Charleville-Mézières, jolie ville des Ardennes françaises, à quelques kilomètres de la frontière belge, est connue pour sa place magnifique, son architecture typique, mais aussi pour être la ville de naissance d’Arthur Rimbaud, l’un des plus grands poètes de la littérature française.

Alain Bozetti est galeriste, un vrai amoureux de l’art. Parler avec lui, c’est ouvrir un nombre incroyable de portes sur le monde des artistes. Après avoir lancé le concept de déplacer l’art dans les rues de Sedan, il organise cet été, l’exposition Matinée d’ivresse consacrée au poète.

Les rues de la cité carolomacérienne sont hantées par le fantôme d’Arthur Rimbaud, l’homme aux semelles de vent. Des fresques et peintures magnifiques ornent les rues de la ville ardennaise. 

Afin d’apporter sa contribution à la mémoire du poète, Alain Bozetti a proposé à plusieurs artistes qu’il expose régulièrement, d’illustrer la figure de « l’homme aux semelles de vent ». De très nombreux visiteurs venant régulièrement arpenter les rues de Charleville à la recherche du grand poète, il a donc semblé judicieux au galeriste de proposer une exposition regroupant diverses œuvres plastiques, inspirée par ce jeune homme rebelle.

Champ libre a donc été donné aux artistes afin d’exprimer ce que Rimbaud leur inspirait.  Il était très intéressant de voir de quelle façon cette figure de la jeunesse éternelle et résolument rétive allait ressortir sous les pinceaux de ces plasticiens ô combien talentueux.

La photo mythique d’Etienne Carjat

La première salle est occupée par les œuvres d’artistes contemporains, habitués des cimaises des galeries Stackl’r.

Il est certain que la célébrissime photo de Carjat, représentant un Rimbaud adolescent évanescent, fixé dans une jeunesse éternelle, est omniprésente dans cette exposition. Elle a été tellement représentée et déclinée sous d’innombrables formes, qu’elle en est devenue iconique. Restait à savoir, et surtout à voir, ce que ces artistes allaient pouvoir y ajouter.

Très inspirée, la talentueuse Sylvie Le Treut nous offre deux visages de Rimbaud à l’encre de chine et brou de noix, dont les arrière-plans évoquent à la fois les pérégrinations d’Arthur dans la campagne ardennaise, et ses lointains voyages. Les dessins de Sylvie expriment également l’âme tourmentée, ses mouvances, ses errances et ses incertitudes.

Jean-Luc CURABET, Je est un autre 2015 de la série les Âmes Égarées. Technique mixte photographie et acrylique, technique mixte sur aluminium.

L’œuvre surprenante de Jean-Luc Curabet Je est un autre, nous projette dans les niveaux superposés de l’énigmatique poète, dont le portrait incrusté sur une plaque d’aluminium prend un relief particulier, rehaussé par des aplats de peinture émeraude, et un trait dont on se demande comment la simplicité a peut évoquer Rimbaud avec tant d’exactitude.

Le printemps de Rimbaud de L8zon explose en vives couleurs emmenées par les riches teintes de papillons bleus. Largement inspiré par le street art, la peinture de L8zon projette une vision résolument onirique

©L8zon

Quant à Thierry Podvin, il nous laisse deux visages de Rimbaud et Verlaine, aux traits étonnamment réalistes, et aux savants jeux de couleurs, d’ombres et de lumière. Le regard de l’un, éternel rêveur aux iris si clairs (on sait pourtant que le photographe Carjat avait éclairci les yeux de son modèle à l’aiguille, car il avait jugé ses prunelles trop sombres), le regard inquiétant de l’autre qui pour l’éternité restera celui qui tira sur son jeune amant trop indépendant, qui voulait le quitter. Usant de glacis, une technique qui nous vient du fond des siècles (puisqu’utilisée pour la première fois par les Primitifs flamands), et qui consiste en une superposition de couleurs presque transparentes, les visages de Thierry Podvin atteignent une finesse et un éclat presque surnaturels.

Alain Delatour a fixé le fameux portait sur un vieux canevas, lui donnant un nouveau relief, tout comme il fait sur sa peinture en bois mobile.

Marc Colonna d’Istria a lui aussi livré une Roue de la Fortune inspirée par Rimbaud. Cette grande roue que l’on peut faire tourner à l’envi explore tous les aspects de la vie de Rimbaud. Il ne se limite pas à sa période « poète », mais évoque tous les horizons qu’a tenté d’atteindre Arthur, toujours en fuite, toujours insatisfait, jusqu’à son décès à trente-huit ans dans un hôpital de Marseille.

Hommage à Gabor Breznay

La seconde salle est consacrée à un hommage à l’œuvre de Gabor Breznay. Le peintre, récemment disparu, avait un amour tout particulier pour l’Ardenne et avait, en son temps, consacré une série d’œuvres qu’il réalisa dans la région.

Ses dessins, unissant l’aquarelle et l’encre, sont réunis dans une série « planètes ». Inscrit dans des cercles, il représente des oiseaux délicats, des feuilles aux teintes étonnantes, tout en délicatesse. La faune et la flore inspiraient particulièrement cet artiste, fortement sensibilisé à la protection de l’environnement.

Une autre série « planètes » est également consacrée à Rimbaud, et à Charleville. Il s’est inspiré pour cela des tableaux de Fantin-Latour, Vallotton ou Forain.

Les œuvres de Gabor Breznay sont accompagnées ici de poèmes de Lora K. Celle-ci en a écrit plusieurs, chacun consacré à une des aquarelles du peintre. Les visiteurs seront invités à lire ses poèmes et à retrouver le dessin qui l’a inspiré. Un jeu qui obligera chacun à ne pas seulement se contenter de regarder, mais plutôt à observer ce que l’artiste a mis sous nos yeux.

Informations pratiques

Exposition Matinée d’ivresse vous est présentée à la galerie Stackl’r jusqu’au 2 septembre 2023. 

Adresse : Quai Rimbaud, 4 à Charleville-Mézières 

Informations : alain.bozetti@galeriestackl’r.com