Spectre, la nouvelle exposition du Botanique, à voir jusqu’au 7 août
Dans la salle d’exposition principale du Botanique, errent les spectres de la modernité. Des lumières tamisées étirent une ambiance crépusculaire sur Spectre, une exposition curatée par Lola Meotti et Gregory Thirion, à voir au Botanique.
Prenant appui sur des objets du quotidien, ainsi que sur des matériaux usuels tels que le bois, le métal, la pierre, le béton et la brique, l’exposition met en scène le travail de 7 artistes-sculpteurs contemporains. Comme expliqué dans la vidéo d’introduction qui précède l’exposition, le terme spectre renvoie ici à la perception, au « spectre de lecture », plus qu’aux fantômes, bien que le champ à l’émanation fantomatique des œuvres reste ouvert.
Le ton est donné dès l’entrée, où s’avance devant nous l’installation Espaces de pratiques autres, de Jonathan De Winter. Réalisée à partir de matériaux pauvres, la sculpture semble renverser le rapport hiérarchique entre architecture et sculpture : comme l’explique la curatrice Lola Meotti « on se demande presque si finalement ce n’est pas la sculpture qui tient le bâtiment ou le bâtiment qui tient la sculpture ».
Une installation kafkaïenne, Shouting Booths, signée Charlotte Lavandier, immerge le regardeur dans les dédales administratives d’un bureau de vote, où jaillit, à mesure qu’on essaie de s’en dégager, l’angoisse claustrophobique caractéristique de notre précarité institutionnelle. Une déambulation dans le sentier des urnes, où l’horizon n’est que cul de sac : un pèlerinage dans un monde vidé d’absolu.
Les photographies de Benoit Jacquemin, issues de sa série Palimpseste, où le grain de la mémoire bruit en d’inquiétants renvois métaphysiques, tirées d’un travail sur la ruine, à partir de la ville de Palerme. Le palimpseste – littéralement : « gratté de nouveau » -, renvoyant aux parchemins utilisés dont on effaçait le contenu pour le réutiliser autrement. Du De Chirico au temps de l’effondrement, une invitation à reconstruire le futur dans les ruines du présent.
On retrouve également les œuvres de Lucie Lanzini qui composent un paysage décalé d’objets sculptés, basés sur des fragments d’éléments décoratifs sortis de leur contexte et qui, dès lors, interrogent notre perception de la réalité. Ainsi que Lionel Pennings, un sculpteur qui explore l’esthétique muséographique et les fictions archéologiques au moyen d’empreintes, de pièges ou encore d’imitations d’outils.
Les architectures d’Amélie Scotta viennent quant à elles interroger directement notre habitat et l’urbanisme qui en résulte. Ses œuvres confrontent la monumentalité des bâtiments et les détails de leur construction comme un rappel de la masse humaine des villes pesant sur chacun de ses habitants.
Pour finir, le sublime travail d’Alexandra Leyre Mein, issu de La Debacle II ainsi que de Regard. Sur un socle, une chimère semble chercher à sortir d’elle-même. Une concaténation de boyaux, d’organes accolés, en décomposition. À l’étage, un visage post-lévinassien, dénué de l’appel de l’altérité, cher au philosophe, entouré par des monstres, où des viscères s’entortillent autour d’un noyau en lambeau. C’est vers un au-delà de la visagéité qu’ouvre la sculptrice, par ses assemblages de chair qui redéfinissent les limites opaques de l’anthropomorphisme. La matière n’a jamais été aussi liquide et le mouvement aussi déliquescent, dépassant la représentation baroque d’un jaillissement pour atteindre celui, dans l’esprit contemporain, de la décomposition.
Une exposition présentée au Botanique, du 16 juin 2022 au 7 août 2022.