Inauguration d’un nouveau lieu de mémoire pour le 80ème anniversaire de la Bataille des Ardennes, les Bastogne War Rooms.

Depuis de nombreuses années, Bastogne est un haut lieu du tourisme mémoriel en province de Luxembourg. Un nouveau site vient d’étoffer l’offre faite aux touristes avides de se plonger dans l’histoire, sous le nom de « Bastogne War Rooms ». Un endroit tellement chargé de souvenirs et de symboles, qu’il est à voir absolument.

La bataille des Ardennes

Depuis le 6 juin 1944 et l’opération Overlord, le débarquement en Normandie, les troupes alliées traversent la France et avancent irrémédiablement vers l’Allemagne.

En cette fin 1944, les Gis épuisés, stationnent dans les Ardennes, se reposant après les âpres combats de la reconquête. Même s’ils avaient espéré rentrer à la maison pour les fêtes, ils aspirent à passer un Noël paisible sur le sol européen. Mais le 16 décembre, à l’aube, les Américains se retrouvent pris sous le feu de 2000 canons de l’artillerie allemande. A 5h30, 275.000 soldats allemands et 5000 chars déferlent sur les troupes alliées, espérant scinder en deux les troupes américaines et anglaises et filer droit sur la Meuse, et ensuite reprendre le port d’Anvers.

Table interactive bataille vue du ciel © bastogne-war-rooms / tempora

Bastogne occupe une place stratégique, puisque 7 routes qui permettent de traverser les collines ardennaises y convergent.  Les Allemands veulent prendre la ville coûte que coûte, et les Américains présents dans les Ardennes se battent comme des lions dans toute la région. Ils résistent tant qu’ils retardent l’avancée des ennemis.

Le siège de Bastogne dure du 20 au 27 décembre. Les 10.000 hommes de la 101ème division aéroportée et la 10ème division blindée retranchés dans Bastogne et aux alentours vont mettre en échec les coups de boutoir de la Wehrmacht.

Bastogne : nœud routier et nœud du problème

Le 21 décembre 44, toutes les routes entourant Bastogne sont coupées et les 18.000 soldats US sont piégés par 45.000 soldats du Reich. Le ciel est complètement plombé, ce qui empêche l’aviation de ravitailler les Gis qui se désespèrent mais tiennent bon. Le 22 décembre, des émissaires allemands se présentent devant les premières lignes des assiégés. Ils présentent un ultimatum et exigent la reddition sans condition de Bastogne, jouant même sur la corde sensible en mettant la responsabilité des morts civiles sur les Américains au cas où les combats se poursuivraient.  

© bastogne-war-rooms / tempora

C’est le colonel Harper qui les reçoit, et celui-ci transmet le message au Général McAuliffe qui se trouve dans son quartier général, le lieu même où s’ouvre aujourd’hui les Bastogne War Rooms.  Bien entendu, le général refuse cet ultimatum, et fait transmettre une réponse laconique que les Allemands auront du mal à comprendre directement, il s’agit du célèbre « Nuts », autrement dit, des noix, des nèfles, des clous …. Le parlementaire allemand ne comprenant pas la signification de la réponse, il est dit que le messager américain a renforcé le message de façon encore moins élégante ….

En tout cas, cette fin de non-recevoir est passée à la postérité, et est devenu un symbole absolu de résistance, à Bastogne, mais il a également traversé les temps et les espaces géographiques.

© bastogne-war-rooms / tempora

De la caserne Heintz aux Barracks

Les bâtiments originaux des « Bastogne War Rooms » ont été construits dans les années 30 pour accueillir le 2ème régiment des Chasseurs Ardennais. Ils ont été utilisés par les Allemands pendant l’Occupation, et ensuite par les Américains dès septembre 1944. Ces Barracks ont connu bien sûr leur heure de gloire pendant la Bataille des Ardennes. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’armée belge a réoccupé les lieux jusqu’à il y a peu.

Dès 2009 Benoît Lutgen, alors ministre du patrimoine, avait inscrit les casernes sur la liste de sauvegarde du patrimoine wallon. Le bâtiment historique a par la suite, été classé en décembre 2017, par René Collin.

© bastogne-war-rooms / tempora

En 2010, les militaires belges nt installé sur place, un centre d’interprétation afin d’illustrer des scènes de la vie du Général McAuliffe et de ses hommes pendant la guerre. Mais les effectifs de l’armée belge s’amenuisent et ce sont finalement les efforts conjugués de la Commune de Bastogne et Idelux qui ont permis de revaloriser et moderniser les baraquements aujourd’hui démilitarisés.

Aujourd’hui, le bâtiment historique a été entièrement rénové, en respectant l’âme du lieu. Répartis en 1.500 m², dont 500 m² de caves, les Bastogne War Rooms ont été conçus scénographiquement comme un quartier général hors du temps.

© bastogne-war-rooms / tempora

Visiter les Bastogne War Rooms

Les visiteurs qui s’aventureront sur le site plongeront dans le temps, et retrouveront les traces des « boys » et de leurs commandants, sur les lieux mêmes où les épisodes les plus emblématiques de la Bataille des Ardennes se sont produits.

Le nouveau site présente la caserne Heintz de 1933, alors qu’elle était occupée par les Chasseurs Ardennais, jusqu’en 1944.

Au rez-de-chaussée, de grandes tables interactives et dynamiques sont présentées aux visiteurs.  Des cartes d’état-major reprennent les faits marquants de la Bataille des Ardennes, de l’offensive allemande de décembre 1944 aux combats moins connus de janvier 1945 en passant par le siège de Bastogne vu du ciel.

