Une machine à remonter le temps est installée au Musée des Arts Décoratifs jusqu’au 16 avril, une seule destination : les années 80. Elles commencent avec l’élection de François Mitterrand et se terminent avec le bicentenaire de la révolution. Mode, design et graphisme sont déclinés au fil des salles consacrées à la politique culturelle, à la libéralisation des médias ou à l’âge d’or de la publicité car tout est en tout dans ces années qui pétillent, mixent et paradent dans un vent de liberté. Des années marquées par la fin des idéaux de mai 68, par l’ère du fric assumé et le goût de la provocation.

Une nouvelle ère politique 

La force de cette affiche est qu’elle déplaçait le jeu. Elle n’était pas politique mais sociologique. François Mitterrand avait compris avec beaucoup d’avance sur tous les politiques et tous les journalistes qu’il ne s’agissait plus d’opinion publique mais d’affection publique.

Jacques Séguéla
1) Affiche de la campagne de l’élection présidentielle de 1981 Photo prise dans la Nièvre par Patrick de Mervelec, slogan  de jacques Séguéla.
2) Les Unes de Libération du 12 Mai 1981 au 26 Décembre 1989.        

« 1500 000 chômeurs, l’emploi exige une autre politique », « Pour vivre en sécurité, défendons chaque liberté »  pouvait-on lire sur d’ autres affiches du PS qui avait alors le vent en poupe ! En un tour de salle , on retrouve l’enthousiasme de cette année 1981 qui marquait pour beaucoup de jeunes dont je faisais partie l’entrée dans un monde plein de promesses.

Les Unes de « Libé », de retour dans les kiosques après deux mois d’interruption et regroupées ici donnent une idée des évènements au fil des mois et des années : les mesures sociales dont l’IGF, l’abolition de la peine de mort, l’attentat de la rue des Rosiers, la marche contre le racisme, la cure d’austérité, l’isolation du virus du SIDA, le lancement de CANAL+, la catastrophe de Tchernobyl, la chute du mur de Berlin… Liste bien sûr non exhaustive !

Une nouvelle ère culturelle

La culture est le droit à la vie, le droit au bonheur.

Jack Lang

La culture est un des fondements de cette nouvelle société et le ministre qui la représente en est le séduisant étendard ; Jack Lang, dont le fameux costume Thierry Mugler à col Mao trône au milieu d’une salle, dirigera avec brio le ministère désormais appelé « de la Culture, de la Communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire. » De nombreux événements créés à l’époque continuent de ponctuer le quotidien des français comme la Fête de la musique, la Fête du cinéma, les Journées Portes ouvertes des monuments historiques ou le Printemps des poètes. La photographie, le design et la mode intègrent le giron du ministère qui soutient des initiatives privées et associatives.

La famille Mitterrand s’installe à l’Elysée et le président fait appel à cinq créateurs pour promouvoir la création contemporaine à travers l’aménagement des appartements privés. C’est Philippe Starck qui se voit confier l’ameublement de la chambre de la première dame et Jean-Michel Wilmotte, celle du président.

Un souffle nouveau

 

Nous, on frappe aux hertz, donc on fait mal avec les ondes !

Jean Ducarroir

Un vent de modernité souffle sur le palais et sur la capitale où est lancé un vaste programme de constructions architecturales. Les projets entamés par Valéry Giscard d’Estaing, le musée d’Orsay, la Cité des sciences et de l’industrie et l’Institut du monde arabe sont achevés et d’autres voient le jour comme le Grand Louvre et sa pyramide, l’opéra Bastille, l’Arche de la Défense et la BnF.

Un vent de liberté souffle également sur les ondes avec la fin de la tutelle de l’État sur la radio et la télévision. Les radios pirates libres se multiplient alors qu’est créée la Haute autorité  de la communication audiovisuelle  « chargée de garantir l’indépendance du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ».

PUB !

Tout le monde se lève pour… la pub !

 1) Pliz , Dominique Cheminal, 1980. La comédienne Marie-Pierre Casey tirera une immense notoriété de cette publicité dont la chute reste dans tous les esprits « Et c’est tant mieux car je ne ferais pas ça tous les jours ! ».
2) L’afficheur qui tient ses promesses, 1981.Affiches Avenir. Une campagne qui fera grand bruit !

