Grotte Chauvet, l’aventure scientifique s’expose à Paris
L’existence même de la grotte Chauvet tient d’une série d’intrigants miracles. C’est de cinq millions d’années que datent les premières traces de creusement dans ce qui fut le lit de la rivière Ardèche, à l’époque où la Méditerranée s’étendait jusqu’aux Alpes actuelles. En se retirant, l’eau a laissé dans le sol et à flanc de montagnes maintes cavités aussi immenses qu’inquiétantes : des grottes. Le décor est prêt, il ne manque plus que les acteurs.
Aux environs de 40 000 ans avant notre ère, arrivent en Europe les homo-sapiens, donc nos lointains ancêtres. Et très vite, l’homo-sapiens occupe les grottes non pas pour y habiter comme on le croit trop souvent, mais pour s’y recueillir et en orner les parois des traces de sa présence, de ses désirs, de ses peurs et de ses croyances. L’hiver, les ours y hibernent ; l’été, les hommes y dessinent. L’eau, en s’écoulant, a laissé sur les murs une couche épaisse et tendre d’argile : le doigt seul suffit pour tracer un trait, le tranchant de la main pour faire apparaître la roche et donner ainsi l’illusion du relief. Et l’une des grandes leçons que nous a apprises la grotte Chauvet, c’est que ces dessins ne sont pas des balbutiements maladroits mais une œuvre complexe, pensée, élaborée par des spécialistes qui possédaient une technique sûre et des thèmes de prédilection.
La grotte Chauvet © photo Alain Girodet / Cité des Sciences et de l’Industrie
Puis, brutalement, voici environ 21 500 ans, un effondrement interdit l’accès à la grotte qui demeure ainsi intacte, inviolée, inaccessible. Et cela jusqu’au 18 décembre 1994 (cela fera bientôt trente ans donc) : trois spéléologues français, Jean-Marie Chauvet, Eliette Brunet et Christian Hillaire, la redécouvrent. Ils avaient déjà exploré, dans toute la région, plusieurs grottes décorées, et ils se doutaient bien qu’il devait y en avoir d’autres, quelque part, mais jamais ils n’auraient imaginé, en sentant un mince appel d’air provenant d’un monceau de roches effondrées, qu’ils allaient mettre à jour ce temple du paléolithique qu’est la grotte Chauvet.
La grotte Chauvet © photo Alain Girodet / Cité des Sciences et de l’Industrie
Depuis lors, la grotte est devenue un objet d’étude. Elle n’a jamais été ouverte au public et même la communauté scientifique n’y a pas facilement accès : l’espace est conséquent, 8500 mètres carrés, 200 mètres de long du sud au nord, mais il est difficile d’accès et, bien sûr, rendu très fragile par les conditions climatiques, surtout depuis quelques années. Une équipe réduite y travaille, quatre semaines par an seulement, et au mois de mars car c’est à ce moment-là que le taux de CO2 est le plus faible. Ils sont chargés d’un lourd matériel qu’on peut découvrir dans l’exposition et ils évoluent sur des plateformes de soixante centimètres de large afin de ne surtout pas risquer de dégrader le trésor archéologique.
La grotte Chauvet © photo Alain Girodet / Cité des Sciences et de l’Industrie
Fidèle à sa vocation de créer des espaces interactifs et ludiques et de rendre agréables et accessibles les mystères et les enjeux de la Science, la Cité des Sciences propose un travail au carrefour des compétences et des techniques. Le but n’était pas de reconstituer la grotte Chauvet, c’est chose faite depuis longtemps à Vallon-Pont-d’Arc, dans l’Ardèche (qui, d’ailleurs, après la Cité des Sciences, accueillera l’exposition l’année prochaine) : le but était de donner une idée du travail accompli par les équipes de chercheurs et des découvertes étonnantes que l’on a pu accumuler depuis trente ans.
La grotte Chauvet © photo Alain Girodet / Cité des Sciences et de l’Industrie
Le but était de donner accès à certaines techniques novatrices telles la photogrammétrie (qui autorise des reconstitutions en 3D) ou l’Ichnologie (l’identification d’une empreinte) ou encore, purement et simplement, l’observation attentive (une passionnante projection d’un lieu apparemment anodin et qui se révèle passionnant grâce au commentaire érudit de Jean-Jacques Delannoy).
La grotte Chauvet © photo Alain Girodet / Cité des Sciences et de l’Industrie
Le but était d’amuser, d’intéresser, d’intriguer à partir de la réalité, en s’intéressant à des mystères, celui des sept feux de la galerie des mégacéros ou celui de l’excrément fossilisé d’ours qu’il s’agit de « faire parler ». Le visiteur (petit ou grand, les deux seront fascinés à coup sûr) est plongé dans la tête et les réflexes d’un chercheur et d’un explorateur. Le pari était tout de même majeur de nous intéresser à ce lieu que le commun des mortels ne pourra jamais visiter mais qui recèle les origines du monde et de l’art.
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