Les photos des jours heureux et souvenirs en musique des années soixante et septante.

Dans sa chanson La Frime de 1967, Bernard Lavilliers égratigne gentiment Hallyday.
Dans son tir au pipes généralisé où il s’en prend à d’autres icônes comme Aznavour ou Gréco, il est sarcastique : «C’est Johnny qui aime Boris Vian»… !
Dommage, Fais-Moi Mal Johnny de Vian, par Johnny, cela aurait eu de la gueule !
En 1965, il fut brièvement question d’un album de reprises de Vian par Johnny : c’est resté dans les limbes.

Johnny Hallyday en couverture : le 27 mai 1967, il se produit à Besançon, et dans la ville de Victor Hugo, le rocker lit vraiment L’Écume des jours, de Boris Vian ! C’est ce que confirme le grand photographe Gérard Bousquet. Son recueil de photos d’artistes divers, datant des années 1967 à 1975, toutes en noir et blanc, est une fête pour les yeux et pour nos mémoires.

©GÉRARD BOUSQUET TOUS DROITS RÉSERVÉS

Gérard Bousquet raconte également sa vie : il débute sa vie active comme assistant du très grand photographe aujourd’hui disparu Jean-Pierre Leloir, puis après l’armée il publie sa toute première parution… mais non créditée à lui à l’époque : Jazz Magazine de janvier 1965, avec Erroll Garner, en pleine action à l’Olympia le 12 décembre 1964.

Le jazz est la passion de Gérard Bousquet, tout comme la photographie. Mais il mentionne Gilbert Bécaud — la vraie première idole des jeunes — parmi ses tout premiers émois musicaux, dès les années cinquante.

À partir du printemps 1967, il travaille pour le mensuel Moins 20 jusqu’à la fin 1968, lorsque la revue met la clé sous la porte.

France Gall en couverture de Moins 20, photographiée par Gérard Bousquet

Mais la transition est facile et immédiate et il intègre dès ce moment le staff prestigieux de Salut les Copains ! Son premier grand reportage dans ce mensuel paraît en janvier 1969, sur les Charlots. La presse papier vit encore des heures glorieuses, même si — il ne faut pas l’oublier — la réussite n’a pas souri à tout le monde, même en ces années aujourd’hui mythiques.

Puis à la suite d’un litige — un reportage refusé… sur les Charlots, comme une boucle qui se referme ! — il quitte Salut les Copains et il participe aux premières années du magazine Hit au début des années 70. Un périodique au look différent, qui privilégie les textes courts et un graphisme un peu fourre-tout. Un précurseur de ce qui se fait aujourd’hui dans la presse populaire.

On ajoutera que Gérard Bousquet est l’auteur de nombreuses pochettes de disques dès 1967 (Hugues Aufray en premier, Adamo, Bécaud, Christophe, Nino Ferrer, Claude François, etc.).

On paraphrase ici Eddy Mitchell et sa jolie chanson oubliée La Photo des jours heureux (1965). Le rocker -crooner figure bien entendu dans le recueil de ces images qui exhalent l’insouciance et une forme de bonheur de vivre.

Via de nombreux clichés plus originaux et réussis les uns que les autres !

Jacques Dutronc en couverture de Moins 20, juillet 1967, photographié par Gérard Bousquet

Son vieil ami, autre future Vieille Canaille, Johnny apparaît sous son jour le plus flamboyant sur les divers clichés sélectionnés par Gérard Bousquet : notamment p.128 et 129, en nage et arborant une magnifique chemise de satin après le concert de Besançon et en compagnie de Sylvie Vartan et du regretté Ticky Holgado (p.128-129), torse nu sur scène en 1967 (p.131), etc. La légende de cette photo en p.131 précise qu’à l’époque, approcher les idoles était facile.

Comme tant de personnes ayant vécu ces années le confirment, dont Bousquet, on vivait dans une atmosphère d’insouciance, de simplicité, de joie de vivre et de spontanéité.

Et cela loin des innombrables barrières d’aujourd’hui et des management et marketing devenus omnipotents et encore embryonnaires alors.

Les patrons de maisons de disques, même les plus grandes, ne qualifiaient pas les chanteurs et chanteuses de «marques» (sic !)

Aujourd’hui les dirigeants viennent plus souvent du monde du commerce que de l’art et raisonnent surtout en boutiquiers et en publicitaires. Beaucoup plus de business que de show en somme…

Mais revenons aux années immortalisées par Gérard Bousquet, qui a eu le talent d’établir une relation de confiance avec les vedettes, tout comme un Jean-Marie Périer , le maître d’œuvre de Salut les Copains.

On mentionnait deux futures Vieilles Canailles : la troisième est bien présente ! Jacques Dutronc est doté d’une photogénie ravageuse, qu’il est troublant de retrouver chez son si talentueux fiston Thomas aujourd’hui.

On attend avec impatience la tournée du père et du fils réunis en 2022, y compris deux fois à Bruxelles !

Françoise Hardy en couverture de Moins 20, novembre 1968, photographiée par Gérard Bousquet

La place manque pour décrire tout le contenu chatoyant et infiniment varié de cet ouvrage attachant que l’on ne peut que feuilleter avec un grand sourire.

Et toutes les personnalités du spectacle de l’époque se retrouvent dans ce recueil, ou presque : Adamo, Antoine, Aznavour, Bécaud, les Charlots, Christophe, Julien Clerc, Dani, Joe Dassin, le regretté et ultraphotogénique Delpech (voir sa parodie hilarante de Lennon et Yoko Ono au lit devant les photographes, p. 81, le chanteur de -très grand-charme arborant pour l’occasion les lunettes rondes du bientôt ex-Beatles !) , Claude François, Michel Fugain, Gainsbourg (avec Claude François -une surprise, p.106 !) France Gall, Il était une fois, Herbert Léonard, Enrico Macias, Monty, Annie Philippe, Michel Polnareff, Dick Rivers, un Sardou d’avant la gloire, Pierre Vassiliu, etc.

Et quelques chanteurs importants pour les années 70 : Mike Brant, William Sheller, Alain Souchon.

Une grande chanteuse anglaise, pour qui le photographe ressent un vrai penchant (compréhensible) : l’explosive Julie Driscoll.

Pour Polnareff, la photo en p.179 le montre en 1968 en séance d’enregistrement avec une vieille dame, et…un balai posé à côté du chanteur !
Insolite mais cela correspondait à un «concept» pour le moins original.
La dame âgée n’est autre…que la concierge de Gérard Bousquet, emmenée auprès du chanteur qui enregistre un titre assez irrésistible et que seuls ses fans acharnés connaissent : Pipelette !

Conclusion par Hugues Aufray

Hugues Aufray nous fait l’amabilité de fournir la chute de cette chronique ! Il est l’auteur de la préface, intitulée «Les magiciens». On le cite, à propos des photographes en général…

Observateurs, patients, arrêtant le temps sur une attitude, une émotion, un regard…ils nous aident à retrouver nos traces ! Ils offrent surtout du rêve à des milliers de gens… (…) Oui, les photographes sont des magiciens.

Hugues Aufray

Bousquet, G. (2017). Idoles journal d’un photographe. Éditions nouveau monde. 223 pages, avec préface de Hughes Aufray.
Prix public: 39 euros