© bastogne-war-rooms / tempora

La première grande table s’attarde sur l’offensive allemande de décembre 44, en présentant quelques exemples marquants de la résistance américaine en Ardenne (Saint-Vith, Krinkelt-Rocherath, Marnach …) A plusieurs endroits de la carte, le visiteur peut voir les combats en direct avec le déplacement des divisions armées.  Cette expérience est complétée par des arrêts sur images et des explications audios.

La deuxième grande table présente un focus sur la Bataille de Bastogne « vue du ciel », grâce aux photos retrouvées par deux frères, dans la carcasse d’un avion abattu. Le visiteur pourra aussi découvrir l’histoire des villages autour de Bastogne. L’un des frères était présent à l’inauguration des Bastogne War Rooms.  André Burnotte, auteur d’un livre de souvenirs (J’avais 13 ans en 44), m’a confié l’importance qu’il donnait au tourisme de mémoire. Afin, a-t-il dit, qu’on n’oublie jamais les souffrances de ceux qui sont partis, de ceux qui sont restés mais ont dû tout reconstruire, afin que cela ne se reproduise plus … Il me raconte :

© bastogne-war-rooms / tempora

« En 6ème latine à Bastogne, je rentre à Chenogne à pied, cela fait 7 kilomètres. Les Allemands occupent Chenogne le 21 décembre, Noël est fêté par les Allemands. Nos photos datent de ce jour.  La reconquête de Chenogne par les Américains s’étalera du 27 décembre au 1er janvier 1945. 5 jours pour reprendre une trentaine de maisons, laissant sur le terrain 21 victimes civiles dont la sœur de maman. Et quelques 28 maisons en ruine, dont la nôtre. Ce qui a été le plus dur, c’est de voir sa maison brûler. Et puis aussi, de voir mes parents pleurer.

Etant bourgmestre de la commune de Sibret, papa ne la quitte pas et vit à partir de ce jour chez son échevin Alphonse G., à Poisson-Moulin.

Après avoir terminé ma sixième latine à Saint-Louis, à Namur, je reviens à Chenogne aux environs du 15 juin et demeure au presbytère, l’un des deux bâtiments encore vivables au lendemain de la bataille. De là, vagabondant dans les campagnes et dans les bois de Chenogne, mon frère Jean et moi-même découvrons les débris d’un avion dans les bois appelés « La Petite Dépêche ») à proximité de la route qui mène à Senonchamps. C’était un Lightning bi fuselage bi moteur. Nous avons trouvé dans ces débris un bout de tissu auquel étaient accrochés quelques lambeaux de chair, que nous avons enfouis au pied d’une croix, dans le cimetière. Nous avons également retrouvé un paquet contenant des documents qui se révélèrent immédiatement des photos d’environ 25cm/25cm. Il y en avait environ 170. Leurs bords étaient abîmés par les neiges et les eaux des 6 mois écoulés. Sur les lisières de ces photos, on savait encore lire une date et une heure : 25 décembre 1944 entre 13 et 14 heures.

Des temps plus tard, des recherches de l’armée américaine révélèrent l’origine du vol de cet avion, aéroport de Conflans à proximité de la frontière française, ainsi que le nom du pilote, Albert Lanker, dont le corps fut inhumé au cimetière américain d’Henri-Chapelle. »

© bastogne-war-rooms / tempora

Enfin, la dernière table illustre des combats moins connus, mais tout aussi meurtriers de janvier 1945. Là, quatre objets d’époque « racontent » leur histoire au visiteur qui pose la main dessus. Le casque d’un soldat allemand, qui recouvre ses cheveux gris, et qui est fait prisonnier, ou encore la pelle d’un malheureux GI qui sera son ultime arme lors d’un combat rapproché au cours duquel il trouvera la mort.

Sur le mur du fond de la grande salle, le nom des villages douloureusement meurtris par cette ultime offensive d’Hitler.

Certains des objets présentés ont une histoire tout à fait à part, comme cette robe confectionnée dans la toile d’un parachute largué sur Bastogne, et offert à une Bastognarde. Celle-ci en fera des foulards et une robe pour la fiancée du GI, dont la famille la renverra au musée bien plus tard. C’est à travers cette histoire, que l’on apprend que la couleur des parachutes indiquait la nature des largages.

© bastogne-war-rooms / tempora

Des caves historiques

La partie au sous-sol est sans aucun doute la partie la plus immersive du parcours puisque nos pas nous conduisent dans les caves historiques où se trouvaient le quartier général américain.

Des dispositifs vidéo de 5 minutes chacun représente quatre moments cruciaux de la journée du 22 décembre 1944, jour où le Général McAuliffe a répliqué son légendaire « Nuts » à la demande de reddition allemande.

En remontant au rez-de-chaussée, le visiteur se retrouve dans la salle où McAuliffe et ses officiers ont pris une partie du repas de Noël, avant de retourner s’abriter dans les caves, menacés par des obus allemands. C’est là aussi qu’est exposée la bannière étoilée de la 101ème aéroportée, que le général a transporté de la Normandie aux Pays-Bas, jusqu’à Bastogne.

© bastogne-war-rooms / tempora

La fin du parcours permet de rendre hommage aux vétérans.

Tout le parcours est commenté grâce à des audio-guides en quatre langues.

Enfin, les plus jeunes ne sont pas oubliés, puisque des bornes interactives sont installées tout au long du parcours, leur permettant d’endosser le rôle d’un soldat travaillant dans une usine de stockage et en s’attelant à la tâche de trier les prochains parachutes de ravitaillement selon leur objectif (soigner, alimenter, armer). Les enfants auront aussi la possibilité de répondre aux questions du reporter de guerre Fred McKensie.

Pour toutes informations visitez leur site.


Voyez sur Culturius cette exposition à Bastogne sur l’antisémitisme.