Si dans la culture populaire le sapin de Noël est indissociable de la fête du même nom, il n’en a pas toujours été ainsi, et peut-être n’en sera-t-il pas ainsi à l’avenir. Tentons de remonter à l’origine d’une tradition relativement récente.

Le sapin des Anciens

Le sapin est en lui-même un symbole de vie éternelle puisqu’il ne perd pas ses aiguilles pendant l’hiver. Image de la Force et de la Beauté, il reste vert tout au long de l’hiver, alors que ses congénères feuillus se dénudent pendant de longs mois. C’est en toute logique qu’il a été célébré pour ses vertus de toute antiquité, et l’on sait que les Anciens déposaient des offrandes aux pieds des sapins pour les honorer. Évidemment il ne s’agissait pas d’un sapin de Noël, mais l’idée du sapin symbolique est déjà là en germe. Il y a eu de nombreuses tentatives au fil des derniers siècles pour s’approprier les origines mythiques du sapin de Noël, notamment en Allemagne, pour encourager l’unité allemande à l’aide de ce lien supposé commun à tous les Germains.

Saint Boniface de Mayence fait abattre le Chêne de Thor © Wikipedia Commons

Les Chrétiens ont d’ailleurs riposté avec la légende de Saint Boniface de Mayence (675-754), évangélisateur des Germains : Saint Boniface voulait convaincre des druides des environs de Geismar (Thuringe, Allemagne), que le chêne n’était pas un arbre sacré. Il en fit donc abattre un, le Chêne de Thor. En tombant, l’arbre écrasa tout ce qui se trouvait sur son passage à l’exception d’un jeune sapin. À partir de là, c’est la légende qui entre en jeu. D’après elle, Saint Boniface aurait fait de ce pur hasard un miracle, et comme il était en train de prêcher la Nativité, il en profita pour déclarer : « Désormais, nous appellerons cet arbre, l’arbre de l’Enfant Jésus. » C’est ainsi que depuis, on planta en Allemagne de jeunes sapins pour célébrer la naissance du Christ, rédempteur et symbole du nouvel Adam; l’arbre de Noël s’oppose donc à l’arbre dont Adam mangea le fruit, image de la chute originelle. D’après une variante de cette légende, Saint Boniface essaya d’introduire l’idée de la Trinité chez les tribus païennes en se servant de conifères et de leur apparence triangulaire.

Premières apparitions prouvées au XVe siècle

Les premières traces historiques de sapin de Noël sont apparues en Alsace, en Forêt Noire et en Livonie. A cette époque on parle aussi de « mai de Noël » ou « mai d’hiver », allusion à l’arbre de mai qui était déjà planté depuis des siècles au mois de mai pour célébrer le retour de la verdure dans la nature. La tradition du Meyboom à Bruxelles est attestée depuis l’an 1308, et se perpétue encore de nos jours. À Bruxelles c’est une guilde (association) qui s’occupe de perpétuer la plantation de l’arbre de mai. De même, ce sont des guildes qui ont débuté il y a des siècles les premières plantations connues.

Noël en famille au XIXe siècle © DR

En 1419 c’est une guilde de Fribourg-en-Brisgau, ville de la Forêt-Noire en Allemagne, qui porte en procession un sapin décoré de pommes, gaufrettes, pain d’épices et guirlandes installés à l’initiative des garçons-boulangers de l’hôpital du Saint-Esprit. Il est précédé d’un énorme craquelin. À l’arrivée on secoue le sapin pour que ses décorations tombent et que les pauvres de la ville puissent se servir et les manger. En 1442 c’est à Réval en Estlande (aujourd’hui Tallinn en Estonie) qu’un sapin est planté devant la maison communale et les gens dansent autour. Deux ans plus tard un étendard décoré de houx et de lierre est planté sur une place de Londres. A Riga en Livonie (aujourd’hui Lettonie) on dresse un sapin pour le Solstice d’Hiver de l’an 1510. Et ainsi de suite.

Le sapin de Noël moderne

Une première tentative d’introduire le sapin de Noël dans les cours royales est effectuée en 1738 à Versailles par la reine de France Marie Leszczynska, l’épouse d’origine polonaise du roi Louis XV. Elle fait royalement décorer un sapin, mais cela ne semble pas intéresser le roi. Qu’à cela ne tienne, elle continuera chaque année, toujours sans succès. La sapin de Noël reste encore une affaire qui occupe surtout les habitants de l’Europe Centrale. Le premier tableau connu représentant un sapin de Noël date des années 1760 et a été réalisé à Darmstadt par le peintre allemand Nikolaus Hoffmann. Comme vous le voyez dans l’illustration, c’est plutôt une branche de sapin, mais les décorations, les lumières et les cadeaux sont là, le sapin est le centre de l’attention, on y est ! Notre sapin est attesté.

La Veillée de Noël, par Nikolaus Hoffmann, années 1760 © Wikipedia Commons

Le sapin n’a d’ailleurs pas l’exclusivité de cette fonction puisqu’en Grèce, pays de marins, c’est aux pieds d’une barque de Noël miniature que les cadeaux sont déposés. Le roi Othon Ier, d’origine bavaroise, monté sur le Trône de Grèce en 1833, a apporté dans ses bagages la tradition du sapin venue d’Europe Centrale. Les deux traditions se télescopent aujourd’hui en Grèce.

Au XIXème siècle « l’arbre à bougies » se répand dans toute l’Europe et en Amérique du Nord. Il est au début le privilège des classes aisées et des familles royales, mais au fil des ans il se popularise de plus en plus. Jusqu’à devenir de nos jours un symbole des fêtes de fin d’année, s’éloignant même du lien originel qu’il avait avec la fête de Noël. Si traditionnellement le sapin était décoré dans les familles la veille de Noël, le 24 décembre au soir, il apparaît de nos jours parfois dès le début du mois de novembre dans les vitrines des commerces. Son caractère laïque est affirmé, et il n’est pas rare de le trouver aujourd’hui dans des familles juives ou musulmanes, preuve de la distance prise avec la fête de Noël proprement dite. Le grand public adopte de plus en plus l’attitude de l’Église qui n’a jamais considéré le sapin de Noël comme une tradition religieuse à proprement parler. La crèche sous le sapin, elle, est une affirmation chrétienne, mais ceci est un autre débat.

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