Pour sa 6ème édition, lille3000 a choisi de célébrer l’utopie jusqu’au 2 octobre 2022 dans toute la métropole et au-delà. Ce mot apparaît au XVIe siècle sous la plume de Thomas More qui intitule son ouvrage majeur : L’ Utopie ou Le Traité de la meilleure forme de gouvernement et s’il soulève de nombreuses polémiques au moment de sa parution et dans les décennies qui suivent, il est aujourd’hui passé dans le langage courant pour désigner « un idéal, une vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité. » C’est donc bien dans un monde rêvé que je vous invite à plonger par le biais  de cet article.

Métamorphoses urbaines

À l’heure du dérèglement climatique et des urgences environnementales, notre capitale européenne de la culture met le cap sur les  Utopies architecturales, les innovations liées à la nature et les imaginaires de la forêt à travers de multiples expositions, spectacles et manifestations. Je vous en donne aujourd’hui un premier aperçu avec, pour commencer, une promenade en centre-ville.

Simone

©lille3000

L’idéal est d’arriver en train pour éviter les embouteillages et les problèmes de parking, pour découvrir aussi Simone, une gigantesque Valkyrie dont la structure gonflable de plus de 40 mètres est habillée de laine, de tissus et de LED . A travers cette sculpture monumentale et tentaculaire suspendue au-dessus des voyageurs dans le hall de la gare, Joana Vasconcelos rend hommage à d’ autres Simone : Simone de Beauvoir, Simone Veil, Simone Signoret ou moins connue que les précédentes, Simone Hérault, voix de la SNCF depuis40 ans.

Moss People

La rue Faidherbe vous conduira de la gare Lille-Flandres à l’Opéra sous les yeux de dix gigantesques personnages couverts de mousse tout droit venus des grands espaces finlandais. Kim Simonsson est le papa des « Moss people » jusque là réalisés en céramique blanche et hauts de un mètre environ, agrandis pour l’occasion et couverts d’une texture verte très  particulière.

Cette mini société  comporte plusieurs enfants, figures féériques issues de contes nordiques où l’on vit en parfaite harmonie avec la nature. Chacun a une fonction bien définie : le cueilleur, le philosophe, le guérisseur, le voyageur… Ils échangent grâce à la langue des signes et semblent se mettre d’accord pour une célébration nocturne quand tous se seront endormis et que la ville leur appartiendra.

Maxitos et ses petits

À quelques centaines de mètres, dans le vieux-Lille, d’autres personnages, les Minitos, petits jardiniers à la tête de courge vous accueillent dans le jardin médicinal de l’Hospice Comtesse. Nul besoin d’entrer dans le musée pour apercevoir les créatures de Jean-François Fourtou, modèles réduits des Nanitos qui ont perdu pour l’aventure lilloise quelque 75 cm mais ont gardé toute la poésie des récits originaux de l’artiste. 

De l’autre côté de la grille du jardin, Maxitos vous attend devant la maison géante qu’il vous invite à visiter pour retrouver des sensations oubliées de la petite enfance.

Vous croiserez des œuvres de ces différents artistes dans d’autres quartiers : la seconde valkyrie de Joana Vasconcelos, Martha et une théière géante à Wazemmes ; les « Moss People » originaux de Kim Simonsson à la maison Folies Moulins et les Minitos de Jean-François Fourtou à la gare Saint-Sauveur entre autres.

La forêt magique

Le Palais des Beaux Arts de Lille abrite pour l’occasion une forêt d’œuvres d’art dédiées à l’arbre. Vénéré, transformé, habité, fantasmé mais aussi torturé et massacré, l’arbre  est une source d’inspiration inépuisable pour les artistes depuis les origines.

Cette exposition d’un nouveau genre, éco conçue, s’inscrit dans le thème de l’exploration des liens unissant l’humanité au vivant non humain. Les œuvres d’artistes visuels côtoient les messages délivrés par les écologues et les botanistes.

L’homme n’a cessé de repousser les limites de la forêt pour étendre ses territoires mais il entretient avec elle une relation intime faite à la fois de peur et d’attirance.

L’arbre qui cache la forêt

Dans le hall, une installation vidéo de Quayola, « Pleasant Places » nous accueille et donne le ton. Un mur d’images nous permet de passer de la réalité à l’univers pictural à travers la campagne provençale telle que pouvait la voir Vincent Van Gogh dans la deuxième moitié du XIXème siècle .

Descendons quelques marches pour accéder à l’exposition.

« La Siouva », œuvre de Cécile Beau et Anna Prugne est une souche d’arbre aux allures d’araignée qui trône au centre de la première salle et interroge les liens étroits entre le monde végétal et le monde animal.

 Des tableaux et études de différents artistes du XVII ème siècle à aujourd’hui entourent cette sculpture qui semble nous inviter à entrer dans un monde onirique.

Mon Petit Coup de Coeur dans cette première approche pour la magnifique huile sur toile de Gustave Moreau Apollon et Daphné qui célèbre la fusion de la femme et du végétal d’après un épisode des Métamorphoses d’Ovide.

