La mort de Helmut Berger, celui qui fut considéré comme le « plus bel homme du monde, » est un moment de nostalgie assumée, une étoile de plus au firmament du cinéma qui fera pâlir pour un instant l’étoile du Berger.

Helmut Berger dans Saint Laurent, 2014 ©MANDARIN CINEMA

La vie et le temps sont cruels pour tous, et pour ceux qui vivent de leur image ils le sont peut-être davantage encore. La drogue et l’alcool avaient beaucoup écorné la beauté séraphique de cet ange blond. Cela n’empêcha pas Helmut Berger de poursuivre une carrière d’homme mûr, son interprétation d’un Yves Saint Laurent âgé fut remarquable dans le film Saint Laurent en 2014.

Si pour Brigitte Bardot Dieu créa la Femme, on peut dire que Luchino Visconti créa Helmut Berger. C’est dans un hôtel où il travaillait que le jeune Autrichien Helmut Steinberger attira l’attention du réalisateur confirmé Luchino Visconti qui reconnût en lui autre chose qu’un merveilleux garçon à l’allure romantique et sauvage ; il sut voir le potentiel dramatique et sombre qui se cachait derrière ce visage angélique. Helmut avait 20 ans et Luchino 58 ans, ils devinrent amants et Visconti son Pygmalion. 

Visconti le fit jouer dans certaines de ses plus grandes réalisations : Les Sorcières en 1967, Les Damnés en 1969, Ludwig, le Crépuscule des Dieux en 1972 et Violence et Passion en 1974.

De nombreux autres réalisateurs l’ont demandé, comme Francis Ford Coppola en 1990 dans Le Parrain 3, Vittorio De Sica en 1970 dans Le Jardin des Finzi-Contini, et même à la télévision avec Claude Chabrol en 1980 pour Fantômas, ou encore dans la série Dynastie en 1984.

Pour son interprétation dans Ludwig, Visconti dit : « Il est parfait. Et il a depuis l’adolescence ces mêmes doux hystérismes, une mélancolie identique, plus désespérée à mesure qu’il prend de l’âge. » Pour le réalisateur « il incarne mieux que quiconque la perversion. »

Il est vrai qu’Helmut Berger devient rapidement un abonné des rôles de gigolo, de fou, d’aristocrate légèrement dégénéré, de borderline. Devenu une icône gay, il reçoit un Teddy Award pour l’ensemble de sa carrière à la Berlinale en 2007.

New-York en 1969 pour la sortie de Les Damnés ©Sal Traina/WWD/Penske Media via Getty

Ce mal-être il a tenté de le soigner par les drogues licites et illicites, surtout à partir de 1976 pour tenter d’oublier la mort de Visconti dont il ne se remettra jamais vraiment. Il en parle en 1989 avec humour dans une auto-interview du « King Berger » dans l’émission de Thierry Ardisson Lunettes Noires pour Nuits Blanches. C’est un personnage chargé et désabusé qui dit sa vérité à lui-même. Il se demande : 

Question : Pourquoi avoir essayé de te suicider ?

Réponse : Pourquoi pas, c’était à la mode. Après Brigitte Bardot…

Question : Tu as des projets ?

Réponse : des projets ? Non, je n’ai jamais de projets, demain c’est demain, hier c’était hier, ce qui arrive arrive. Si j’avais des projets alors je ne serai pas avec vous. Je ne suis pas un industriel, je suis un artiste.

Question : Depuis la mort de M. Luchino Visconti, tu dis : « je porte le deuil de ma vie », c’est vrai ?

Réponse : Toujours. Dur, c’est dur de vivre. Ce n’est pas le passé qui est dur, c’est dur de vivre aujourd’hui…

Question : Tu voudrais mourir comment ?

Réponse : Facile. Beau.

Helmut Berger, né en Autriche à Bad Ischl en 1944, et qui a fait une carrière internationale, est retourné mourir dans son pays, à Salzbourg, ce 18 mai. Son agent Helmut Werner le cite dans Paris Match: « J’ai vécu trois vies. Et en quatre langues ! Je ne regrette rien ! »  Je ne sais pas s’il est mort facilement, mais il serait mort paisiblement. Que la terre lui soit légère comme il sut l’être parfois dans cette vie.