A l’occasion du 100ème anniversaire de la disparition de Giacomo Puccini, l’Opéra Royal de Wallonie a décidé de programmer deux œuvres de jeunesse du compositeur toscan. « Le Villi » et la « Messa di Gloria », sont des œuvres profondément attachantes et où l’on ressent déjà tout son immense talent et son originalité.  Ces œuvres rarement jouées feront leur entrée dans le répertoire de l’ORW pour le plus grand plaisir du public liégeois.

2024 est une année importante pour les amateurs d’opéra, puisque c’est cette année que l’on célèbre le décès d’un des plus grands compositeurs d’opéra au monde, Giacomo Puccini.

Puccini est né à Lucques, dans une famille aisée, où l’on est musicien de père en fils. Ils sont organistes et chefs de chœur. Giacomo représente la 5ème génération. Les Puccini ont jusqu’alors 32 œuvres à leur actif. Giacomo n’a que 6 ans au décès de son père. Confié à son oncle maternel, Giacomo se voit réserver le poste d’organiste de la cathédrale de sa ville natale, après la mort de son père, en tout cas quand il sera en âge d’assumer ce rôle. Très logiquement, il fait des études musicales et remporte le prix d’orgue. Son destin semble tout tracé, il sera comme ses aïeux, musicien d’église.

Giacomo Puccini © Domaine public

Mais, à 18 ans, il se rend à Pise pour assister à une représentation d’Aïda, de Verdi, et c’est la révélation. La musique religieuse ne sera plus sa priorité, il va se consacrer à l’art lyrique et à la musique profane. Puccini fut accusé, suite à une improvisation peu conventionnelle sur l’orgue de Lucques dans sa jeunesse, de transporter le théâtre à l’église. Il était pourtant destiné, selon la tradition familiale, à devenir maître de chapelle à la cathédrale.

La « Messa a quattro voci » ou « Messa di gloria »

En 1878, pour se racheter d’une improvisation un rien outrancière sur l’orgue de la cathédrale de Lucques, il se rachète en composant un motet et un Credo qui recueilleraient bientôt un franc succès.

Ce n’est que deux ans plus tard, alors qu’il composait son premier opéra, Le Villi, qu’il s’imposa vraiment comme un compositeur habile dans la musique sacrée en intégrant ces deux pièces à un ensemble bien plus vaste, une messe entière.

Ferdinando Fontana et Giacomo Puccini vers 1885 © Domaine public

L’effectif important, comportant des solistes, un chœur mixte ainsi qu’un grand orchestre montrait la maîtrise des techniques polyphoniques anciennes du jeune musicien, mais aussi un sens aigu de la mélodie et de la luxuriance orchestrale. L’œuvre fut créée le 12 juillet 1880 dans la cathédrale pour la fête du patron de Lucques, San Paolino. Le succès fut au rendez-vous.

Le jeune compositeur réutilisa ensuite quelques passages de sa partition dans son opéra « Edgar » et surtout dans « Manon Lescaut » mais n’édita jamais sa partition.

Elle disparut jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Retrouvée par hasard, elle fut éditée en 1951 et jouée l’année suivante à Chicago, avant d’être créée à Naples sous le nom pompeux et apocryphe de Messa di Gloria. Ainsi ce merveilleux travail d’étudiant commençait seulement, près de 30 ans après le décès de Puccini, une carrière internationale pour la plus grande joie des mélomanes et des inconditionnels du génie de Lucques. 

La Danse des Villi, tableau de Bartolomeo Giuliano, 1906 © Domaine public

Le « Villi »

Peu après avoir obtenu le prix de composition à l’opéra de Milan, Puccini se lance dans l’écriture de la partition du « Villi ». Son professeur, Amilcare Ponchielli, lui suggère de participer à ce concours organisé par l’éditeur musical Sonzogno. Ponchielli a mis Puccini avec un poète, Ferdinando Fontana, qui a déjà un sujet tout prêt. Comme ce dernier a quelque peu hésité, il n’a fourni le livret qu’au mois de septembre, et Puccini écrira donc la partition en moins de 4 mois. Il a d’ailleurs remis le manuscrit le dernier jour, le 31 décembre 1883. Le « Villi » n’a pas été primé, et ne figure même pas dans les 5 premiers du concours. Il semblerait, selon les musicologues actuels, que l’échec du « Villi » s’explique par une véritable machination de l’éditeur Ricordi, qui ne voulait pas que Puccini signe avec l’éditeur organisateur du concours (Sonzogno).

