Le musée du Louvre annonce l’acquisition pour le département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient d’un exceptionnelle icône triptyque de la maison Fabergé, grâce au mécénat décisif de la Société des Amis du Louvre.

L’entrée en collection de cette œuvre de provenance impériale est majeure. Mikhaïl Evlampievich Perkhin, maître-orfèvre virtuose de la maison Fabergé, qui l’a réalisée, est l’auteur de presque tous les célèbres œufs de Pâques offerts par Alexandre III à l’impératrice Maria Fédorovna, puis par Nicolas II à son épouse Alexandra et à sa mère, l’impératrice douairière.

Cette acquisition a été réalisée sur le marché new yorkais auprès de la célèbre galerie « A La Vieille Russie, » pour un montant de 2,2 millions d’euros. Elle s’inscrit dans un plus large et exceptionnel mécénat de la Société des Amis du Louvre de 4 millions d’euros en faveur de l’aménagement du département des Arts de Byzance et des Chrétientés en Orient.

© Musée du Louvre / Département du Service des Acquisitions

Une œuvre emblématique, chef-d’œuvre de l’art de l’icône russe du XIXe siècle, entre au Louvre

Le Triptyque impérial (25,6 x 32,4cm) a été créé par l’orfèvre Mikhaïel Perkhin pour la maison Fabergé, célèbre pour ses fameux Œufs, qui ont marqué la fin du règne des Romanov. Réalisé en bouleau de Carélie et enchâssé dans une monture orfévrée en argent, argent doré et émail, le triptyque est rehaussé d’émeraudes, de rubis, de saphirs et de perles. Il représente, sur son panneau central, les « saints choisis » de la famille Romanov, saint Nicolas, sainte Alexandra et sainte Olga, ainsi que les quatre évangélistes et des séraphins sur les volets.

Cette œuvre a été offerte en 1895 par l’aristocratie saint-pétersbourgeoise à Nicolas II pour la naissance de leur premier enfant, la grande-duchesse Olga. Cette acquisition majeure des Amis du Louvre est comparable au Triptyque réalisé par la Maison Fabergé pour le mariage de Nicolas II et d’Alexandra en 1894 et conservé au musée de Saint Pétersbourg. D’inspiration Art Nouveau, l’œuvre a été exposée en 1977 au Victoria & Albert Museum. Il a été acquis, de gré à gré, sur le marché new-yorkais auprès de la célèbre galerie A la vieille Russie. L’acquisition de ce Triptyque vient compléter l’achat du Louvre, en vente publique sur le marché parisien, en 2022 d’un premier Triptyque impérial provenant de la fabrique des Olovianichnikov.

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La forme du triptyque évoque la silhouette d’une église orthodoxe russe à coupole en forme de bulbe. Le corps du triptyque est en bois de bouleau de Carélie, une essence rare originaire d’une région située au nord-ouest de la Russie et limitrophe, à l’ouest, de la Finlande, poussant dans des conditions climatiques très rigoureuses (favorisant une pousse lente et des motifs de madrures, résultant de l’enchevêtrement des fibres du bois) qui en font un matériau précieux. Sa couleur beurre frais, aux reflets nacrés, est particulièrement appréciée dans le domaine des arts décoratifs russes de la fin du XIXe siècle. Très locale, cette essence est un symbole de l’identité du territoire russe et de l’étendue de l’Empire. A ce titre, elle est très souvent utilisée dans la production de triptyques destinés à la famille impériale par les artistes de la modernité, dans la veine du style Art Nouveau, qui cherchent à donner un nouvel essor à l’art religieux orthodoxe dans les années 1880- 1915.

La peinture est exécutée à l’huile sur la face du triptyque, le bois étant laissé à nu sur le revers et sur la face externe des volets. Sur le panneau central, l’iconographie est répartie en deux registres. En partie inférieure, les deux « saints choisis » du couple impérial se tiennent debout, saint Nicolas, l’évêque de Myre (IVe siècle), et sainte Alexandra, l’épouse légendaire de l’empereur Dioclétien, convertie au christianisme par saint Georges et exécutée sur l’ordre de son mari à Nicomédie. En partie supérieure, en buste, est figurée sainte Olga, épouse du grand-prince Igor Ier et grand-mère de saint Vladimir Ier, régente de la Rus’ de Kiev à partir de 945 et première dirigeante slave à se convertir au christianisme. Elle est pour cela considérée comme « égale-aux-apôtres » par l’Église orthodoxe.  Sur les volets, dans un encadrement émaillé, prennent place les quatre évangélistes, qui flanquent saint Nicolas et sainte Alexandra ; des séraphins entourent sainte Olga.

© Musée du Louvre / Département du Service des Acquisitions

Les peintures sont exécutées sur un fond ocre-brun. Les figures élancées portent des vêtements précieux, rehaussés de cabochons et de perles, envahis d’ornements.

La gamme colorée employée ainsi que le caractère miniaturiste des détails ornementaux renvoient à la peinture dite de « l’école des Stroganov », considérée comme un âge d’or de l’expression artistique dans le domaine de l’icône. Des peintres originaires du village de Mstera, grand centre de la peinture d’icônes et de la tradition des « Vieux-Croyants », ont installé leurs ateliers à Moscou et honoré les commandes destinées à la famille impériale, à la cour et à l’élite moscovite et saint-pétersbourgeoise. Les plus célèbres d’entre eux furent Ossip Semyonovich Chirikov (1849-1903), Mikhaïl Ivanovich Dikarev ( ? -1917) ou Mikhaïl Pavlovich Guryanov (1867-1920). Ils travaillaient pour les grandes maisons d’orfèvrerie, parmi lesquelles la maison Fabergé. Leur formation à Mstera leur avait donné une solide maîtrise de la peinture traditionnelle, ainsi qu’une attention toute particulière aux effets de la gamme chromatique et aux détails ornementaux. Il est probable que le triptyque ait été peint par l’un de ces artistes, Chirikov ou Dikarev.

© Musée du Louvre / Département du Service des Acquisitions

Le triptyque est enchâssé dans une monture exécutée en argent et argent doré, rehaussé d’émail coloré, de pierres précieuses, émeraudes, rubis et saphirs, et de perles. Un élégant treillis doré sur fond bleu clair forme l’encadrement des figures des évangélistes, sur les volets, tandis que des arabesques dans le style « Modern» (c’est ainsi qu’on désigne le mouvement Art Nouveau en Russie) soulignent la structure architecturale de l’objet.

Sur la tranche inférieure du triptyque, au point où les volets fermés se rejoignent, apparaissent les trois poinçons règlementaires : au centre, le privilège impérial de Saint-Pétersbourg et le titre de 88 solotniques, soit 916 millièmes, standard pour les articles artistiques de la maison Fabergé ; à droite la marque de Fabergé, ФАБЕРЖЕ ; à gauche le poinçon de maître, М.П pour « Mikhaïl (Evlampievich) Perkhin ». Ce dernier est le plus célèbre et le plus important des maîtres artisans de Fabergé. Il réalisait les objets en or et émail les plus prestigieux, des bijoux et des animaux en pierres dures ou précieuses très appréciés par la famille impériale. Il fut surtout l’auteur des œufs de Pâques impériaux, dont il fut chargé jusqu’à sa mort en 1903.

Rejoignez vous aussi le mécénat collectif de la Société des Amis du Louvre


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