Vita Sackville-West fut une femme écrivain exubérante qui créa les magnifiques jardins de son château de Sissinghurst. Elle vivait aussi une histoire passionnée avec la célèbre Virginia Woolf. Une maison d’écrivain à voir absolument dans le Kent.

C’est un des jardins d’Angleterre les plus visités, il appartient au National Trust depuis 1967. Quand on connaît la passion des insulaires pour les jardins, on comprend que c’est un lieu emblématique. J’y suis allé l’an dernier à l’occasion de la « coronation » du roi Charles III, au début du mois de mai. Les jardins n’étaient pas encore en fleurs mais on pouvait se faire une idée de la beauté des lieux. La château en lui-même est une grande demeure élisabéthaine.

La Tour de Sissinghurst © photo Grégoire Tolstoï

Sissinghurst, dont le nom veut dire en vieil anglois « La clairière dans les forêts », a des fondations datant du Moyen-Âge. C’est une des premières demeures du Kent à avoir été construite en briques au lieu des traditionnelles pierres et poutres, vers 1480. Différentes familles s’y succèdent, et en 1756, pendant la Guerre de Sept Ans, le château devient une prison pour les prisonniers français. Plus de trois mille d’entre eux y furent engeôlés, ce qui dégrada les bâtiments. La détérioration se poursuivit au fil des siècles jusqu’à ce que les Sackville-West rachètent cette antique demeure en ruines en 1930.

Les jardins aux pieds de la Tour © Wikipedia Commons

Pourquoi acheter un château en ruines alors qu’on en a déjà un très beau par ailleurs ?

Le père de Vita, Lord Sackville, possédait un superbe château élisabéthain non loin de là, Knole House, toujours dans le Kent, région surnommée le Jardin de l’Angleterre. Entourée d’un parc aux cerfs de 400 hectares, la splendide demeure familiale des Sackville était sous le coup de la loi de succession anglaise qui interdisait aux femmes d’hériter des majorats. C’est donc un cousin éloigné qui s’est présenté pour en hériter, au lieu de la fille des propriétaires, la jeune Vita. Par la même occasion il reprenait le titre de lord y afférent. C’est le même genre d’histoire qui est reprise dans la série Downton Abbey, un classique en Angleterre.

Vita Sackville-West en 1918 par William Strang (1859-1921) dans la Art Gallery and Museum, Kelvingrove, Glasgow, Scotland © Culture and Sport Glasgow (Museums)

Vita Sackville-West

Elle est née en 1892 dans le château de son père, Knole House, auquel elle est très attachée. En 1922 elle publie une étude intitulée Knole and the Sackvilles qui raconte l’histoire de sa famille dans la propriété. Cette histoire sera reprise en 1928 par Virginia Woolf dans son roman Orlando, attribuant à la demeure de son héros les mêmes nombres symboliques que l’on attribue au château de Knole : 365 fenêtres, 52 escaliers et 7 cours. Vita épouse en 1913 le diplomate Harold Nicolson (1886-1968) qui sera plus tard élu au Parlement britannique. C’est un couple sexuellement libre.

Vita Sackville-West en 1910 par Philip Alexius de László (1869-1937) © Château de Sissinghurst / National Trust

La liberté sexuelle

Sir Harold Nicolson, anobli en 1953, est bisexuel, et Vita aussi. Leur fils Nigel Nicolson racontera leur histoire dans son livre Portrait d’un mariage. Mais ce sont les amours de Vita qui sont les plus connues. Son histoire la plus célèbre est la longue relation qu’elle a eue avec Virginia Woolf, mais elle a aussi eu une relation tumultueuse avec Violet Trefusis, fille d’Alice Keppel, la maîtresse officielle du roi Edouard VII. Vita a douze ans quand elle rencontre pour la première fois Violet qui n’en a que dix. Quand elles seront mariées elles partiront en voyage en France ensemble, Vita s’habillant en homme. Vita poursuivra ses conquêtes, telle la journaliste Evelyn Irons, abandonnant Violet qui refusera la séparation.

Le magniique portrait de László dans un salon du château © photo Grégoire Tolstoï

Le fils de Vita, Nigel Nicolson, écrira plus tard à ce sujet : « Elle s’est battue pour le droit d’aimer, hommes et femmes, rejetant les conventions selon lesquelles le mariage exige un amour exclusif, et que les femmes ne devraient aimer que les hommes, et les hommes uniquement les femmes. Pour cela, elle était prête à tout abandonner… Comment pourrait-elle regretter que ce savoir puisse atteindre les oreilles d’une nouvelle génération, qui plus est infiniment plus compréhensive que la sienne ? »

Bibliothèque de Vita, pour lire au calme de la Tour © photo Grégoire Tolstoï

Château et jardins

Les œuvres littéraires de Vita Sackville-West sont très nombreuses, tant en prose qu’en poésie, nous n’allons pas les lister ici, mais son style et son imagination vous raviront si vous vous lancez dans leur lecture. Un film a été consacré aux amours de Vita et de Virginia, intitulé simplement Vita and Virginia, réalisé par Chanya Button en 2018.

La vue du haut de la Tour va jusqu’à Cantorbéry © photo Grégoire Tolstoï

Il faut visiter cette demeure d’écrivain qui vous emmènera dans un voyage temporel depuis les années trente jusqu’en 1962, année de la mort de Vita. Allez dans la tour du château, véritable « Tour d’Ivoire » où l’écrivain se retirait pour lire et travailler dans la tranquillité de son bureau qui se visite. De la terrasse en haut de la tour vous avez une splendide vue sur toute la campagne environnante, jusqu’à Cantorbéry.

Un coin du parc au printemps © photo Grégoire Tolstoï

Les jardins sont dessinés sur un terrain de cinq hectares divisé en dix parcelles séparées par des haies d’ifs et de vieux murs. Ces jardins sont créés par thèmes comme le jardin des roses, le jardin paysan, le passage des tilleuls, le jardin aux herbes, le petit canal et le verger, la noiseraie, le jardin blanc. Un endroit charmant et paisible, malgré les 160 000 visiteurs annuels. Ce chiffre est une limite fixée par la National Trust pour garantir une visite de qualité, sans cela il y aura bien plus de monde.

Pour visiter le château et les jardins voyez leur site.


Visitez une autre maison d’écrivain, Rungstedlund, chez Karen Blixen !