Brest, portrait d’une ville à visiter de bon cœur !
C’est donc à l’occasion de la Fête de la Musique – et des multiples modifications urbaines qu’elle impose – que mes pas m’ont mené vers une étrange grande ville et perle du Finistère moderne, j’ai nommé Brest.
La perle salée du Finistère
La position assez unique de cette ville perdue à l’extrême Ouest de la France, les pieds dans l’Atlantique, n’empêche pas les ressources de plusieurs générations d’être mises en commun pour mieux bâtir. Plantons le décor : détruite à la fin des années 40 par des bombardements successifs des Alliés, Brest a été rendue à ses légitimes propriétaires sous forme de gravats. La reconstruction est allée bon train ; les trente ans de dur labeur vécus par les survivants du conflit ont engendré une ville à l’architecture ordinaire mais à l’urbanisme étonnant.
« Ordinaire », car rien d’exceptionnel ne se dégage de l’architecture elle-même, sinon la quasi-absence de vieilles constructions (70 ans grand maximum pour la plupart). Accessoirement, la première approche de la ville, à travers 250 hectares de bitume portuaire sous l’ombre écrasante des grues du port, n’est pas exactement vendeuse. Alors pourquoi ai-je écrit « étonnant » ? Parce que c’est le juste mot pour décrire le cœur de cette métropole, tout en vastes rues, zones piétonnes, parcs et points de vue surélevés.
Les merveilles du centre
Les Capucins :
Nommé ainsi d’après le nom de la vaste usine de pièces détachées qui se tint autrefois au même endroit, il s’agit d’un monument à part entière dédié au bien-être du tout-venant, brestois et non-brestois. Il est difficile de ne pas être ébahi par l’immensité de cet endroit ainsi que son investissement total : cinémas, médiathèque, boutiques, murs d’escalade fantaisie, espaces couverts, et expos permanentes s’alignent proprement dans les anciens ateliers de sidérurgie dont quelques vestiges -de vingt tonnes chaque- ornent encore le sol bétonné du grand hall.
J’attire votre attention sur l’aménagement de la grande bibliothèque qui mobilise une grande partie de la façade sud. Aérien et spacieux, l’ensemble de l’espace employé propose pêle-mêle une librairie, une salle de jeu pour les enfants, un secteur « jeu vidéo » (sans rire, il y a même des cabines à réserver…) et un ensemble de mobilier spécialement conçu pour rester allongé. En bref, tout est réuni pour se détendre seul ou en famille, pour étudier ou s’amuser. Pas dur de comprendre que les jeunes ont fait leur part du travail dans la reconstruction de l’endroit !
Le téléphérique :
Oui, vous avez bien lu ; ce dispositif de quelque trente tonnes (par nacelle) est désormais une incontournable curiosité locale. Installé courant 2016 afin d’enjamber le bras de mer scindant la ville, le téléphérique de Brest a pour avantage d’attirer le touriste et de faciliter la circulation (son accès est compris dans les tickets de transports en commun). L’ayant pris quelques fois, je confirme qu’il est déconseillé aux acrophobes (peur du vide) de regarder à travers le hublot délicatement fixé au sol de la nacelle par l’équipe de construction.
Bon point ; la vue est réellement bluffante, et rappelle à notre bon souvenir qu’une seconde ville vit dans la première ; le port militaire.
Le port militaire :
La présence dans cette liste de cet exemple d’ingéniosité urbaine est tout à fait justifiée. Le secteur militaire établi le long des quais de la Penfeld a de quoi surprendre ; pour reprendre mon précédent paragraphe, c’est une ville dans une ville, exhibée aux yeux du tout-venant depuis les rues du centre bâties quelques cinquante mètres plus haut.
Notons ici que l’activité militaire de Brest fait partie intégrante du paysage depuis le XVIIe siècle, et qu’une partie de l’économie de la ville repose sur elle. Le centre des Capucins, également mentionné dans un paragraphe parallèle, servait par ailleurs à son alimentation en pièces détachées du temps de l’essor industriel de la ville sous Napoléon III.
Dialogue :
Cette librairie mérite qu’on s’y attarde. Immense, bâtie sur deux niveaux, ce temple du livre accueille plusieurs fois par an des événements, concours d’écriture et rencontres avec les auteurs. Issu de la même veine qui caractérise le fonctionnement de la ville, le bâtiment s’enorgueillit de la présence d’un café littéraire dans son sous-sol. Approuvé par les amateurs de coins calmes, ce choix d’aménagement est d’autant plus intéressant qu’un second commerce vient enrichir le premier. Malin.
Les Quais :
On ne peut pas prétendre avoir visité Brest sans être passé sur ses docks. La tradition marine de la Bretagne, largement réputée, est justifiée quand on constate l’investissement du port par sa communauté ; outre les sections militaires et industrielles, les quais disposent d’un lieu de vie à part entière à deux pas de l’Abeille Flandre, l’un des plus puissants remorqueurs actifs actuellement en Europe. Désireuse de préserver ses côtes, l’administration portuaire brestoise a également rejoint la course à l’écologie avec la création d’un lieu de décontamination près de la plage du Moulin Blanc. Mais se promener en face des chantiers artisanaux ou observer la mer depuis la digue ceignant le port de plaisance provoque immédiatement l’appel du large.
Le parc botanique :
Il est bien question d’un parc, et pas d’un jardin. Édifié durant les années 1950 à même d’anciennes carrières désertes, ce lieu vert saisit, isole et barricade le promeneur de tout contact urbain. Avec sa surface de quatre hectares en plein air, son immense collection d’espèces végétales menacées et ses lagons, cet ajout intelligent permet à la ville de bénéficier d’un vaste poumon vert immédiatement à côté des quais bitumés du port. Compte tenu de la superficie (50,2 fois supérieure) de ce dernier, il est bon de penser que les nombreux travailleurs du port et les voyageurs peuvent ainsi profiter d’un coin où s’allonger. Ai-je précisé que cet espace était entretenu par des équipes de professionnels agissant en partenariat avec d’autres protecteurs de la flore mondiale ?
Que dire après une telle visite ?
L’innovation. Lorsque ce mot est amené aux oreilles de l’opinion publique, il est d’usage d’évoquer une image moderne, riche en lignes épurées et économe à la fois en matériaux et en décors. Les exemples abondent ; les Rives Ardentes à Liège, la place de Rungis à Paris, Madrid Nuevo Puerto… Dans le cas présent, il est plutôt question de construction intelligente, à échelle humaine. J’entends par-là des projets d’urbanisme conçu avec la participation de l’opinion et de la créativité du peuple, le principal client de ces aménagements, ainsi que la prise en compte de ses besoins sans excès de confort personnel.
J’ai été surpris de constater que la population locale avait si généreusement donné de son temps et de ses ressources pour améliorer son paysage. De très nombreux dons ont, par exemple, été effectués pour meubler la nouvelle bibliothèque des Capucins (en plus des commandes traditionnelles), et les tentatives pour investir les lieux nouveaux ne manquent pas. J’ai été témoin d’expositions artistiques, de séances de yoga, de hip-hop, et même de petits brainstormings menés de main de maître dans un décor que l’on préfère sans peine au papier peint des bureaux.
Un tel étalage d’idées suppose une question quant à la marche à suivre pour repenser notre urbanisme ; Qu’adviendrait-il si tout le monde participait ?