Une salle est consacrée à la publicité et vous retrouverez ou découvrirez les spots publicitaires réalisés par des noms devenus célèbres : Etienne Chatiliez , Jean-Baptiste Mondino ou Jean-Paul Goude. Les slogans sont mis en musique par des artistes reconnus comme Gotainer, Sheller, ou même Gainsbourg. Les spots publicitaires deviennent de véritables petits films baptisés  « brefs-métrages » suivant l’expression du journaliste Pierre Georges par une figure phare des années 80, Jean-Paul Goude.

Investissement et créativité se conjuguent pour produire une publicité-spectacle qui était partie prenante de la pop culture. C’est l’âge d’or des agences de publicité qui rivalisent d’originalité et parfois de provocation pour attirer l’attention du public et c’est chose aisée étant donné le nombre croissant des chaînes télévisées commerciales, la publicité fait quasiment partie des programmes ! Ce n’est pas un hasard si la première Nuit des Publivores voit le jour en 1981 à l’initiative de la Cinémathèque Jean Boursicot dans le but de financer l’archivage et la restauration de ses archives et de dresser un panorama de la création publicitaire à travers le monde.

T’as le look coco

Coco t’as le look, Pas de doute coco, T’as le look qui te colle à la peau.

Chanson de Laroche Valmont, (refrain), 1983

Impossible de citer le nom de tous les couturiers et de tous les designers qui éclosent dans ces années prolifiques. L’exposition associe avec bonheur les créations des designers : le groupe Totem, Garouste & Bonetti, Philippe Starck promus par le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement), les jeunes créateurs exposés dans les galeries cultes qui se multiplient et les réalisations des virtuoses de la couture comme Christian Lacroix, Vivienne Westwood, Issey Miyake ou Jean-Charles de Castelbajac. Tous trouvent leur place dans la scénographie d’Adrien Rovero sous la nef du MAD.

Les vêtements comme les meubles sont colorés et semblent sortis des vignettes de bandes dessinées, on ne recule devant aucune fantaisie, aucun excès. Les tenues les plus extravagantes s’affichent dans les lieux de fête comme Le Palace et les Bains Douches où l’on écoute New wave, hip-hop, funk, rap et rock. Affiches, photographies et pochettes de disques recréent ici l’atmosphère des nuits parisiennes. Designers et stylistes hantent le monde de la nuit, organisent des soirées médiatisées où seul compte le look, concept essentiel dans une société où l’image est reine.

« La mode est à la mode » et l’audace des femmes de la rue influencées par les créateurs dynamise les maisons de couture qui rajeunissent leur image. Karl Lagerfeld prend la direction artistique de Chanel et Christian Lacroix ouvre sa maison. Les défilés sortent de la confidentialité des salons du faubourg Saint Honoré pour investir les lieux les plus inattendus comme la fête de l’Huma, les personnalités s’y pressent et deviennent les représentants des marques exhibées. 

Jack Lang est à l’origine de la création de l’Institut Français de la Mode et des Oscars de la mode qui a définitivement gagné ses lettres de noblesse et de popularisation aussi.

On sort de la nef du Musée des Arts Décoratifs avec dans la tête les mélodies d’Etienne Daho, un peu de l’insouciance de ces années électriques, multicolores et multiculturelles. On réalise que beaucoup de créations sont devenues des classiques, des œuvres d’art, des témoignages aussi, signe que le temps passe irrémédiablement , que ce n’était ni mieux ni moins bien, c’était avant… 

Je me souviens le 14 juillet 1989 avoir regardé à la télévision la parade extraordinaire mise en scène par Jean-Paul Goude sur les Champs Elysées pour fêter le bicentenaire de la révolution française et je me souviens avoir regardé sur le même écran quelques semaines plus tard, le 9 novembre, tomber le mur de Berlin.

C’est ainsi que se sont terminées les années 80, comme elles avaient commencé, les larmes aux yeux et le cœur gonflé d’espoir.

Mur de Berlin, Raymond Depardon

Infos pratiques

ANNÉES 80. MODE, DESIGN ET GRAPHISME EN FRANCE, au Musée des Arts Décoratifs jusqu’au 16 avril 2023.

Métro : Palais Royal-Musée du Louvre, Tuileries, Pyramides
Bus : 21, 27, 39, 68, 69, 72, 95
Parkings : Carrousel du Louvre, rue des Pyramides

L’entrée se fait par le jardin du carrousel pour tous les visiteurs !