Mads Mikkelsen dans « Kingsland », ou l’ambition inflexible
Un incroyable Mads Mikkelsen dans le rôle d’un bâtard à l’ambition inflexible, qui est prêt à tout pour venger l’infortune de sa naissance, mais qui finira par découvrir l’humanité qui est en lui. Une histoire du XVIIIe siècle qui nous parle d’aujourd’hui. « Bastarden », « Kingsland » ou « La Terre Promsie », différents titres pour un même film admirable.
1755 à Copenhague, il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark. Le roi Frédéric V est un alcoolique, grand fréquentateur des bordels. Il laisse son Grand Maréchal de la Cour le comte Moltke gouverner, mais il y a un projet qui lui tient à coeur: le développement de l’agriculteur dans les landes du Jutland, cette péninsule du Nord du Danemark, au sol sablonneux et aride. Un homme se présente qui est prêt à relever le défi de mettre en valeur ce sol ingrat, le capitaine Ludvig Kahlen. Sans appuis, sans fortune, seule son ambition démesurée lui tient d’atout. S’il réussit il veut un titre de baron, un manoir, des domestiques. Il ira défricher ce désert pour le roi, ce sera le « Kingsland », avant de devenir une « Terre Promise » pour les colons qui viendront prendre la relève du capitaine. Mais il va se heurter à celui qui règne en maître sur la région, le riche et odieux comte de Schinkel.
On verre bientôt que cette ambition à laquelle il est prêt à tout sacrifier vient des circonstances de sa naissance. Il est le fils d’une domestique et du maître du château, un comte qui violait les plus belles de ses servantes. Mads Mikkelsen joue le rôle d’un bâtard, et il est comme à son habitude bluffant. Mais au fil du temps son attitude inflexible, prête à sacrifier tout et tout le monde à la réalisation de son projet, se frottera à l’humanité des gens qui l’entoure, et il s’humanisera à son tour à ce contact. C’est une magnifique évolution qui redonne espoir à laquelle nous assistons.
Mais ne nous berçons pas d’illusions, le monde du milieu du XVIIIe siècle est dur, sévère et très hiérarchisé. Les riches toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres. Les droits des femmes, des étrangers, n’en parlons pas. Ou plutôt si, parlons-en, car le film nous illustre crûment les réalités du temps, et autant dire que cela ne rigole pas. D’ailleurs le film est interdit au moins de seize ans en Belgique, ce qui en dit long. La violence est une manière de gouverner et de soumettre les êtres à tous les niveaux de la société.
Le film admirablement réalisé par Nikolaj Arcel est l’adaptation d’un roman de Ida Jessen, Le Capitaine et Ann Barbara, sorti en 2020. Comme quoi, lorsqu’une histoire est bonne il ne faut pas attendre longtemps avant de la voir adaptée pour le grand écran. Les clairs-obscurs éclairés à la bougie, les landes sauvages, les sombres forêts et les magnifiques salons des châteaux créent dans ce film une atmosphère féérique en total décalage avec la dureté des situations. La chance pour les Belges est de voir le film en version originale danoise, ce qui nous plonge directement dans le bain de ces contrées désolées du Nord battues par le vent. Rebondissements à répétition et situations émouvantes nous entraînent dans un tourbillon de sentiments qui font de ce drame historique un film à ne pas rater. Allez-y.
Bande-annonce en danois, sous-titrée en français:
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