Le Japon est tendance depuis déjà les années 1990 avec la diffusion de la pop culture japonaise aux États-Unis et en Europe. Les jeux vidéo, les séries animées télévisées et les mangas sont les vecteurs les plus visibles de cette « japonisation » croissante. On peut y ajouter les films d’animation magistraux de maîtres comme Hayao Miyazaki, la J-Pop, le Kawaii et les sushis.

Sous la houlette d’Anna Jackson et de Joséphine Rout, conservatrices du département Asie au Victoria and Albert Museum à Londres, le Musée du Quai Branly-Chirac met à l’honneur le kimono, pièce maîtresse du patrimoine vestimentaire nippon. L’exposition retrace son histoire, indissociable de celle de l’ouverture de l’Empire du soleil-levant sur le monde. Elle met en scène des réalisations qui sont de véritables œuvres d’art.

Les débuts d’une star

Vue de la rue commerçante de Surugachô à Edo, magasin de kimonos Echigoya fondé en 1673 et devenu un lieu célèbre de la capitale. Utagawa Hiroshige (1797-1858)

Apparu au XIIIe siècle, le kimono signifie littéralement « ce qui se porte », « confectionné en un minimum de morceaux taillés dans une seule étoffe » suivant la définition d’Anna Jackson. Il connaîtra son heure de gloire à la fin de l’époque d’Edo (1603-1868) et ne cessera d’évoluer en fonction des critères esthétiques des périodes qu’il traversera.

Avant l’introduction des vêtements occidentaux, les japonais-es portent des superpositions de robes et de vestes nouées à l’aide de larges ceintures, les obis. L’exposition présente deux-cents kimonos de différentes époques qui offrent un parcours enchanteur au visiteur et illustre son irrésistible ascension.

Ceintures (obi), 1850-1870, Velours de soie, broderie de soie et fils de soie dorés (style iki)

Costume de scène d’hier…

Au XVIIIe siècle, les acteurs de Kabuki et les courtisanes du Yoshiwara donnent le ton dans une société tournée vers le plaisir et la consommation des produits luxueux dans la ville d’Edo (qui deviendra Tokyo). Les kimonos des hommes sont aussi sophistiqués que ceux des femmes, les étoffes soyeuses et chatoyantes rivalisent de raffinement dans ce qu’on appelle alors « le monde flottant » (l’ukiyo). Les comédiens du théâtre Kabuki sont de véritables icônes et leurs tenues sont observées et imitées.

Le kimono devient un marqueur social au regard du coût élevé des matières utilisées et des accessoires qui les accompagnent. Alors que seule la classe supérieure des Samouraïs était autorisée à le porter, la classe des commerçants enrichis l’adopte en dépit des lois somptuaires visant à freiner sa démocratisation. Les motifs, les étoffes et les coloris évoluent pour en faire une parure toujours plus remarquable, il est prêt à conquérir le monde.

…et d’aujourd’hui

Ziggy Stardust, le personnage créé par David Bowie comme Freddie Mercury sur scène, portent des kimonos de femme, entretenant ainsi une image ambiguë caractéristique des années 70. Plus proche de nous, à l’aube des années 2000, Madonna arbore un kimono flamboyant dans le clip de Nothing Really Matters et Björk en porte également un, signé Alexander McQueen sur la pochette de l’album Homogenic où elle apparaît comme une sorte de Samouraï futuriste.

Comment un vêtement dont le port répond à des règles immuables enseignées dans l’académie qui lui est dédiée peut-il prendre d’assaut les podiums des défilés de haute couture au XXe siècle ?

Vêtements japonais et occidentaux cohabitent dans les vitrines des grandes villes où l’on écoute du jazz dans les années trente. Les Japonaises imitent les modèles en provenance d’Europe depuis la fin du XIXe siècle quand les Européens importent les kimonos, un jeu d’influences réciproques. Offert comme cadeau diplomatique, le kimono fait son entrée dans le monde moderne et de nombreux couturiers s’emploieront à en faire un incontournable de la mode.

Alors que les Japonais adoptent de plus en plus les tenues occidentales, réservant le kimono aux grandes occasions, à Paris, les couturiers se sont emparés de ce vêtement adapté en manteau ou en robe du soir. De Paul Poiret à Christian Dior puis Yves Saint-Laurent, et bien sûr, Issey Miyake ou Yohji Yamamoto les créations japonisantes illuminent les collections… John Galliano et Alexander McQueen leur emboîtent le pas pour en faire un vêtement d’exception.

Vêtement purement japonais associé aux figures traditionnelles des samouraïs et des geishas, le kimono est devenu multiculturel et a envahi le marché mondial. Au départ apprécié pour son aspect exotique et ses motifs symboliques, il est vite adopté pour son confort et aujourd’hui pour son caractère branché.

Une envie de Japon ? Direction le quai Jacques Chirac, Musée du quai Branly où vous attend jusqu’au 28 mai une magnifique collection de Kimonos dont vous découvrirez l’histoire fascinante.

Informations Pratiques

Un petit creux à l’issue de votre visite ? La terrasse du Café Jacques vous accueille dans le jardin du musée avec vue sur la tour Eiffel pour déguster entre autres, ses irrésistibles pâtisseries. 

Et pour les amateurs, la boutique du musée propose de nombreux objets et livres en lien avec la culture nipponne. J’y ai découvert Les dames de Kimoto de Sawakado Ariyoshi, une chronique historique dressant le portrait de trois femmes d’une même famille de 1899 à 1958. L’auteure que l’on compare à Simone de Beauvoir dépeint l’évolution de la condition féminine au Japon pendant cette période charnière. Passionnant !

Les dames de Kimoto, Sawako Ariyoshi (2018), Folio, 320 pages.