L’Aîné et la Montre en Or, de Philippe Soreil et Philippe Kriwin
Un thriller psychologique et philosophique, L’Aîné et la Montre en Or est une histoire haletante qui nous entraîne de la Sicile à la Chine en passant par Bruxelles, un premier roman de Philippe Soreil et Philippe Kriwin qui nous parle de nous, de nos forces et de nos faiblesses, et nous donne de l’espoir.
Voici un roman riche en rebondissements et qui part dans de multiples directions. Horizontalement, il nous entraîne dans de nombreux lieux géographiques, de la Sicile d’où sont originaires plusieurs des personnages principaux, à la Belgique où leurs familles ont émigrées à la recherche d’un avenir meilleur. La Chine enfin, promesse d’un futur plus brillant encore alors que les lumières de la Vieille Europe pâlissent.
Verticalement, nous voyageons de haut en bas avec le héros qui s’enfonce dans des problèmes terribles jusqu’à toucher le fond du fond, mais repartira de bas en haut dans une longue reconstruction de sa personnalité, avec le succès au bout du voyage. On voyage aussi de l’intérieur vers l’extérieur, ce qui est le propre de ceux qui ont le « côté gauche » comme dit Philippe Kriwin, et aussi de l’extérieur vers l’intérieur pour ceux qui en sont dépourvus.
On voyage en diagonale, en sortant des chemins battus, à la recherche du Graal, de « La Montre en Or ». Enfin on voyage dans le temps avec des flash-backs sur les éléments constitutifs de la personnalité des personnages. Que de mouvements pour un héros qui se retrouve à un moment paralysé !
Ce roman a été écrit par Philippe Soreil, journaliste, animateur et présentateur de la télévision belge, réalisateur de films documentaires de long-métrage, dont c’est ici le premier roman. L’idée de ce livre et les théories qui y sont exposées sont de Philippe Kriwin, un entrepreneur qui a vécu à Paris et New York, et qui fort de ses expériences de vie enrichissantes a voulu partager avec le plus grand nombre sa vision du Monde.
Philippe Kriwin développe dans ce roman une théorie originale, celle de la « Gravité Emotionnelle ». Dans une très intéressante interview sur YouTube il explique : « Il y a deux catégories de personnes : celles qui sont plus intérieur-extérieur, et celles qui sont davantage extérieur-intérieur. Les premières ont plus d’aisance, plus d’amplitude dans les mouvements, qui sont plus déliées dans leur façon de se comporter, d’être, de se mouvoir. À contrario, les gens qui sont plus extérieur-intérieur sont mus par une force qui leur donne de la tension, qui les empêche d’être libres et d’être déliés comme le sont les intérieurs-extérieurs. Cela dépend de la manière dont on est séparés psychiquement de la mère à la naissance. Plus on est psychiquement séparé de sa mère à la naissance et plus on sera intérieur-extérieur. »
Nous sommes là dans le lien mère-enfant, si cher aux psychologues. D’ailleurs les psys jouent un rôle très important dans ce roman. Il faut clairement couper le cordon ombilical, et pas seulement physiquement à la naissance, mais savoir acquérir son indépendance psychique par la suite. La mère joue bien sûr un rôle dans la manière dont elle se comporte vis-à-vis de son enfant, en l’étouffant ou pas, mais un autre élément est primordial dans la capacité de l’enfant lui-même à couper ce lien, ce serait sa position de premier-né.
Philippe Kriwin explique : « Chez le premier-né, le vrai premier né (note : c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de fausses couches ou d’avortements avant), le côté gauche dans l’embryon devient intérieur-extérieur et donc il offre des avantages. »
Cette capacité à se protéger de l’envahissement maternel, et des envahisseurs de la vie en général, est appelée ici « les filtres », et il faut en avoir de bons pour garder un bon équilibre.
La femme devenue mère développe elle aussi cette aisance que l’auteur appelle chez elle le « côté droit », et elle peut transmettre à ses enfants les bons filtres, les bonnes protections. Toutefois, dans les sociétés économiquement avancées, les mères sont inconsciemment persuadées que leurs enfants sont mieux protégés par la société nantie dans laquelle ils sont nés, et ne construisent pas pour eux, instinctivement, de bonnes protections.
Ces avantages d’aisance psychologique, ces filtres, peuvent être perturbés chez la mère ou l’enfant premier-né, à partir du moment où on pénètre dans leur intégrité physique ou psychique. Quand ce déséquilibre s’arrête, le côté intérieur-extérieur peut se reconstituer, plus ou moins rapidement en fonction du traumatisme subi.
