La Main, un film d’horreur bien ficelé qui nous parle d’invocation des esprits. Mais est-ce que ce genre d’amusement à la mode est sans danger ? Nous avons interrogé la médium Patricia Darré.
Le synopsis des frères Philippou
Un groupe d’adolescents s’amusent avec une main en céramique qui a des pouvoirs occultes. Il paraît qu’à l’intérieur de cette sculpture se trouve la véritable main d’un puissant médium et mage occultiste mort depuis quelques temps. La céramique est couverte de signes kabbalistiques et magiques, mais il y a plus. Si on serre cette main avec la nôtre, comme pour dire bonjour, et qu’on prononce la formule « parle-moi », on voit apparaître un défunt. Ensuite il faut autoriser cet esprit à nous pénétrer en prononçant : « je te laisse entrer ». L’esprit pénètre alors l’expérimentateur et l’habite. L’expérience ne doit pas durer plus de 90 secondes sinon l’esprit reste dans l’expérimentateur et continue à le hanter.
Quel amusement pour ces adolescents d’être temporairement habités par un esprit ! Ils se filment avec leurs caméras et se bousculent pour vivre une expérience plus puissante qu’un trip de drogue. Jusqu’à ce qu’un jour les 90 secondes soient dépassées ; ce sera le début des (gros) problèmes. L’héroïne Mia se retrouvera habitée par un esprit menteur, qui lui fait croire qu’il est l’esprit de sa défunte mère, mais bien sûr il n’en est rien. C’est un esprit mauvais et meurtrier, et le parcours de Mia sera jalonnée des pires assassinats. Ses amis voudront lui prêter main-forte, mais est-ce encore elle qui agit ou le démon ?
Les frères Danny et Michael Philippou sont des Australiens originaires de la ville d’Adélaïde qui animent depuis 2013 une chaîne YouTube appelée RackaRacka centrée sur le genre particulier appelé Comédie horrifique. Comme son nom l’indique c’est un style de comédie et d’horreur, cherchant à mélanger chez le spectateur le rire et la peur. Citons par exemple les comédies horrifiques Chucky, Krampus ou La petite boutique des horreurs. Après plus d’un milliard de vues sur YouTube, ils ont décidé de créer leur premier long métrage, tourné en Australie. La Main a été bien accueillie et achetée par les distributeurs au Festival de Cannes l’an dernier, et la première a eu lieu au Festival du film de Sundance dans l’Utah en début d’année 2023, un festival créé par l’acteur Robert Redford et consacré aux films indépendants.
J’applaudis des deux mains
Il faut ne pas avoir la main qui tremble quand on achète son ticket pour un film qui au final fait quand même peur. Il réussit à troubler car il est très simple, tourné à petit budget, avec peu d’effets spéciaux, mais n’y va pas de main morte dans le suspense. Il est donc réaliste, ancré dans le quotidien, ce qui le rend plus troublant. Les événements filmés sont angoissants et l’atmosphère pesante : jeux de mains jeux de vilains.
Les réalisateurs, qui sont frères, marchent la main dans la main et s’entendent comme les deux doigts de la main. Ils ont eu la main heureuse avec ce premier film, et malgré qu’ils aient dû faire des pieds et des mains pour mettre la dernière main à ce premier film, ils ont démontré un certain tour de main dans la réalisation, qu’ils ont réussie haut la main. Ils ont maintenant les cartes en mains pour mettre la dernière main à La Main 2.
Et les producteurs ne rejetteront pas le prochain projet de ces réalisateurs du revers de la main, ma main à couper. Je pense qu’ils n’hésiteront pas à mettre la main à la poche et pratiquer une politique de la main tendue envers les frères Philippou, j’en mettrai ma main au feu. Les frangins, qui ont maintenant les mains libres, vont probablement remettre la main à la pâte pour une suite prévue pour 2025.
Conclusion : prenez les choses en mains (pas plus de 90 secondes on vous dit !) et allez voir La Main. Mais si vous en ressortez angoissés je m’en lave les mains, vous êtes assez grands pour vous prendre en mains.
Patricia Darré, médium, nous parle de l’invocation des esprits
Patricia Darré parle avec les morts. Comme nous ne sommes plus dans un film mais dans la réalité cela peut faire sourire, mais un esprit curieux est par définition ouvert. Ouvrons donc notre esprits aux esprits, mais pas trop quand même car il pourrait y avoir du danger à manipuler ce qu’on ignore. Nos lecteurs ont déjà croisé Patricia Darré à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Le Templier m’a dit. Nous avons voulu avoir l’éclairage d’une experte et lui avons demandé ce qu’elle pense de l’invocation des esprits, elle dont c’est devenu le quotidien depuis près de trente ans.
Patricia Darré, que pensez-vous de ces rituels d’invocation des morts que les adolescents pratiquent pour se donner une petite frayeur ?
Aujourd’hui en 2023, avec le nombre de personnes qui s’essaient à l’ésotérisme sauvage, en faisant ce qu’ils voient dans les films, ce qu’il lisent dans les livres, pour s’amuser, je dirai que c’est extrêmement dangereux. Il ne faut bien sûr jamais invoquer les morts. Jamais. Parce que, quand on ne voit rien, on se dit que ce n’est pas grave. Au pire des objets vont bouger, mais ça va s’arrêter là et après on passera à autre chose et on reprendra sa vie normale. Erreur. Ca ne se passe pas du tout comme ça.