Affiche originale de la création de Le Villi en 1884 © Domaine public

Remarqué par le compositeur et poète Arrigo Boito, l’opéra sera représenté pour la première fois en 1884, au Teatro Dal Verme de Milan, où il connait un vrai succès. Ricordi, qui est déjà l’éditeur des œuvres de Verdi, lui commandera alors un nouvel opéra (Edgar). Il lui fait alors signer un contrat, qui lui assurera tout au long de sa carrière une sécurité matérielle confortable.

Ce deuxième opéra, Edgar, n’est pourtant guère remarqué. Puccini se lance alors dans l’écriture de Manon Lescaut, à partir du roman scandaleux de l’abbé Prévost dont Massenet s’était déjà inspiré quelques années auparavant pour Manon. Ricordi lui donne un librettiste un peu fantasque mais génial, Luigi Illuca, qui l’accompagnera ensuite dans ses principaux opéras. La création de Manon Lescaut à Turin est un grand succès. La carrière de Puccini est lancée.

Puccini au pianoforte © Domaine public

Le livret du « Villi »

Pour le livret de cet « opéra-ballet » en deux actes, Ferdinando Fontana s’est inspiré de l’œuvre de Heinrich Heine « De l’Allemagne ». Dans le chapitre consacré aux « traditions populaires », Heine explique ce que sont les willis. Il s’agit des jeunes fiancées qui sont mortes avant le jour de leurs noces.  Elles gardent dans leurs pieds morts, la passion de la danse qu’elles n’ont pu assouvir de leur vivant. Les malheureux jeunes gens qui les rencontrent sont alors emportés dans des danses effrénées qui les entraînent à la mort.

Livret de Le Villi © Domaine public

Dans l’opéra de Puccini, l’histoire se passe dans un village de la forêt noire, où l’on célèbre les fiançailles d’Anna et Roberto. Pourtant, la jeune fille est triste. Son fiancé doit se rendre à Mayence avant le mariage, mais elle a le pressentiment que celui-ci va l’oublier et elle mourra avant son retour. Effectivement, la prédiction d’Anna se réalise, Roberto la trompe dans les bras d’une courtisane durant son voyage, et Anna se sentant abandonnée meurt avant le retour de son fiancé.

Dévoré par le remords, Roberto revient au village. Anna, quant à elle, a rejoint la cohorte des Willis. Durant la nuit, elle aborde le jeune homme et l’entraîne dans une danse infernale au cours de laquelle il succombe.

L’opéra avait tout pour correspondre aux impératifs du concours : italianisme dans le lyrisme passionné des personnages, la partition s’inscrit dans le lyrisme de son temps. L’orchestre y tient une grande place et l’on ressent déjà toute la richesse et l’originalité orchestrales de Puccini. On y découvre des recherches harmoniques subtiles, ainsi qu’une orchestration soignée et la sensibilité mélodique propre au compositeur.

La Messa di Gloria © Domaine public

Pour ce concert exceptionnel, le Directeur musical Giampaolo Bisanti dirigera l’Orchestre et le Chœur, ainsi que les solistes Maria Teresa Leva (Anna/Le Villi), Matteo Lippi (Roberto/Le Villi et Ténor/Messa di Gloria) et Claudio Sgura (Guglielmo/Le Villi et Baryton/Messa di Gloria).

Pour conclure, laissons la parole au Maestro Bisanti :

Ce concert est né du désir de célébrer l’année Puccini, qui marque le centenaire de la disparition du Maestro. Nous interpréterons en version concertante Le Villi, son premier opéra, composé alors que Puccini était très jeune mais dans lequel on peut déjà facilement reconnaître toutes les caractéristiques de son art, en particulier dans les mélodies pleines de pathos et de drame extrême. La Messa di Gloria est, quant à elle, son chef-d’œuvre sacré : une œuvre unique dans toute sa production, qui nous permet d’envisager son rapport très particulier avec la Foi et avec Dieu, à travers une musique extrêmement inspirée.

Pour les réservations c’est par ici.


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