Sur le site Citizens of the World que Philippe Kriwin a fondé, il précise: “La prise de conscience de certains phénomènes psychiques et de leurs mécanismes, communs à tout le règne vivant, pourrait permettre de diminuer, voire éliminer les discriminations et les violences qui en découlent. »
La théorie de la Gravité Émotionnelle de Kriwin fait écho en moi à une autre théorie, celle de l’alchimiste Patrick Burensteinas, qui soutient que Newton en parlant de la force de gravité ne voulait pas dire que tous les corps s’attirent mais que tous les corps sont repoussés par une force. Nous les humains nous marchons sur Terre et nous ne volons pas dans les airs car nous sommes poussés vers le sol par une force de l’Univers appelée la Vraie Lumière, et non pas parce que nous sommes attirés par la force de Gravitation.
Si nous parvenions à être immobiles, silencieux et alignés, nous ne ferions plus obstacle à la Vraie Lumière, et tout comme la structure du diamant est mieux alignée que celle du charbon, nous laisserions alors passer la Vraie Lumière qui pèserait moins sur nos épaules. Nous serions plus légers. Cela expliquerait les phénomènes de lévitation, voire nous permettrait de marcher sur l’eau au lieu de nous y enfoncer. D’où l’intérêt pour les alchimistes de l’Owr (Lumière en hébreu) et donc la recherche de l’or, pas pour sa valeur pécuniaire mais pour ce qu’il est vraiment, un métal précieux car près des cieux, destiné à être transmuté, c’est-à-dire à ce que sa forme disparaisse et que la matière se transforme en Vraie Lumière.
Toujours l’or et la gravitation. Et aussi la transmutation dont les étapes sont : l’œuvre au Noir qui est la séparation ou putréfaction, l’œuvre au Blanc qui est la purification et la reconstitution, pour aboutir à l’œuvre au Rouge qui consiste à rassembler ce qui est épars et débouche sur la Pierre Philosophale, ou l’enfant issu des noces chymiques, mutatis mutandis « La Montre en Or » du roman, la transmutation de l’opérant qui incite ainsi les autres âmes aussi à devenir de l’or, c’est-à-dire un esprit accompli, selon Jung.
C’est aussi à la transmutation du héros du roman que nous allons assister. C’est un jeune belge d’origine italienne, Frank Marzetti, que la nature a doté de plusieurs avantages. Beau gosse avec une belle voix, vrai premier-né, il a beaucoup de facilités dans ses relations avec les gens et vit un début de carrière de crooner prometteur dans le show-business. Certes, il vient d’un milieu pauvre et désire s’élever socialement, mais c’est un milieu intéressant avec plusieurs personnalités fortes dans sa famille et qui ne l’empêchent pas de s’épanouir.
Mais bientôt les nuages noirs vont s’accumuler dans ce ciel ensoleillé, la drogue, des hommes pédophiles et des femmes destructrices, les accidents de la vie, et notre héros va se briser de plus en plus, physiquement et psychologiquement, jusqu’à atteindre le fond de la piscine. Il trouvera alors le terrible courage de remonter et de se reconstruire jusqu’ à retrouver son harmonie intérieure et éclairer les autres de sa lumière et des intuitions de ses théories.
Il y a dans ce roman la véracité du vécu, ce qui lui donne toute sa profondeur et son intérêt. Il y aussi un moment où l’on quitte les théories psychologiques pour être entraînés dans un thriller haletant plein de rebondissements dans lequel les puissants de ce Monde commenceront à s’intéresser de très près aux théories du héros.
La recherche de la réussite personnelle du jeune chanteur Frank Marzetti, la recherche de sa « Montre en Or », lui qui n’avait reçu à sa communion qu’une montre en argent car ses parents, pauvres, ne pouvaient pas lui offrir mieux, va se transformer en une quête plus noble car non plus centrée sur lui-même, mais vers un Graal universel. Il voudra faire connaître sa théorie de la Gravité Émotionnelle au plus grand nombre afin d’aider l’Humanité à vivre en Paix. Ses malheurs l’auront fait grandir, son corps bosselé lui aura laissé le temps de réfléchir au sens de la vie et de se reconstruire. Il aura compris que la vraie « Montre en Or » n’est pas la réussite matérielle mais la transformation de la société vers plus d’harmonie. Comme un bon alchimiste il se sera transmuté.
Laissons-lui le mot de la fin : « Si la science mettait au point une solution pour que tous aient accès au « côté gauche », au « côté droit » et aux bons filtres, beaucoup de maux de la Terre provenant de ces déviances ne seraient-ils pas anéantis ? L’acte d’amour existerait dans l’absolu, dans le respect mutuel, dans l’harmonie totale, sans besoin de domination et sans artifice de déviance, chacun restant bien distant de l’autre au moment de la réunion physique et de la sympathie sociale. Chaque être vivrait un amour harmonieux, psychique et physique, sans le moindre rapport de force. »
L’aîné et la montre en or, Philippe Soreil-Philippe Kriwin, CHRONICA, 2022 (384 pages). Dans les meilleures librairies ou sur le site de l’éditeur: CHRONICA.