Le film «To The Moon » revient avec humour sur une question lancinante : sommes-nous vraiment allés sur la Lune, ou bien tout cela a-t-il été tourné en studio ? Décryptage.

L’histoire du film est en elle-même une forme de réponse à la question : les deux, mon colonel ! On y est allé ET on a tourné en studio. Pourquoi ? Par sécurité, tout simplement. Imaginez-vous que les caméras embarquées avec les astronautes tombent en panne, ce serait embêtant. Ou qu’il se passe un incident grave, voire ridicule. Si Armstrong s’était pris le pied dans l’échelle et avait chuté de manière grotesque ? C’est pourquoi plusieurs mesures ont été prises à l’époque.

Une histoire presque vraie. Ou pas. Ou si ? © Sony Pictures

La première consistait à ne pas retransmettre les événements du tout. C’est le plus simple, mais ce n’est pas très porteur en terme d’image, aussi a-t-on abandonné l’idée. La seconde a été de retransmettre les images en différé. En temps normal il faut un moment pour que la transmission depuis la Lune arrive sur Terre, en raison de la distance. Si on peut rallonger un peu ce temps cela laisse la possibilité de filtrer les images et d’écarter celles qui gênent en interrompant la retransmission. La troisième solution est la plus incroyable : filmer l’alunissage sur Terre, en studio, afin d’être sûr d’avoir de bonnes images, quoi qu’il arrive.

Et si on s’assurait du succès de la mission en tournant un petit film de l’alunissage en studio ? © Sony Pictures

C’est cette solution qui est reprise dans le film « To The Moon ». Un film de secours sera filmé dans des studios non loin de Cap Canaveral afin d’assurer la réussite médiatique de l’opération. Mais bien sûr ce tournage d’un faux alunissage doit rester secret, on imagine facilement le scandale planétaire si cela se savait. La NASA perdrait toute crédibilité, et le Gouvernement américain aussi.

La course à l’Espace à Cap Canaveral © Sony Pictures

Pour cette mission secrète, un haut gradé des services secrets américains, Moe Berkus (Woody Harrelson) va contacter une spécialiste en publicité et marketing, Kelly Jones (Scarlett Johansson), et la faire embaucher par la NASA. Sa première mission est de redorer l’image de l’institution spatiale qui a été très abîmée par les retards pris sur le programme, par les accidents dramatiques de la conquête de l’espace, dont la mort en direct de trois astronautes dans la capsule Apollo 1 en 1967. L’année suivante, en 1968, ce sera la mort de Robert Kennedy, de Martin Luther King, la guerre du Vietnam qui s’embourbe. Le public n’y croit plus et se désintéresse à la course à l’Espace, alors même que John Fitzgerald Kennedy avait promis que les Américains seraient sur la Lune avant la fin de la décennie.

Jim Rash interprète le rôle du réalisateur Lance Vespertine © Sony Pictures

Pire : plusieurs sénateurs qui doivent voter les budget nécessaires à la NASA pour l’envoi d’une dernière mission vers la Lune, la mission Apollo 11, ces sénateurs ne veulent plus en entendre parler. Leurs électeurs veulent du concret, pas des projets lunatiques. La publicitaire va faire des miracles : contrat avec les montres Omega pour les emmener sur la Lune, pubs de toutes sortes et placements de produits. L’argent arrive enfin. Et cette indomptable Kelly Jones arrivera même à faire changer les sénateurs d’avis et à ce qu’ils soutiennent encore une fois la NASA. Reste un problème : être sûr de la diffusion de bonnes images de l’aventure, comme nous l’avons vu. C’est encore à elle que sera confiée la mission de faire réaliser un film secret, en studio. Pour que les États-Unis soient certains de gagner la course à la Lune contre les Russes.

Channing Tatum devant le monument aux trois astronautes mort dans l’incendie de leur capsule en 1967 © Sony Pictures

« To The Moon » est un film à la fois drôle et émouvant, avec d’excellents acteurs. Scarlett Johansson est pareille à elle-même, c’est-à-dire intelligente, belle, envoûtante, faisant tourner les hommes autour de son doigt. Elle donne la réplique à Channing Tatum, beau gosse musclé au jeu minimaliste qui personnellement me laisse de glace. Bien sûr le héros et l’héroïne se doivent de tomber amoureux l’un de l’autre, sinon ce n’est pas vraiment un film américain. On comprend assez vite dans le film que Scarlett Johansson joue le rôle d’une tricheuse et d’une menteuse pathologique, on apprendra plus tard comment elle en est arrivée là.

