879 de façon partielle, et complètement en 1880. En 1889, l’héroïne du film est envoyée dans un village reculé, où elle est chargée d’installer une école, et de diffuser l’instruction aux petits paysans. Le réalisateur du film, Éric Besnard dit dans une interview que « les paysans n’attendaient pas ces missionnaires laïcs ». Dans les campagnes, les curés ont encore une grande place, la religion est toujours très ancrée dans la population française.

Louise Violet, un « hussard noir de la république » © Cinéart

« Mon inspiration c’est le modèle républicain »

Le réalisateur du film, Eric Besnard a choisi de traiter l’arrivée de l’école républicaine dans les villages français. Avant de faire du cinéma, il a travaillé dans le milieu politique où il s’est occupé du rapport entre l’éducation et la télévision. Il a par ailleurs en projet, un triptyque sur le modèle français et les valeurs de la France. Avec « Louise Violet », il a voulu aborder le sujet de l’arrivée de l’école dans les campagnes. Mais au lieu d’utiliser un personnage de « hussard noir de la république », il a préféré choisir une femme institutrice.

Une institutrice pas toujours bienvenue mais qui a su gagner les cœurs © Cinéart

L’expression « hussard noir de la république », nous la devons à Charles Péguy, non seulement à cause des uniformes des élèves instituteurs constitués d’une redingote, d’un pantalon et d’une casquette noirs. Leur mission était non seulement d’apprendre à la population des matières comme le français, l’arithmétique, la géographie et l’histoire de la France, etc. mais aussi ils devaient aussi se charger de l’éducation civique, et de faire de leurs élèves, de bons citoyens pétris de valeurs républicaines.

La dure vie des campagnes © Cinéart

Alexandra Lamy, toute en nuances

L’actrice française incarne ici un rôle de femme puissant, complexe. Elle donne à son personnage une vraie dimension tragique, grâce au récit de son passé, que le public découvre par petites touches. Mais, elle donne à Louise, une force incroyable. C’est grâce à elle que le film a aussi une dimension « feel good ». En effet, Louise se bat avec acharnement pour installer son école, d’abord dans une étable, où elle doit loger également. Elle reprend goût à la vie grâce aux enfants qui viennent suivre la classe.

L’actrice de 52 ans confirme son grand talent © Cinéart

Acteur fétiche d’Éric Besnard : Grégory Gadebois

Pour donner la réplique à Alexandra, il fallait un acteur inspiré, et Grégory Gadebois était à la hauteur, sans conteste. Quand il parle de son personnage, Joseph, maire du village, mais illettré, il dit : Il est un peu réticent à l’idée qu’une institutrice s’installe au village, il n’aime pas le changement, mais il est obligé de l’accepter. Et dans un premier temps, il ne se gênera pas pour faire sentir à l’institutrice qu’elle est indésirable. Pour lui, les enfants ne vont pas à l’école, et c’est bien comme ça.

Alexandra Lamy et Grégory Gadebois © Cinéart

Mais peu à peu, il change d’opinion, c’est un homme bourru, mais pas borné. Il montrera même son désir d’apprendre à lire. Joseph est un personnage fort, solide, mais tendre, même s’il le cache bien. C’est aussi un homme capable d’évoluer, et surtout, un homme bon et compréhensif. Éric Besnard a déclaré lors du gala d’ouverture du Wahff, qu’il avait écrit le rôle de Joseph pour Grégory Gadebois, et à la vision du film, c’est évident. C’est du sur mesure.

La Petite École dans la Prairie, une grande mission éducatrice © Cinéart

Entre des prises de vue magnifiques, des acteurs qui ont endossé leurs personnages avec un grand talent, et tellement de justesse, et un scenario prenant, qui pousse à réfléchir, et aussi positif sans optimisme béat, ce n’est guère étonnant que « Louise Violet » ait remporté le prix du public du festival. C’est un film qui devrait inspirer les professeurs, notamment d’histoire, pour organiser une sortie scolaire, servant de base à d’intéressants échanges.

Le site du WAHFF, Waterloo Historical Film Festival

Bande-annonce en FR :


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