Il faut imaginer qu’il y a autour de nous des puissances qui sont là, et l’invocation qui est faite d’une certaine manière, avec un protocole, avec des bougies, ça marche. Dès qu’on se concentre pour appeler un mort, pour l’invoquer avec un rituel, on ouvre des portes. Mais on ne sait pas qui va entrer. Derrière ces portes il y a toutes sortes de gens et d’esprits qui vont s’amuser avec vous. Voyant votre crédulité, votre incompétence, votre manque de discernement, votre amateurisme et votre vulnérabilité, ils vont se faire passer pour le mort invoqué.
Je connais tant de gens qui ont été ainsi piégés, qui ont mis des mois à s’en remettre, certains en hôpital psychiatrique. Le risque c’est le contrôle de votre esprit. C’est l’infiltration de forces qui vont prendre votre contrôle et ne partiront plus, jusqu’à causer en vous une dissociation totale. Cette dissociation sera reconnue par la société comme une maladie mentale.
C’est vraiment dangereux ?
C’est extrêmement dangereux. On n’invoque pas les morts. Je ne parle pas de la prière qui est saine, mais des rituels d’invocation. On accueille les morts s’ils envoient un signe ou s’ils se manifestent sans qu’on les ait invoqués mais on ne les invoque pas tout seul.
Les guérisseurs, chamans et autres pythies savaient invoquer les morts, mais ils utilisaient des protocoles particuliers, à des moments particuliers, à des heures particulières, en fonction de la lune, avec toute une batterie de protections. Ils invoquaient très rarement, uniquement lors d’un grand rituel, ou pour avoir un conseil pour un chef de tribu ou un roi. C’était des initiés qui connaissaient les rituels de protection. Rien à voir avec des adolescents qui se divertissent avec un ouija.
L’adolescence est un moment vulnérable, de transition, ils n’ont pas les instruments pour se défendre, ils sont comme des enfants car ils ne sont pas encore devenus ce qu’ils doivent devenir. Les esprits adorent les ados justement parce qu’ils ont plus d’énergie, ils sont pleins de vulnérabilité, ils sont comme un jouet pour les esprits qui les manipulent.
Tous les jours j’ai des appels de gens qui ont joué et qui se sentent extrêmement mal.
Seuls les spécialistes pourraient le faire, et encore, nous ne le faisons pas car dès qu’on invoque les esprits, même s’il n’y a pas de résultat scabreux, il y a quelque chose qui arrive dans la maison. Forcément. Et qui va perturber l’énergie de la maison.
Quelquefois les gens me disent : j’ai fait ça quand j’étais jeune et après j’ai eu une vie épouvantable, parfois pendant plus de vingt ans. Est-ce que ma vie terrible depuis mon adolescence jusqu’à aujourd’hui est due à ça ?
Tous disent la même chose. Des galères terribles. Souvent tous les membres du groupe qui a invoqué les esprits vivent la même galère, et ils comprennent que c’est l’invocation qui est sans doute à l’origine. Prudence !
Patricia Darré, vous avez donc rencontré des vrais cas d’infiltration ?
J’ai un cas qui m’est resté en tête, un garçon de Strasbourg qui m’avait appelée. Ils étaient cinq ou six à avoir joué quand ils étaient ados à aller sur les tombes la nuit, au clair de lune, pour faire des séances et des rituels de spiritisme, en riant et en buvant, c’était pour s’amuser, pour défier les lois de la mort. Ce garçon m’appelle et me dit : « c’est horrible, je suis terrorisé, je suis le seul survivant, ils sont tous morts entre 20 et 25 ans de mort violente. Je pense que je vais mourir aussi. Je sens quelque chose qui est là et qui m’épie. »
Je lui ai demandé s’il ne pensait pas être en train de devenir fou ? Ne serait-ce pas pathologique ? Mais en vérité c’est normal de devenir fou, fou de peur, de voir tous ses amis tomber les uns après les autres. Ils ont payé le prix fort.
Je n’ai plus eu de nouvelles de lui. Je l’ai rappelé par la suite mais il n’y avait plus d’abonné à son numéro. Il était dans un tel état de psychose, il est peut-être en hôpital psychiatrique, ou peut-être décédé.
On ne peut rien faire pour s’en sortir ?
Quand il m’a dit aidez-moi, je n’ai pas pu intervenir. Quand on défie des lois terribles, quand on s’aventure dans des domaines démoniaques, je ne peux pas mettre les mains là-dedans. On vient me chercher parfois mais je dis : « hélas, c’est trop tard. » Je ne vais pas moi-même sur ce terrain parce que je connais les dangers, je ne peux pas y aller à votre place. Prenez vos responsabilités. Je ne peux pas sauver des gens qui sont allés trop loin de leur propre volonté. Je peux aider des gens qui sont attaqués par des forces occultes chez eux, ils n’ont rien fait et les choses se déchaînent. Mais ceux qui ont utilisé intentionnellement des rituels magiques, je ne peux rien faire.
Les films sont un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. On a tout intérêt à suivre la morale de l’histoire et de ne pas essayer d’en faire autant. Les gens sont très imprudents.
La prière n’est parfois plus suffisante. C’est comme être rentré dans un réacteur nucléaire et me demander si un Doliprane va m’aider ? Oui, vous aurez moins de douleurs mais ça ne va pas enlever l’irradiation. La prière Notre Père n’est plus toujours suffisante. Aujourd’hui même les exorcistes arrivent au bout de leurs protections. Certains exorcistes succombent, piégés par des forces assassinent.
Dans les maisons hantées en revanche je fais face à des humains, pas à des forces démoniaques. Des personnes qui reviennent ou sont en colère. Si j’y vais c’est parce que j’ai demandé d’abord l’autorisation pour pouvoir y aller. Si on me dit non je n’y vais pas. Mais l’invocation des esprits, jamais !
Bande-annonce de La Main:
