Quel plaisir de retrouver l’humour légendaire des photos d’Elliott Erwitt mis en scène avec art dans le discret mais très efficace Musée Maillol de Paris. Une rétrospective solaire qui fait du bien et qui apporte un regard positif sur l’Humanité. Rencontre avec un des plus importants photographes du XXème siècle.

Le succès c’est la liberté de faire ce que l’on veut.

Elliott Erwitt

« En réalité, dire qu’il y a de l’humanité dans mes photos est le plus grand compliment qu’on m’ait jamais adressé. Si mes photos permettent aux gens de voir le monde d’une certaine façon, c’est certainement d’y voir les choses sérieuses d’une manière non sérieuse. » Elliott Erwitt.

Adressons donc à nouveau ce compliment bien mérité à l’ami des chiens qui rend les humains sympathiques. Et espérons que depuis New-York où il habite il percevra les ondes positives que son œuvre photographique répand de l’autre côté de l’océan. Car Elliott Erwitt est bien vivant et toujours remuant, portant beau ses bientôt 95 ans. Il faut croire que prendre la vie du bon côté conserve comme le supposait très justement Voltaire : « Je me suis mis à être un peu gai, parce qu’on m’a dit que cela est bon pour la santé. ».

L’humour est omniprésent dans son œuvre. Ses photos de chiens sont célèbres. Souvent, marchant dans la rue à New York derrière un chien et son maître, il aboyait pour que le chien se retourne et que l’expression soit intéressante. Wouf ! Wouf ! et la photo est prise. C’était si bien imité que parfois le maître croyait que c’était son chien qui avait aboyé.

Une image est bonne si elle possède ces deux qualités, la composition et le contenu, mais aussi la magie.

Elliott Erwitt

« D’abord il s’agit d’obtenir une sorte de cadre puis d’attendre que quelqu’un y prenne place. » Elliott Erwitt.

Elliott Erwitt est né le 26 juillet 1928 à Paris, fils d’immigrés juifs originaires de Russie, les Erwitz, qui passeront les dix premières années de la vie du petit garçon en Italie à Milan et, la guerre approchant, s’installeront en 1939 aux Etats-Unis à Los Angeles où il deviennent les Erwitt. Le jeune Elliott y étudie la photographie à Los Angeles et revient en Europe pour son service militaire au département photographie en Allemagne et en France de 1949 à 1952. Il participe en 1951 à un concours de photos du magazine Life et gagne le grand prix, ce qui lui permet de s‘acheter sa première voiture qu’il appellera Thank-You Henry, du nom du fondateur du groupe Time-Life, Henry Luce. Revenu aux Etats-Unis, il rejoint la déjà célèbre agence Magnum Photos en 1954.

C’est le début d’une longue carrière de photographe international. Il a besoin de reportages de commande pour vivre, mais se promène toujours avec deux appareils en bandoulière, un pour le travail et l’autre pour son plaisir, prêt à saisir l’instant que son intuition lui murmure d’immortaliser. C’est une fois arrivé à l’âge de soixante ans qu’il se décidera à mettre de l’ordre dans sa collection de photos privées, plus de 600 000 négatifs, et entame une seconde carrière de publications qui sera un énorme succès. Il a à ce jour aussi tourné une vingtaine de films, publié une quarantaine d’ouvrages, été exposé des centaines de fois à travers le monde.

Un photographe ne doit jamais montrer ses planches contact, on pourrait mal comprendre sa démarche, ou pire, la comprendre.

Elliott Erwitt

« La photo n’est autre qu’un état d’oisiveté et de contemplation intenses qui aboutit à un bon cliché noir et blanc. » Elliott Erwitt.

Au Musée Maillol pour retrouver son chemin il suffit de suivre les traces de pattes de chien ingénieusement projetées au sol de l’exposition. Deux grandes parties s’offrent au visiteur : les photos en noir et blanc qui l’ont rendu célèbre, et des photos en couleurs de sa série Kolor. Il y a les photos de presse comme celles de JFK et Jackie Kennedy, Hitchcock, Marilyn, Khrouchtchev, Arnold Schwarzenegger, de Gaulle, et puis les photos plus personnelles, plus créatives, plus amusantes. 

Il y a des séries aussi. Les chiens bien sûr, mais pas seulement eux. Les plages l’inspirent beaucoup. Pour lui chaque groupe humain a sa manière particulière et culturelle d’aller à la plage : les Anglais font trempette en relevant leurs bas de pantalons et mettant leurs pieds dans l’eau jusqu’au mollet, les Allemands sont rigides même lorsqu’ils sont nus, les jet-setters reproduisent les allures de mode du cinéma hollywoodien.

Les villes l’inspirent aussi, lui qui estime que les bâtiments ont une personnalité tout comme les individus. Elliott Erwitt est d’abord un citadin. C’est un grand peintre des scènes de rue, là où l’humanité grouillante s’exhibe avec parfois de la violence ou de la vulgarité. Dans ce domaine, il lui arrive de mettre son humour de côté et opte pour le réalisme brut.

Je pense que la chose la plus importante que l’on puisse faire en photographie est de susciter l’émotion, de faire rire ou pleurer, ou les deux à la fois. 

Elliott Erwitt

« Mes meilleures photos sont celles que je n’ai pas prises. » Elliott Erwitt

Elliott Erwitt possède un chien et il est fasciné par ces gentils toutous à qui il a consacré plusieurs livres. Dans son ouvrage Dog Dogs il écrit en 1998 : « Les chiens ont plus à faire que les enfants. D’une part, ils sont obligés de mener une vie vraiment schizoïde. Chaque minute, ils doivent vivre sur deux plans à la fois, jonglant entre le monde canin et le monde humain. Et ils sont toujours à pied d’œuvre. Leurs maîtres veulent une affection instantanée tous les jours, à tout moment de la journée. Un chien ne peut jamais dire qu’il a autre chose à faire. Il ne peut jamais avoir mal à la tête, comme une épouse. » 

Elliott Erwitt possède un chien et il est fasciné par ces gentils toutous à qui il a consacré plusieurs livres. Dans son ouvrage Dog Dogs il écrit en 1998 : « Les chiens ont plus à faire que les enfants. D’une part, ils sont obligés de mener une vie vraiment schizoïde. Chaque minute, ils doivent vivre sur deux plans à la fois, jonglant entre le monde canin et le monde humain. Et ils sont toujours à pied d’œuvre. Leurs maîtres veulent une affection instantanée tous les jours, à tout moment de la journée. Un chien ne peut jamais dire qu’il a autre chose à faire. Il ne peut jamais avoir mal à la tête, comme une épouse. » 

Las Vegas 1957. Elliott Erwitt.

Il les aime sincèrement aussi parce que : « Ils sont partout. Ils sont habituellement sympathiques. Ils ne se plaignent pas. Et ils ne demandent pas de tirage. »

Il englobe les chiens dans la tendresse des humains. Elliott Erwitt ne dit-il pas : « On peut sans doute enseigner le sens visuel, mais pas dans ce qu’il a de plus profond. C’est une question d’œil mais aussi de cœur. » Face aux images générées actuellement par ordinateur, cela laisse encore de l’espoir pour les artistes humains.

« Le but de prendre des photos est de ne pas avoir à expliquer les choses avec des mots. » Elliott Erwitt

« Je prends des photos sérieuses, de temps en temps. » Elliott Erwitt

« Tout est question de savoir réagir à ce que l’on voit, de préférence sans idée préconçue. »

Elliott Erwitt

Vous aimez la photographie? Découvrez notre article sur Vivian Maier, la photographe américaine sortie de l’oubli.


Elliott Erwitt. Une rétrospective. Du 23 mars 2023 au 15 août 2023.