Visual System ; et toujours la lumière fera !
Le contexte actuel de crise énergétique n’empêchera pas la culture de briller. À l’heure où certains, à l’instar de The Shift Project, songent à la décarboner, les artistes ne cessent de repousser les limites de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. L’abondance électrique en Occident ne durera peut-être pas éternellement, mais nous défions quiconque d’éteindre toutes les lumières ! Visual System présente RESTART et CENTRALE, deux œuvres sur mesure qui conviennent à tous les publics. Une décharge électrique entre méditation et trans hypnotique.
Le collectif Visual System dans un lieu historique, l’Atomium
Que ce soit à la Gaîté Lyrique, au théâtre du Châtelet à Paris, en Thaïlande pour la scénographie d’un festival de musique électronique, ou pour l’inauguration de la tour Panache à Grenoble, Visual System a pour habitude de travailler in situ avec une attention particulière au génie du lieu. Le collectif parisien constitué d’artistes multidisciplinaires propose des expériences immersives entre son et lumière, des œuvres cinétiques pour selon les mots de John Cage « Laisser voir la musique et entendre la lumière. »
Guidé par cette idée, Visual System sculpte des espaces géométriques composés de LED, avec ce talent pour éclairer l’architecture sans la transfigurer, comme pour le bâtiment The Opus à Bangkok en 2014.
Si l’art naît de contrainte et meurt de liberté, ils conçoivent pour l’Atomium, deux installations synesthésiques en collaboration avec le compositeur Thomas Vaquié.Depuis 2013, le science-symbol propose un regard sur le numérique. En 2019, le lieu culturel avait déjà invité le collectif pour A CIRCULAR JOURNEY, une œuvre sur l’infiniment petit, un atome entouré de ses électrons dans une scénographie pouvant évoquer le système solaire ou des milliers de connexions électriques à l’intérieur d’une synapse.
L’Atomium représente lui-même un cristal élémentaire de fer agrandi 165 milliards de fois et organisé dans sa structure cubique régulière.
Si lors de l’exposition universelle de 1958, le pays souhaitait témoigner de ses hautes compétences industrielles, notamment en métallurgie, l’Atomium se veut aujourd’hui à la pointe du numérique.
À l’époque déjà, le pavillon Philips jouxtant le géant d’acier, créé pour la durée de l’exposition et conçu par les architectes Le Corbusier et Iannis Xenakis, était un pionnier dans le domaine du multimédia. L’architecture pyramidale permettait la circulation particulière des sons et des images. Le terme de « poème électronique » venait d’être lancé. L’émergence de l’art numérique à partir des années 1980, avec l’apparition des ordinateurs, crée de nouvelles possibilités qu’on n’a toujours pas fini d’explorer aujourd’hui.
Quand on entre dans notre univers, on oublie la logique du temps.
Ambroise Mouline, membre de Visual System
C’est avec cette phrase d’Ambroise Mouline, membre de Visual System, que l’œuvre devient réellement percutante. Car la volonté de poétiser la lumière défendue par le collectif pourrait laisser de marbre. La lumière a-t-elle vraiment besoin d’être poétiser ? Cette œuvre gigantesque est-elle plus poétique qu’un rayon de lumière à nos fenêtres au petit matin ? Quand le collectif aborde la question de la narration de l’œuvre, ou de l’émotion pure qu’elle véhicule, nous pouvons également rester sceptiques. N’est-ce pas plutôt que l’œuvre absorbe toute émotion, laissant place à une certaine forme de sérénité, de zénitude, d’ataraxie reposante ?
Les émotions se substituent aux vibrations, plus subtiles et difficilement descriptibles. La notion de vibration est chère aux artistes car elle renvoie à leur fascination de l’univers, de l’espace-temps mais aussi de l’être spirituel.
L’écoulement du temps est une illusion que nous suggérait déjà Einstein.
CENTRALE est composée d’anneaux lumineux concentriques qui nous transportent dans une sorte de capsule temporelle où le temps ne semble pas s’écouler.
Certains pourraient se sentir secoués par la cadence soutenue, ou avoir envie de danser, de se lancer dans une chorégraphie hip-hop au rythme des laser étincelants. Sommes-nous dans une discothèque ou un laser game ? Dark Vador va-t-il surgir ? Où est passé le DJ ? Sommes-nous en train d’assister à un feu d’artifice numérique ? Avec les odeurs de soufre en moins.
L’édifice est le véritable narrateur. L’histoire, celle d’un vide insupportable. Après tout, ne sommes-nous pas à l’intérieur d’un atome, la plus petite partie du système organique qui compose le vivant ? L’atome étant composé essentiellement de vide, l’œuvre RESTART nous donne à contempler cette vacuité sans en avoir peur.
L’expérience redirige notre regard, permet aux visiteurs de (re)découvrir le bâtiment.
« Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups. »
Le collectif parvient avec grâce à rendre la lumière précieuse, fragile, périodique. Elle apparaît telle une passante, puis décampe au fil des 12 minutes que durent les deux installations de RESTART. Un éclat sombre voué à disparaître.
La lumière ne se donne pas pour acquise, elle achoppe la structure métallique de l’Atomium et circule par intermittence, impossible à fixer.
Comment ne pas penser à cette phrase de Marcel Proust dans À La Recherche Du Temps Perdu : « Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups. », nous rappelant que la lumière n’est que l’endroit d’une surface dont l’envers serait l’obscurité.
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Informations pratiques
VISUAL SYSTEM EXPOSITION TEMPORAIRE ⏐ RESTART
INSTALLATION PÉRENNE ⏐ CENTRALE
Du 03.02.2023 – 24.09.2023
Lieu : ATOMIUM, 1 place de l’Atomium, 1020, Bruxelles. Cette exposition a lieu dans la sphère Lotto/Expo
Tarifs : l’accès à l’exposition temporaire est compris dans le ticket d’entrée de l’Atomium et au parcours de l’histoire du monument. Il n’y a donc pas de frais supplémentaires.
Attention : les installations présentes dans l’exposition RESTART peuvent créer des désagréments aux personnes sujettes à l’épilepsie.
Infos sur : www.atomium.be