Bozar célèbre les quarante ans de la carrière artistique de l’artiste belge Michel François, un des principaux artistes contemporains de Belgique, ou du moins l’un des principaux à qui l’on accorde beaucoup de crédit et de moyens. L’architecture du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles est le point de départ de l’élaboration d’une « œuvre d’art totale et protéiforme » où la matière semble cruellement maltraitée, au cœur d’un paradoxe qui nous fait osciller entre rejet et consentement. Ou sommes-nous devenus consentants face à nos propres rejets ?

Matière Martyre

À plusieurs reprises, l’artiste de 67 ans emploie le mot martyr. Un dessin abstrait est creusé dans l’épaisseur du mur, dont les traces poussiéreuses (de bois) demeurent bien visibles au sol. Aussi parle-t-il de lent supplice au sujet d’un bloc de sel sur un bloc d’asphalte, qui se décompose en direct sous l’action de l’eau, qui ruisselle par petite goutte, lentement mais  sûrement, dissolvant et creusant le sel. Michel François a fait venir ce beau caillou  d’Allemagne, d’une usine qui broie le sel pour recouvrir et dégeler les routes.  

Un peu plus loin dans la salle, le visiteur se retrouve face à La Messe De Saint-Grégoire,  un tableau datant du 15e siècle attribué au Maître de Flémalle (collection des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique) où l’on peut observer le Christ en souffrance. Une grande photo derrière ce mur saisit l’instant où deux personnes sauvent les livres de leur bibliothèque après un tremblement de terre à la Havane. 

Dans la salle des hétérotopies, l’artiste présente une « porte de prison qui s’est évadée »  mais également une pierre bleue heurtée par des gouttes de vinaigre, acide beauté de  sel. 

Dans la salle des abandons, Michel François parle « d’abandonner toute idée de talent »  pour mettre en évidence des gestes apparemment anodins, comme le fait de bâiller, de se laver les mains, de souffler dans un ballon, de plier, exprimant ainsi le renoncement à tout impératif de création. Aussi préfère-t-il observer le comportement du bronze lorsque celui-ci, dans une fonderie, déborde du creuset et se répand au sol, créant ainsi un choc thermique et une certaine vibration agonisante de la matière que l’on pourrait traduire de splashes.

Faire confiance à la matière et à sa capacité de transformation.

Michel François

Dans la dernière salle, des tubes en verre argenté sont alignés et piétinés en leur centre marquant la trace d’un passage destructeur dans une matière qui n’en finit pas de se déformer. 

Contre-nature, ce sont plus de cent œuvres issues de quarante ans de pratique qui dialoguent dans une certaine cohérence, d’un homme attentif aux phénomènes simples et naturels de la vie quotidienne.

Informations pratiques

Du 16 mars au 21 juillet 2023. BOZAR

Tickets : € 14 ( Réductions sur www.bozar.be)  

Ouvert : Mardi → dimanche, 10 h – 18 h  

Nocturnes : chaque dernier jeudi du mois 

Fermé : lundi 

Info & tickets – www.bozar.be +32 (0)2 507 82 00