Le bois sacré

C’est l’arbre « sanctuaire » qui est au centre de  la salle suivante, l’arbre-maison du film de James Cameron, Avatar côtoie l’installation « Depuis la terre jusqu’au ciel » de Gilles Barbier où les cabanes semblent pousser sur un arbre devenu refuge pour les humains. 

Les Druides coupant du gui le sixième jour de la lune de Henri-Paul Motte voisinent avec Les Muses de Maurice Denis.

Et je vous laisse découvrir d’autres associations aussi heureuses entre Jan Brueghel de Velours, Pieter II Brueghel le Jeune,  Aristide Caillaud et  Maximilien Lenz.

Mon Petit Coup de Coeur dans « Le bois sacré » pour l’Arbre du Budha Sakyamuni à Kandy de Félix-Elie Regamey, magnifique représentation de l’arbre sacré de la Bodhi.

La forêt hantée

Les fantômes envahissent la salle suivante. 

Le Pepper’s ghost (illusion d’optique) de l’Albion de Mat Collishaw crée la surprise en projetant la silhouette phosphorescente d’un chêne majestueux et pourtant à l’apparence si fragile.

On guette  les créatures  de l’au-delà dans les œuvres de Yan’Dargent, Les Lavandières de la nuit ; de Valérie Sonnier, Kodama ; de William Degouve de Nuncques, La Forêt mystérieuse ; et d’Auguste Morisot, Ombre, Lumière et Ténèbres.

Mon petit coup de coeur pour la nature tourmentée de Gaspard Duguet dans Un ciel d’orage.

La forêt enchantée

La dernière salle nous  plonge dans le monde des contes de fées de notre enfance.

Dans une époque utilitaire, plus qu’à aucun autre moment, c’est une question d’une grande importance que de respecter les contes de fées 

Charles Dickens, Frauds on the fairies, 1853

Ici, Iris vole au-dessus d’un étang de nénuphars avant d’être métamorphosée en arc-en-ciel ( Iris, John Atkinson) et un jeune chasseur s’est endormi dans un trou de verdure, veillé par les divinités de la forêt (Un rayon de soleil, Célestin Nanteuil) pendant que les elfes envahissent l’obscurité des bois voisins (Nocturne aux elfes, Gustave Doré). 

Là, on joue à cache-cache (Idylle ou cache-cache, J-B Corot), le décor de  la belle au bois dormant de Eyvind Earle  cohabite avec celui de la Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki.

Mon dernier coup de coeur pour Titania , reine de la forêt plongée dans un songe peuplé de créatures extraordinaires , Le sommeil de Titania de Richard Dadd.

Le Jardin d’Eden

Ne quittez pas la capitale 3000 de la culture sans franchir le portail de l’église Marie-Madeleine pour faire quelques pas dans Le Jardin d’Eden, quête de paradis perdus et de possibles futurs poursuivis également dans les maisons Folie Wazemmes et Moulins.

Il faut contourner  23000 pièces de batteries de cuisine en acier , accumulation de l’artiste indien Subodh Gupta pour accéder à l’œuvre spectaculaire de l’artiste flamand, Peter de Cupere, Fragrum cardamomi. 

Je vous promets une belle émotion à la vue de ce bulbe géant surmonté de longues tiges s’épanouissant en corolles orangées à 9 mètres au-dessus du sol. Une sorte de cucurbitacée d’un vert brillant parsemé de fraises odorantes qui vous réservera une agréable surprise olfactive.

Vous pourrez plonger la tête au sein d’un nuage de coton après avoir grimpé les quelques marches du tabouret d’une autre installation du même artiste visant à mêler de nouvelles impressions visuelles et olfactives.

N’hésitez pas à passer sous d’autres porches, à pousser d’autres portes, rares sont les places, les jardins et les cours qui n’abritent pas une œuvre d’art en ville cet été. J’espère que cette première journée en Utopie vous donnera envie de revenir très vite pour profiter de toutes les merveilles de Lille 3000.

Informations pratiques 

Vous pourrez sans problème vous déplacer à pied depuis la gare Lille-Flandres jusqu’aux différents lieux d’exposition évoqués dans cet article. Les quartiers de Wazemmes et Moulins sont un peu plus éloignés mais accessibles avec les transports en commun.

Seule l’entrée au musée des Beaux-Arts, place de la République est payante dans ma sélection :

OUVERT : Lun. 14h – 18h,

Mer. > Dim. 10h – 18h. Fermé le mardi.

Exposition La Forêt Magique : tarif plein 10 € / tarif réduit 8 € / happy hour dès 16h30 7 €

Pour le reste, il suffit de marcher un peu et d’ouvrir les yeux …

Simone, Joana Vasconcelos à la Gare Lille Flandres

Moss People,Kim Simonsson sur La Rambla, rue Faidherbe

La maison du Maxitos et les Minitos, Ilôt Comtesse, rue de la Monnaie

Le jardin d’Eden, Eglise Sainte- Marie- Madeleine, rue du Pont-Neuf