C’est avec une palpable émotion que les amoureux de l’artiste grec Alekos Fassianos (1935-2022) ont célébré, en avril dernier, l’ouverture d’un nouvel espace lui étant entièrement consacré.

Né à Athènes en 1935, il est aujourd’hui l’un des plus grands artistes grecs contemporains. Ses créations, d’une rare intensité, inspirées du folklore ou de la mythologie grecque, nous transportent au cœur de l’Antiquité, au rythme d’oiseaux byzantins délicieusement fantastiques et de cupidons ailés.

Des Etudes entre Athènes et Paris

En 1956, il commence ses études à l’Ecole des beaux-arts d’Athènes. Un cursus qu’il complète ensuite à Paris, de 1960 à 1963 , en intégrant l’Ecole nationale de Beaux-Arts où il  se spécialise dans la lithographie grâce à une bourse du gouvernement français. C’est là qu’il fait des rencontres éblouissantes avec des artistes et écrivains hors du communs dont Matisse, Picasso, Louis Aragon et Jean-Marie Drot qui lui dédia une très belle monographie intitulée « la volupté mythologique ». Lors de la dictature des Colonels en 1967, il décide de rester quelques années à Paris sans rentrer dans son pays natal.

© Letizia Missir de Lusignan

Des années durant lesquelles Fassianos puise dans ses souvenirs d’enfance pour les représenter ensuite dans ses toiles flamboyantes: cyclistes à la chevelure dansant dans le vent face à l’immensité azure de la mer Egée, poissons ronds et colorés de l’île de Kea (Tzia), son île adorée, ou encore, oiseaux élégants s’élançant au-delà des vagues vers des cieux aux tons d’un bleu puissant laissant entrevoir certains personnages de l’Odyssée. Tel est l’univers d’Alekos Fassianos qui accepta aussi de réaliser des décors de théâtre et des peintures murales visibles aujourd’hui dans certains quartiers d’Athènes. 

« Le ciel est bleu alors je peins en bleu »

Quand on l’interrogeait sur le pourquoi des couleurs choisies pour réaliser ses toiles, Fassianos répondait :  « le ciel est bleu, alors je peins en bleu. Ce que je connais, c’est la Grèce, son ciel, les îles grecques, la mer, les vagues…». Son épouse, Mariza Fassianou, aime  souligner que la « Grécitude a toujours été son inspiration, de la mythologie grecque à la Grèce contemporaine ». Il affectionnait beaucoup aussi les tons ocre et rouge profond, ceux qui ont souvent inspiré le folklore et l’artisanat traditionnel de son pays. Une Grécitude que les  Ministres Kyriakos Mitsotakis et Lina Mendoni sont fiers de rappeler en parlant de l’artiste. « Ses peintures respirent la Grèce et il est l’un des principaux contemporains à avoir peint l’hellénisme. Toujours en équilibre entre réalisme et abstraction, Fassianos met l’homme à l’honneur, au centre de ses créations ».

© Letizia Missir de Lusignan

Un musée sur le lieu de son enfance

Le musée, splendide, nous transporte au cœur de l’intimité familiale d’Alekos Fassianos car c’est ici même, à Metaxourgio, qu’il a passé une grande partie de son enfance. A l’origine c’était une maisonnette de style néoclassique typique du centre vibrant d’Athènes, élue par son grand-père, en 1930. 50 ans plus tard, celle-ci est détruite et transformée en un immeuble de quatre étages. Bouleversé de chagrin de voir s’éloigner tant de souvenirs, Fassianos laisse fleurir dans son cœur cette idée d’un jour la transformer pour en faire un lieu de dialogue entre toutes ses créations. Grâce à la complicité et au talent de son grand ami l’architecte Kyriakos Krokos, le musée est dessiné et inauguré avec une belle émotion au printemps 2023.

Une architecture sobre baignée de lumière

L’immeuble transformé en musée dévoile un vaste espace agencé sur quelques étages permettant un subtil dialogue entre toutes ses créations colorées. Les matériaux et couleurs choisis sont en parfaite harmonie avec ses œuvres et semblent même en être parfois la simple continuité. Telle une invitation au voyage poétique, au rêve et à l’imaginaire, la balade plonge le visiteur dans l’atmosphère chaude et lumineuse de l’éternel et puissant soleil méditerranéen: toiles aux palettes privilégiant toutes les teintes de bleu en passant par le jaune or, le rouge vermillon, le vert profond, l’ocre ou l’argent. Le musée dévoile aussi des documents d’archives, des écrits ou encore du mobilier qui nous révèlent un peu son âme..

© Letizia Missir de Lusignan

« Le Matisse grec »

Souvent surnommé le Matisse grec pour la puissance des couleurs au centre de ses créations, l’homme, éperdument amoureux de sa terre natale, est aussi sculpteur, scénographe, écrivain, poète et céramiste. De la même façon qu’Andra Marcolongo écrit dans son ouvrage La langue géniale, 9 bonnes raisons d’aimer le Grec  « Entrer dans le grec, ce n’est pas seulement apprendre une langue, c’est entrer dans un monde, une civilisation, une grammaire de l’âme », on pourrait dire ici : observer les puissantes toiles de Fassianos, c’est effleurer l’âme grecque, entrer dans un monde, une civilisation, une grammaire de l’âme… Sans oublier Cavafy, Kazantzakis, Ritsos, Elytis et Angelopoulos que Fassianos admirait et à travers lesquels on effleure d’autres subtilités encore de cette Grèce qui nous a tant… qui nous a tout donné.

© Letizia Missir de Lusignan

Informations:

Alekosfassianos.gr – 15 Neofytou Metaxa Street 10439 Athènes

Du mercredi au vendredi, de 11h à 16h. Samedi et dimanche, de 11h à 15h.  

A Bruxelles, la Galerie Lefakis expose des œuvres de l’artiste www.galerielefakis.com

Alekos Fassianos en train de peindre en 2018: