Dans la foulée de mon compte-rendu de l’expo Music Graphics à Auderghem, voici quelques autres pochettes dessinées d’artistes francophones, ne figurant pas à l’exposition Music Graphics.

Ce qui est normal : l’exhaustivité est rigoureusement impossible avec un tel sujet aussi richissime et qui s’étend sur plusieurs décennies, et même -certes marginalement mais tout de même -jusqu’à aujourd’hui !

Quelques exemples de créations remarquables francophones mais dont certaines sont oubliées. Raison de plus pour nous livrer au plaisir de choix de tout amateur de culture : la (re)découverte, selon votre âge et le niveau de vos connaissances, liées à la passion éventuelle…ou simplement à une curiosité naissante que j’espère ne pas décevoir.

Les galeries et les critiques d’art s’en occupent peu -mis à part les expositions dédiées aux pochettes évidemment, qui se multiplient – mais de très grands noms des arts : dessin et même peinture se sont commis depuis longtemps à la conception  de pochettes de disques destinés à un public populaire ! Et ils ont eu raison.

Pas les critiques d’art à ce sujet, qui trop souvent ignorent les pans plus commerciaux de leur œuvre ; mais les artistes eux-mêmes. Le grand Bernard Buffet fut une star de la peinture -avant tout -durant les années cinquante et soixante avant tout, alors que ses initiales n’étaient pas loin d’être aussi célèbres que celles d’une superstar du cinéma (voire de la chanson, dans une moindre mesure), Bardot.

Bernard Buffet fut adulé avant d’être rejeté par une part de la critique de plus en plus dogmatique et intransigeante, air connu mais je ne m’appesantis pas là-dessus. Au point d’être poussé au suicide en octobre 1999, un sac plastique enserrant sa tête pour un étouffement volontaire…

Outre des réalisations de très haut prestige -en jazz avec rien moins notamment qu’Ella Fitzgerald, the First Lady Of Jazz -il dessina des pochettes de 45 tours pour une certaine Renée Passeur(1958), mais surtout Annabel sa femme et une amie commune : très connue aujourd’hui encore : Dani (1967).

Dani qui rejoignait parfois le couple glamour Buffet-Annabel en vacances estivales…

En 2017, une pochette dessinée d’un CD magnifique -le disque de l’année selon le critique culturel de Paris Match Fabrice Leclerc, début janvier 2018 -apparut également sur la version vinyle en tirage limité : Imparfaite, de la grande voire grandissime Jil Caplan.

Immense chanteuse et auteure (ou autrice, comme vous voulez) de chansons qui sont autant de bijoux scintillants, de purs joyaux hors du temps. Avec notamment le roi de la guitare manouche Romane, le compositeur et guitariste et producteur Jean-Christophe Urbain -par ailleurs un des deux leaders des Innocents -le batteur Lambert Boudier notamment…Jil Caplan a dessiné la pochette…sans même se créditer.

Ce qui est frappant, c’est de pouvoir constater une certaine similitude entre ce type de dessins de…Bernard Buffet (qu’elle n’a pas connu) et sa propre création. Le fils adoptif de Bernard Buffet, Nicolas Buffet, n’en disconvient pas après avoir découvert ce visuel si classieux de Jil Caplan (dans un courriel adressé à l’auteur de ces lignes).

Au féminin !

Il est vrai que cet univers de création graphique et artistique est longtemps resté un apanage très (trop ?) fortement masculin.

Mais en 1966, un chanteur toujours à la pointe des évolutions et aux longues antennes perfectionnées, Danyel Gérard, eut l’idée de faire appel à un(e) peintre connue à l’époque : Agnès Verochek. Qui se fendit d’un magnifique portrait de l’artiste dont je vous laisse juge.

Danyel Gérard (1966)

Aujourd’hui Danyel Gérard s’occupe d’une radio dans un magnifique coin de France, Guerville : Music Box… 

Un bestiaire

Les animaux ont été une source d’inspiration intarissable pour les créateurs de pochettes de disques de partout, en photos et en dessins voire les deux mélangés. On commence par…notre ami Théodore le Dinosaure, du chef d’orchestre autrefois connu Jack Ary. Une réalisation d’un certain Charleavella inconnu de moi, en 1961.

Qui dit «chat» dit Philippe Geluck aujourd’hui. Et voici une pochette-…surprise de et avec Geluck (1981) et le titre (totalement oublié) mettant à l’honneur ce chien et non un chat est cosigné Geluck et un autre Philippe: Lafontaine qui huit ans plus tard obtint la gloire grâce à un autre animal…Coeur de Loup bien entendu ! On oublie que Geluck n’a pas commencé sa brillantissime carrière avec Le Chat .

Avant notre très grand compatriote, Siné était le grand dessinateur français de chats bien connu ! Lorsque les Chats sauvages et le regretté Dick Rivers déboulèrent avec fracas au firmament du rock and roll français en 1961, il fut fait appel à lui pour deux pochettes dessinées semblables. (-un EP soit extended play, un 45 tours de quatre titres).

Si les Chats furent illustrés par des félins, le grand groupe rival les Chaussettes noires le fut sur un 25 cm paru la même année -1961 -par…de simples chaussettes noires dessinées, d’un glamour relatif. Un visuel pourtant dû au talentueux collaborateur habituel de Barclay, Gérard Jourdan. Mais le rock and roll crépitait et les jeunes fans étaient fous de joie…

Pochettes françaises, les choses sérieuses

On n’allait pas en rester là en France, côté créations graphiques. L’ex-leader des Chaussettes noires, Eddy Mitchell, a toujours été un fou de BD -même si ce terme n’existait pas dans les années cinquante.

En 1967, il réussit à publier un album on ne peut plus prestigieux, tant pour les chansons que pour la pochette due à Jean Giraud (alias Gir, alias Moebius)…et une histoire dessinée où on retrouve notamment son comparse, plus ami de toujours que rival, Johnny.

Un album qui synthétise tous les fantasmes cinématographiques du cador du rock et du rhythm and blues, et grand crooner : Mitchell. 7 Colts Pour Schmoll.

Celui qui est le troisième larron du rock français des premières années, Dick Rivers, toujours un peu mis à l’écart malgré son évident talent XXL, n’allait pas demeurer en reste. Fou de BD lui aussi, il réussit à mobiliser un autre géant de la BD, Morris pour un 33 tours paru en 1975  : Mississippi River’s.

Avec une atmosphère plus louisianaise que nature, présentant notamment un de ces fameux bateaux à vapeur (steamrollers) qui sont indissociables du fleuve géant qui traverse les États-Unis (pas toujours unis du reste mais laissons la légende enrober nos rêves). Tout cela nous mène à une pochette-choc, directement influencée par le mythique Sgt Pepper’s !

Qui fait l’objet d’un article à part, avec interview inédite de son créateur anglais…

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