La Chapelle Saint-Yves à Saint-Brieuc est un ensemble religieux cohérent dans lequel s’harmonisent l’architecture, la décoration et même le mobilier, inspirée par le mouvement artistique breton Seiz Breur. Un lieu original, teinté de couleur rose, à découvrir pour tous les amoureux de l’Art Déco.

Parler de chapelle pour ce lieu de culte catholique est assez étonnant au vu des proportions de cet imposant bâtiment. On imagine visiter une petite chapelle et on se retrouve dans une véritable église, impressionnante par sa taille. Elle est dédiée à Saint-Yves de Tréguier, un prêtre et un juriste breton du XIIIe siècle, devenu le Saint patron de la Bretagne et de toutes les professions de justice et de droit. Par ailleurs, vous le savez probablement, la Sainte patronne de la Bretagne est Sainte Anne, la mère de la Vierge Marie.

Un pavé mosaïque blanc et noir aux couleurs de la Bretagne, qui alterne avec des triskels, motif traditionnel breton © photo Grégoire Tolstoï

La Chapelle Saint-Yves se trouve au cœur de l’ancien Grand Séminaire, un haut lieu du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. C’est un très bel ensemble de bâtiments construits en 1927 par l’architecte Georges-Robert Lefort avec cette belle pierre grise bretonne mélangée à des parties très audacieuses en ciment, telles les ogives qui cernent le cloître. L’utilisation visible du ciment, qui ne se cache pas pudiquement derrière la pierre mais qui se montre dans sa simplicité brute, permet une harmonisation intéressante avec la pierre qui étonne dans ce lieu d’apparence traditionnelle. Les centaines de séminaristes qui sont passés dans ces murs ont dû être impressionnés en arrivant dans la chapelle.

Une œuvre d’art total pour laquelle chaque détail, chaque meuble, a été spécialement créé il y a un siècle © photos Grégoire Tolstoï

Ce qui étonne d’abord c’est la couleur rose qui nimbe de douceur ce lieu qui aurait pu être froid, teinte inhabituelle dans une église catholique. Et très vite on se rend compte que le chemin de croix n’est pas illustré de tableaux de la passion du Christ, comme dans la grande majorité des églises, mais est constitué de motifs symboliques. Seules les phrases écrites scandent les différents moments de la Passion, mais pas d’imagerie. Partout le travail du bois nous offre une couleur miel qui s’harmonise elle aussi avec l’ensemble. Les travées des bancs se font face, joliment sculptées de pommes de pin stylisées.

Un très beau travail du bois et un Chemin de Croix original, sans représentation du Christ © photos Grégoire Tolstoï

Les hautes fenêtres sont décorées de vitraux discrets. Partout les mosaïques murales ou au sol d’Isidore Odorico rappellent par leurs motifs que nous sommes en Bretagne. Même les grilles en fer forgé sont un magnifique travail d’époque conçu pour former un ensemble unique avec le reste. Ce genre d’œuvre d’art total est très rare et mérite d’être protégé. Dans la crypte on retrouvera des fresques peintes par Xavier de Langlais. Le très beau mobilier, réalisé spécialement pour cette chapelle, s’inspire du mouvement Seiz Breur.

La présence audacieuse du ciment dans une architecture inspirée du Moyen Âge © photo Grégoire Tolstoï

Qu’est-ce que le mouvement Seiz Breur ?

C’est un mouvement artistique d’inspiration bretonne qui a été surtout actif dans l’entre-deux-guerres. Créé en 1923, il se donne pour mission de renouveler l’art populaire breton, et cela dans tous les domaines artistiques. On retrouvera donc des peintres, sculpteurs, écrivains, illustrateurs, ébénistes, brodeurs, verriers, architectes, etc… Une cinquantaine d’artistes en font partie, dans une rare pluralité artistique qui a marqué la Bretagne. Dès 1925 les membres de ce mouvement participent à l’Exposition internationale des Arts décoratifs de Paris, ils sont donc une brillante représentation de l’Art Déco en Bretagne.

Partout l’At Déco et son pendant breton , le mouvement Seiz Breur © photos Grégoire Tolstoï

Le nom Ar Seiz Breur signifie Les Sept Frères et est inspiré par un conte traditionnel breton, une histoire triste et douloureuse qui se mue en une rédemption et une renaissance incarnée par sept frères. Un thème de circonstances pour ces artistes bretons qui désirent s’échapper de la vision trop étriquée de la culture bretonne imposée par le développement du tourisme, ce qu’on a appelé les « biniouseries ». Les Seiz Breur cherchent à rendre vivante cette tradition figée dans le passé. Ils utilisent des motifs bretons pour les faire évoluer dans leur représentation, comme les beaux triskels que l’on peut voir en mosaïque sur le pavement de la chapelle.

Même les grilles ont été spécialement dessinées pour ce lieu © photo Grégoire Tolstoï

Parfaitement entretenu et bien fréquenté par un public nombreux, cet ancien Grand Séminaire s’est ouvert à la visite en 2017, et a été élu 8ème monument préféré des Français en 2022. C’est un lieu inattendu à voir lors de votre passage à Saint-Brieuc. Il y a aussi un parking spacieux dans le parc, et l’entrée est gratuite.

Chapelle de la Maison Saint-Yves, 81 Rue Mathurin Meheut, 22 000 Saint-Brieuc


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