L’amour triomphe toujours, sinon ce n’est pas Hollywood © Sony Pictures

C’est avec délectation que j’ai retrouvé Woody Harrelson (No Country for Old Men, Zombieland, Three Billboards) qui joue comme toujours parfaitement son rôle de cynique. C’est le seul acteur qui soit un peu en lien avec l’aventure du film. En effet, dans la vraie vie, son père Charles Harrelson est un tueur à gages qui a fini sa vie en prison en 2007 pour l’assassinat de plusieurs personnes dont un juge. Il a avoué avoir trempé dans l’assassinat du président Kennedy, il disait faire partie du complot visant à le tuer. Et la mère de Woody est Diane Oswald. Ca ne vous rappelle rien ? Lee Harvey Oswald était le principal suspect dans l’assassinat du président ; il a été à son tour été abattu devant les caméras de télévision. Sacré Woody, un pedigree compliqué, mais aussi un acteur formidable.

Woody Harrelson, un agent secret plus vrai que nature © Sony Pictures

Les images sont splendides, l’année 1969 est très joliment reconstituée avec des coiffures, des couleurs, des voitures d’époque… du travail d’orfèvre. La bande-son est à la hauteur et elle est inspirée des tubes de l’époque influencés par la Conquête de l’Espace : Fly Me To The Moon de Bobby Womack, Destination Moon de Dinah Washington, Security de Etta James, ou encore Moon River de Aretha Franklin. Tout un imaginaire, avec pas mal d’images d’actualité du temps mélangées aux images tournées aujourd’hui.

Scarlett Johansson dans le rôle de Kelly Jones © Sony Pictures

Et dans la vraie vie ?

Les théories du complot sont à la mode, mais elles ne sont pas nouvelles. Dès la première retransmission du l’alunissage certains se sont mis à douter. Il faut dire que l’histoire est vraiment énorme : des humains sur la Lune, qui se baladent en scaphandre avec des sauts de puces, et reviennent sur Terre sains et saufs. Tout ça devant les caméras de télévision. De nombreuses questions ont été soulevées : pourquoi le drapeau américain flotte sur la Lune alors qu’il n’y a pas d’atmosphère ? Pourquoi les ombres vont dans de sens différents ? Pourquoi il n’y a pas de poussière sur les pieds du vaisseau ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Si vous voulez vous amuser au jeu des sept erreurs c’est par ici sur Wikipedia. La Terre, par contre, semble bien ronde vue depuis la Lune et l’espace, n’en déplaise aux platistes. Un très célèbre cliché de l’époque nous le rappelle.

Célèbre photo d’un « Lever de Terre » par Bill Anders, 1968 © Wikipedia Commons

La vérité c’est que les astronautes américains, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, se sont entraînés pendant les mois qui ont précédés leur envol dans un décor reconstitué qui leur donnait l’impression d’être sur la Lune. Ils se sont exercés à descendre de leur capsule spatiale (le LEM), à marcher avec moins de pesanteur, et toute cette sorte de choses. Ils existe des photos et des films de leurs entraînements en studio, ce n’est pas un secret. De là à imaginer qu’on en aurait profité pour tourner des images de secours, il n’y a qu’un pas que certains franchissent allégrement.

Authentique photo des entraînements de Aldrin et Armstrong dans un décor, 22 avril 1969 © Wikipedia Commons

Ceux qui ont vécu cette retransmission en direct le 20 juillet 1969 s’en souviendront toute leur vie. C’est un moment unique dans une existence, on s’en souvient comme d’autres plus jeunes se souviendront toujours où ils étaient le 11 septembre 2001. En 1969 les gens se réunissaient autour des postes de télévision disponibles, les uns chez les autres, car tous ne possédaient pas encore la boîte magique. Cette jolie comédie romantique du réalisateur Greg Berlanti vous fera passer elle aussi un bon moment, n’hésitez pas à aller la voir.

Bande-annonce en FR :


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